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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
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23 juillet 2023

Il y a CINQUANTE ANS, l'irruption du régionalisme normand dans la vie politique nationale...

Billet de Florestan:

Il y a cinquante ans, (1973- 2023) les idées régionalistes normandes partaient à la conquête de la démocratie électorale non sans un certain succès avec l'élection du député François d'Harcourt.

Franck Buleux nous propose de nous souvenir de ce moment politique fondateur pour l'idée régionale normande contemporaine. A l'époque, la question normande était brûlante: nous étions en pleine polémique sur le futur périmètre de l'établissement public régional normand avec l'idée d'unité normande, de conflit entre Caen et Rouen, de méfiance du département de l'Orne contre ces méchants Haut-Normands de la Seine-maritime assimilés à des Parisiens arrogants mais aussi de la résistance courageuse des élus du département de l'Eure emmenés par le sénateur-maire de Bernay Gustave Héon entré dans la bataille pour l'unité de la Normandie contre tous les grands barons de la division alors que le Gouvernement Pompidou était plutôt bienveillant avec l'évidence normande.

Cette bataille politiques des régionalistes normands contre le localisme des élus normands a été, hélas perdue, malgré quelques succès liminaires... On préféra alors opter pour un combat des idées, un combat métapolitique patient, voire obstiné qui permit de faire progresser dans la société civile normande l'idée d'unité régionale malgré un certain découragement ou un certain fatalisme mais cela fut suffisant pour que l'un des plus anti-normands de nos présidents demi-régionaux, à savoir René Garrec à la tête de l'ex-Basse Normandie, soit battu dès le premier tour des élections régionales à cause de son refus d'envisager l'unité normande: c'était en 2004. 

Comme on le sait et non sans ironie, il faudra attendre le dimanche précédant le 6 juin 2014 et le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie qui devait être commémoré  devant quelques 150 chefs d'état venus du monde entier sur la plage de Ouistreham pour que le président socialiste d'origine rouennaise François Hollande, alors en plein big bang de réforme de la carte régionale de la France métropolitaine, ne se décide à réunifier Haute et Basse Normandie faisant alors une pierre deux coups:

Etre à la hauteur du moment symbolique du 6 juin en y associant le choix historique du retour à l'unité régionale pour honorer la Normandie et les Normands de leur martyr pour le retour de la Liberté en Europe à la fin de la Seconde guerre mondiale, d'une part.

Et d'autre part, emmerder définitivement la clique des Fabiusiens de Rouen qui refusaient avec obstination la réunification normande sous le prétexte débile de craindre qu'une Normandie unifiée ne soit gouvernée par la droite puisqu'un Louis Mexandeau avait décrété que "la Basse-Normandie vote à droite depuis Guillaume Le Conquérant"...

Depuis 2016, la réunification normande a donné ses fruits et sa mise en oeuvre a calmé la plupart des craintes et des méfiances mais n'a pas, non plus, résolu tous les problèmes:

Le régionalisme normand doit donc se réinventer avec pour nouvel horizon, la normandisation de la société civile normande, la sortie de la haine de soi et l'affirmation d'une fierté régionale sans complexes ni inhibition sur des bases qui sont propres aux originalités normandes.

En effet, la réplication ou la déclinaison en Normandie d'un kit éthno-identitaire qui peut faire la force de régionalismes parfois plus bruyants ou explosifs que le nôtre n'est pas la solution car il y a une originalité de la voie régionaliste normande et cette originalité politique normande qui peut être une sorte de voie médiane entre un jacobinisme centralisateur parisien aveugle sinon crétin et son idiot utile régionaliste nationalitaire séparatiste pétaradant ou pyrotechnique, doit se faire plus que jamais entendre comme l'une des solutions à apporter au moment où le modèle républicain français, voire la France, tout simplement, subissent l'une des plus graves crises de leur existence...


 

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Il y a un demi-siècle, le MN entrait à l’Assemblée nationale !

Franck BULEUX

En avril 1973, « le journal de la renaissance normande », Haro, anciennement L’œuf, annonçait en titre de son 105e numéro, daté de mars-avril 1973, l’élection de François d’Harcourt (1928-2020), candidat du Mouvement normand (MN) dans la 4e circonscription du Calvados, celle (selon le découpage de l’époque) de Bayeux ! Le conseiller général de Balleroy était le seul candidat estampillé MN (d’autres candidats, de droite comme de gauche, étaient soutenus par le MN, mais non investis).

Ainsi, voici un demi-siècle, le MN entrait à l’Assemblée nationale. Certes, le gaulliste Pierre Godefroy (1915-1992), était réélu député gaulliste (UDR) à Valognes, dans la Manche, mandat qu’il occupera de 1958 à 1988, mais le soutien de la droite gaulliste ne lui a jamais fait défaut pour l’emporter, même s’il fut, rappelons-le, l’un des fondateurs du MN.

Dans la circonscription de Bayeux, François d’Harcourt n’a que deux modestes investitures, celle du plus vieux parti de droite français, fondé en 1949, le parti de l’ancien président havrais René Coty, le Centre national des indépendants et paysans (CNIP) et le MN. Les gaullistes soutiennent, naturellement, le député sortant, Raymond Triboulet (1906-2006), élu dès 1946 compte tenu de sa proximité politique avec de Gaulle et son passé de résistant. Triboulet, l’ancien ministre des Anciens combattants sous la IVe République, puis de la Coopération sous la Ve, celui qui avait participé aux opérations du Débarquement du 6 juin 1944 battu par ses fidèles électeurs, ce fut un véritable « coup de tonnerre » dans le landerneau normand et même, à l’époque, au niveau national, marquant la fin des caciques gaullistes ou, tout du moins, de certains…

Face à lui, un homme du terroir normand, un d’Harcourt, est élu le 11 mars 1973. Après avoir mené sa campagne électorale sous la devise de Guillaume Le Conquérant à Hastings, « viriliter et sapienter » (avec courage et sagesse), il a vaincu un élu jugé indéboulonnable tout en limitant la poussée des forces de gauche, à l’époque en forte progression avec la mise en place de l’Union de la gauche (qui ne dépassa pas le cinquième de l’électorat dans le Bessin) .

Adhérent du MN depuis le congrès de Honfleur de 1970, François d’Harcourt soutient, pendant sa campagne, la constitution d’une seule région de trois millions d’habitants : fils aîné du duc d’Harcourt, le nom de sa famille est lié depuis un millénaire à la Normandie. Les couleurs du blason d’Harcourt sont d’ailleurs les mêmes que celles du duché, rouge et or. Au temps du duc Guillaume, il y eut un d’Harcourt pour partir à la conquête de la Grande Île et unir nos terres. Au moment de la guerre de Cent Ans, Godefroy d’Harcourt, seigneur de Saint-Sauveur-le-Vicomte, prit le parti du roi d’Angleterre, duc de Normandie. Ce réprouvé médiéval n’a pas empêché d’autres membres de la famille d’Harcourt de servir le roi de France et de s’illustrer sous tous les régimes. Hommes de guerre et hommes de science, les d’Harcourt ont toujours servi la Normandie.

La campagne du candidat d’Harcourt repose sur le régionalisme normand : tout en rejetant tout séparatisme, qu’il juge aussi mortel que la centralisation, il estime que ce qui est du ressort de la commune ou du département ne doit pas se régler à Paris. Ce qui peut être décidé démocratiquement par des citoyens responsables ne doit pas être imposé par des technocrates, comme à l’époque le refus de remettre en cause le choix de 1956 de la partition normande.

Jean Mabire (1927-2006), dans le numéro 104 de Haro-L’Œuf (daté de février-mars 1973), loue le pragmatisme normand du candidat d’Harcourt : « maître de lui-même, jugeant le monde qu’il entoure par sa propre expérience, soucieux des réalités plus que des idéologies, il représente l’homme politique tel que nous le souhaitons dans la Normandie de demain ». Maît’Jean ajoute qu’il « n’ira pas prendre ses ordres ailleurs qu’à Bayeux » et qu’ « il ne sera pas prisonnier d’un parti ou d’un bureau de l’État parisien ». Les éditoriaux de Jean Mabire furent bien reçus par les électeurs du Bessin.

Après la victoire électorale de d’Harcourt, Jean Mabire laisse éclater sa joie épistolaire en s’exprimant ainsi, reprenant le slogan des contestataires de Mai 68 , « Ce n’est qu’un début. Continuons le combat ! ». Jean Mabire se pose ainsi, après cette victoire, en partisan d’une force populaire susceptible de se mesurer aux forces traditionnelles électorales qui sont, selon le fondateur de la revue Viking, en mars 1949, « usées ».

Le MN, à l’époque jeune mouvement régionaliste, a contribué à la victoire du candidat indépendant des blocs (gaulliste comme de gauche) en mettant à son service, outre des militants dans tout le Bessin, mais aussi une thématique normande, digne d’un mouvement politique régionaliste.

François d’Harcourt fut porté par un véritable mouvement de rassemblement populaire, passant de 9 664 à 14 877 voix entre les deux tours, ce qui est impressionnant pour un candidat indépendant des grandes forces politiques. Il fut le seul élu « régionaliste » de France en 1973 et représentait, outre le Bessin et le Calvados, l’ensemble de la Normandie. Il bénéficia notamment du report des voix du candidat du Mouvement réformateur et du Centre démocrate (CD), Roger Jouet, à l’époque jeune élu local du Bessin et, lui aussi, adhérent du MN. Guillaume Lenoir, dans Haro-L ‘Œuf paru en février-mars 1973, avait d’ailleurs regretté la candidature de Roger Jouet, maire de Trévières, à Bayeux, qu’il aurait volontiers vu représenter le MN mais dans une autre circonscription.

En effet, pour rappel, au second tour, le candidat MN attira plus de 41 % face au sortant gaulliste qui ne rassembla qu’à peine 38 % et 20 % se mobilisèrent en faveur du candidat socialiste, Alain Bauda. Les électeurs du centre, proches du maire de Rouen, Jean Lecanuet, qui avaient opté pour Jouet (près de 14 % au 1er tour) se sont ainsi massivement ralliés à d’Harcourt qui accusait 8 points de retard (27 %) face au gaulliste (35 %) au premier tour. Ainsi, le MN permettait un vaste rassemblement à travers l’union des électeurs de d’Harcourt et de Roger Jouet.

Bien évidemment, un demi-siècle a passé et notre élu, intégré au groupe Union centriste (UC) a peu eu l’occasion de parler « Normandie » durant la mandature 1973-78 même s’il fut largement réélu dès le premier tour.

Bien sûr, une hirondelle ne fait pas le printemps, mais cet élan populaire électoral avait ouvert une brèche politique alors que les partis minoritaires (FN, LCR) ne perçaient pas.

Cette élection nous prouve, même 50 ans après, qu’un mouvement régionaliste est possible, métapolitique comme politique.

50 ans après, ayons une pensée sur le fait qu’aujourd’hui d’autres régionalistes sont à l’assemblée (Corses mais aussi un proche de l’UDB, Paul Molac, dans le Morbihan) mais qu’en 1973, il y avait un d’Harcourt !

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