Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 46 178
Derniers commentaires
Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
Pages

Arnaud BRENNETOT au séminaire Normandie de l'UP Caen (10 avril 2024): La Normandie, 40 années de régionalisation contrariée...

Billet de Florestan:

 

Conférence d'Arnaud Brennetot, professeur de géographie à l'université de Rouen (UMR -CNRS 6262 IDEES)

 

"Quelle trajectoire pour la Normandie? Retour sur quarante années de régionalisation contrariée."

 

Séminaire Normandie, 15ème session annuelle (2023-2024) Université populaire de Caen

 

"La Normandie aux défis du XXIe siècle: crise démographique et révolution numérique."

 

Mardi 10 avril 2024 auditorium du Musée des beaux arts de Caen, enceinte du château ducal

 

COMPTE-RENDU

Dans le cadre de notre séminaire "Normandie" de l'Université populaire de Caen, nous avons eu grand plaisir de recevoir une seconde fois Arnaud Brennetot, professeur de géographie et enseignant chercheur à l'université de Rouen qui nous propose régulièrement de partager ici ou ailleurs dans le débat public médiatique régional ses avis et analyses expertes sur l'état économique et social de notre région et sur les grands enjeux de son avenir en matière d'aménagement du territoire.

 

Huit années après une réunification normande pour laquelle nous avons ici milité et pour laquelle s'est mobilisé dans les années 2010 le collectif des quinze géographes universitaires normands emmené par Armand Frémont et François Gay et aux travaux duquel Arnaud Brennetot a beaucoup oeuvré, c'était naturellement à ce dernier que pouvait revenir le devoir de nous faire l'état des lieux de notre Normandie avec lucidité et sans aucune concession à partir d'un relevé précis de toutes les données statistiques disponibles  et selon l'angle d'approche parfaitement adapté au sujet.

 

Avant de nous proposer une analyse précise de la situation de la Normandie des années 2020, Arnaud Brennetot a souhaité nous la mettre dans une perspective d'histoire économique longue pour cerner les originalités d'une Normandie qui fut toujours ouverte sur le vaste monde de par sa façade maritime.

 

En 1200, Rouen était déjà une "ville monde" (Fernand Braudel) métropole financière, commerciale et économique du vaste ensemble territorial Plantagenêt étendu des Pyrénées à l'Ecosse.

 

Après une intégration réussie à la France au cours d'un XIIIe siècle prospère qui fait de Rouen et de la Normandie le débouché international maritime d'un axe Seine parisien prolongé jusqu'aux foires de Champagne, la Normandie connaîtra des temps plus troublés aux XIVe et le XVe siècles avec une guerre de Cent ans avec l'Angleterre qui coupe les routes commerciales sans parler du choc démographique considérable des épidémies de peste.

 

Une fois la paix durablement retrouvée avec l'Angleterre sous le règne de Louis XI, la Normandie connaît un puissant retour à la prospérité avec la renaissance de son économie maritime internationale voire au plus lointain avec les audacieuses expéditions dieppoises du XVIe siècle vers les nouveaux mondes. Ce beau XVIe siècle normand voit aussi la fondation du port du Havre par François 1er qui ne sera jamais le port militaire souhaité au départ mais qui va devenir le plus grand port de commerce français.

 

Cette prospérité urbaine normande sera cependant contrariée par les Guerres de Religion mais surtout à partir des années 1680 lorsqu'une nouvelle guerre de Cent ans s'amorce entre la France et l'Angleterre : c'est une "Seconde guerre de Cent ans" (Jean Meyer)  quasi continue de Louis XIV à Napoléon1er. La Manche sera une zone de guerre entrecoupée de trêves. Fort heureusement et contrairement à la Bretagne voisine, l'économie agricole normande est capable de prendre le relai de la croissance économique régionale en se spécialisant dans la fourniture du ventre de Paris. 

 

En plus du risque de guerre qui pèse sur l'économie maritime normande il faut compter aussi avec le poids de plus en plus fort d'un dirigisme de l'Etat (le mercantilisme de Colbert) qui n'est guère compatible avec l'esprit plutôt libéral des entrepreneurs et marchands normands notamment du côté de Rouen: ce n'est pas pour rien que celui qui eut le premier l'idée de l'existence d'un libre circuit économique était le Rouennais Boisguilbert.

 

Au XVIIIe siècle, la Normandie devient une terre d'expérimentation et d'acclimatation des nouveautés industrielles et agricoles anglaises par l'entremise de l'intendant aux finances Trudaine et de quelques ingénieurs et investisseurs britanniques: c'est ainsi que nait dès la fin du règne de Louis XV les premières implantations françaises de l'industrie chimique avec une fabrique d'eau vitriolée à Saint-Sever qui fera beaucoup parler d'elle pour, déjà, une question de nuisances environnementales qui sera tranchée en appel devant le parlement de Rouen.

 

C'est durant cette époque des années 70 du XVIIIe siècle que sont créées les premières usines textiles dans les environs de Rouen.

 

Et c'est une région euphorique que Louis XVI traverse en 1786 pour aller visiter les grands travaux du port de Cherbourg : les effets désastreux du traité de libre- échange signé la même année avec l'Angleterre sur l'économie française et normande n'avaient pas encore eu lieu.

 

La tourmente révolutionnaire arrive là-dessus avec le retour du risque militaire, la guerre avec l'Angleterre: 

 

Pour les Normands, restés plutôt légitimistes, la défaite de Waterloo (1815) fut vécue comme un soulagement avec le retour de la paix avec l'Angleterre et donc le grand retour des affaires à Rouen et au Havre.

 

Le XIXe siècle fut ainsi un grand siècle pour la Normandie région pionnière de la révolution industrielle, du chemin de fer, du développement urbain mais aussi de l'innovation agricole (généralisation du couchage en herbe commencé dès le XVIIe siècle), le tourisme et des bains de mer. Les ports du Havre et de Rouen sont les premiers de France. En 1900, Rouen devient même le premier port français importateur de pétrole. Le capitalisme se développe puissamment avec une tête de plus en plus parisienne voire internationale et de moins en moins normande.

 

En 1914, la Normandie industrielle, maritime et agricole est manifestement la région de France la plus moderne et la plus prospère.

 

Comme on le sait le XXe siècle sera un nouveau temps d'épreuves pour la Normandie notamment lors de la libération de la Seconde guerre mondiale avec les destructions massives que l'on sait.

 

C'est alors que la Normandie va être littéralement nationalisée par l'Etat central parisien pour sa reconstruction et divisée en deux pour gérer au mieux cette reconstruction privilégiant l'axe de la Seine entre Paris et Le Havre dans une logique d'expansion et de réorganisation de la région parisienne (Plan Delouvrier).

 

Les années 1960 -1970 voient l'apogée d'une Normandie reconstruite, modernisée et finalement prospère dans le plein emploi d'une économie industrielle fordiste alors qu'au niveau du pilotage politique régional, la querelle autour de savoir s'il fallait un établissement public régional normand ou deux sur fond de zizanie caenno-rouennaise, faisait rage.

 

Avec l'ouverture du marché européen à la concurrence mondiale à partir des années 1980, le choc de désindustrialisation va être rude : les défauts structurels normands (la division, le localisme politique, l'absence d'un véritable dynamisme métropolitain régional, le manque de centres de décision, le retard scolaire ou dans l'enseignement supérieur et la recherche) vont se révéler, une fois l'illusion de prospérité fordienne douloureusement dissipée.

 

Après un cycle de plus de vingt années de désindustrialisation, d'un certain déclin marqué par des dynamiques contradictoires (par ex: déclin ferroviaire et, en même temps, désenclavement autoroutier; montée de la spécialisation nucléaire et accélération de la désindustrialisation; création du plateau scientifique de Caen Nord Côte-de-Nacre de niveau mondial avec le GANIL et désengagement de l'Etat de la matière grise normande...) la bonne nouvelle de la réunification normande imposée par un président de la République à une classe politique régionale qui n'en voulait pas est arrivée.

 

Toute la question est de savoir si le déploiement de politiques publiques régionales spécifiquement normandes auront pu, depuis 2016,  avoir un impact positif pour purger les passifs de la division et corriger les défauts structurels de notre région : on peut dire aujourd'hui, huit années après, que le volontarisme du nouveau conseil régional normand n'a eu qu'un effet marginal sur l'économie régionale.

Mais, en revanche, dans l'ordre du symbolique, du marketing territorial, de l'identification d'un destin commun fondé sur un patrimoine historique et culturel exceptionnel, d'une aventure à mener ensemble voire d'une certaine fierté régionale collective, la réunification a été bénéfique :

Depuis 2016 nous assistons à une sorte de renaissance de l'évidence normande. La mayonnaise est en train de prendre, doucement et sûrement et le retour de l'évidence normande ne pourra que renforcer par sa force symbolique prestigieuse la légitimité des projets de l'économie réelle régionale.

----------------------------------------------------------------------------------------

Voir ci-après l'intégralité du diaporama proposé par Arnaud Brennetot lors de cette mémorable soirée du séminaire Normandie de l'UP Caen. 

 

Diaporama assorti des commentaires de Florestan.

 

Les données statistiques de cette présentation proviennent, pour l'essentiel, des données publiques proposées par l'INSEE.

 

Mais la mise en perspective réalisée par Arnaud Brennetot d'abord pour le CESER Normandie et, ensuite, pour le "séminaire Normandie" de l'UP Caen permet d'éclairer comme jamais certaines réalités territoriales, économiques et sociales pour le moins surprenantes quant à notre région : des inquiétantes confirmations voisinent avec quelques éclatantes éclaircies ensoleillées qui laissent présager un avenir possible pour la Normandie.

 

Commentaire:

 

Arnaud Brennetot a cru bon, non sans raison, d'interroger le fait souvent claironné que la Normandie serait la première région industrielle de France en part de PIB régional : il faut nuancer cette assertion devenue quelque peu le mot d'ordre d'un volontarisme de la reconquête industrielle pour la Normandie. En part d'emploi salariés privés, alors oui c'est vrai, avec plus de 20% des emplois salariés du secteur privé, la Normandie est une région à fort profil industriel, bien au-delà de la moyenne de la province française (On verra qu'Arnaud Brennetot présente l'Ile-de-France à part du reste des autres régions françaises...)

 

En revanche, on notera qu'à cette force normande répond, hélas, une faiblesse normande : le secteur des services marchands pourtant essentiel à l'encadrement et à la conduite d'une dynamique industrielle régionale. La Normandie, on le verra confirmé ultérieurement, est largement en dessous de la moyenne des régions françaises.

 

Commentaire:

 

Cette courbe montre deux grandes réalités :

 

1) L'impact très fort de la grande crise mondiale financière de 2008 qui a ouvert quelques dix années d'un certain marasme dans la création d'emplois. Mais pour la Normandie on observe une remontée commençant symboliquement en 2016, année de la réunification avec une dynamique positive se poursuivant après la crise sanitaire du Covid des années 2020-2021.

 

2) La Normandie fait partie du bloc des régions du Nord et de l'Est périphériques de l'Ile-de-France : en terme de dynamisme économique général ce bloc des régions du Nord et de l'Est décroche du reste de la province française à partir de la crise de 2008.

 

 

Commentaire:

 

Cette carte sur la dynamique très différenciée des bassins d'emplois normands entre la crise financière de 2008 et la crise sanitaire de 2019 -2020 nous révèle une division régionale normande pour le moins inédite :

 

En effet, le Cotentin et plus largement le département de la Manche, offre un dynamisme de la création d'emplois qui tranche avec le reste du territoire normand avec l'exception du bassin de Pont-Audemer et de la vallée de la Risle (dynamisme de la filière logistique en lien avec le Grand port maritime du Havre).

 

Le Cotentin fait donc exception et pourrait s'apparenter comme on le verra ci-après au profil économique plutôt dynamique du Grand Ouest français.

 

Deux sources d'inquiétudes :

 

1° Les grandes agglomérations normandes (Caen, Rouen et Le Havre) sont peu dynamiques voire ont perdu beaucoup d'emplois : on pensera notamment au bassin havrais.

 

2° Le décrochage très inquiétant du département de l'Orne (Flers, Mortagne-au-Perche et Alençon).

 

Commentaire:

 

Ce graphique sur l'évolution des emplois salariés du secteur privé en Normandie confirme avec violence la carte précédente : Cherbourg décolle littéralement et plane au -dessus du reste d'une Normandie coupée en deux avec, d'une manière générale, une Normandie du Nord-Ouest et des grandes agglomérations (Caen et Rouen) qui se porte mieux que la Normandie méridionale des arrière-pays ruraux de l'Orne et de l'Eure...

 

Comment expliquer le miracle de Cherbourg ? Le nucléaire bien sûr mais pas seulement. Sur le port de Cherbourg et de son agglomération on trouve un tissu de PMI -PME industrielles très performantes, souvent leaders européens ou mondiaux sur des marchés de niche. On verra qu'aux côtés de ces entreprises industrielles cherbourgeoises performantes s'est développé aussi un secteur des services tout aussi florissant : il y a donc un modèle cherbourgeois de la réussite économique et territoriale qui devrait être médité pour toute la Normandie. 

 

Commentaire:

 

Sans commentaire ! justement...

 

Jusqu'aux années 2015-2016, on ne pourra constater que la chute vertigineuse des emplois dans le secteur industriel en France. Alors pourquoi la destruction des emplois industriels en France semble s'arrêter après 2015 ? Les plus désabusés diront qu'il n'y a plus d'emplois industriels à détruire puisqu'on est "à l'os"... Les plus optimistes diront que se font aussi sentir les diverses politiques publiques territoriales affichant ou mettant en oeuvre un certain volontarisme industriel dans une logique d'intelligence économique : on verra que le cas normand peut être assez exemplaire en ce domaine...

 

Mais cette conjoncture plus positive est toute récente et elle demeure encore très fragile...

 

Commentaire:

 

Avec une focale plus précise centrée sur l'évolution des emplois dans les seules entreprises industrielles privées, on voit, à la fois, la dégringolade et le redressement après les années 2015 -2019:

 

Cette diapo est importante par rapport au débat sur la désindustrialisation et à l’enjeu de la « réindustrialisation » promue par l’Etat comme par les Régions. Or, la réindustrialisation est déjà une réalité dans le Sud et l’Ouest (Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Pays-de-la-Loire). Alors que la désindustrialisation se poursuit dans le Nord et l’Est.


Dans ce paysage, la Normandie occupe une position originale puisqu’elle connaît une situation de stabilisation industrielle depuis 2016, laissant entendre qu’une transition du système productif est d’ores et déjà engagée

 

Là encore, la Normandie se retrouve dans le bloc des régions françaises les moins dynamiques avec, néanmoins, une position leader quitte à évoluer au-dessus de la région Ile-de-France qui n'est pas structurellement une grande région industrielle.

 

A bien observer l'allure de la courbe normande (en rouge sur le graphique) notamment entre 2016 et 2022, on peut, cependant, s'interroger quant à l'impact réel du volontarisme politique de la région Normandie réunifiée en matière d'industrie régionale. Cet impact est-il marginal?

 

Commentaire:

 

La Normandie, première région industrielle de France ? L'assertion est vraiment à nuancer. Si l'on considère la part du secteur industriel dans l'emploi régional en 2020, la Normandie est effectivement sur le podium national mais à la 3ème place devant la Bourgogne-France-Comté et les Pays- de- la- Loire...

 

Commentaire:

 

Entre des régions anciennement industrielles qui se sont fortement désindustrialisées (ex: la Lorraine) et des régions sans grande tradition industrielle qui se sont récemment industrialisées (ex: la Bretagne), la Normandie occupe une position parfaitement médiane avec un bilan presque nul en ce qui concerne l'évolution de l'emploi industriel après 2015. Dans la période précédente plutôt sinistrée ouverte en 1990, le désastre industriel normand est quasiment dans la moyenne nationale...

 

 

Commentaire:

 

Le diagramme ci-dessus confirme la position plutôt médiane de la Normandie sur un temps plus long (1975 -2019) en matière de recul de l'emploi industriel dans les régions françaises. 

 

Malgré l'intensité du désastre industriel dans certains bassins d'emploi normands (Textile à Flers, Louviers ; Moulinex à Caen ou Alençon, la SMN à Caen, etc...) le cas de la Normandie comparé aux grands effondrements industriels du Nord et de la Lorraine est à nuancer sérieusement.

 

Commentaire:

 

Cette carte très éclairante confirme ce qui a été dit plus haut sur l'originalité du Cotentin et du département de la Manche qui participe d'un modèle "Grand Ouest" plutôt dynamique en terme d'emploi industriel (fabrication) sur le long terme (1982 -2019). Un point commun entre le Cotentin et la Vendée semble vouloir exister : y aurait-il quelques leçons politiques à en tirer?

 

En revanche, le reste de la Normandie participe assez massivement du marasme typique des régions du Nord et de l'Est de la France qui s'oppose donc franchement à un arc Grand-Ouest /Sud-Ouest/ Sud / Sud-Est: comme par hasard sur cet arc de la bonne fortune industrielle en matière d'emploi on trouvera le chapelet des métropoles régionales françaises les plus dynamiques (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Grenoble et Lyon...)

 

Comme quoi, il ne faut pas opposer de façon systématique métropolisation et industrialisation car les deux auraient tendance à marcher de conserve...

 

Commentaire:

 

Et la carte ci-dessus le démontre effectivement clairement: on voit une belle dynamique industrielle autour de Nantes et ses satellites (Vendée et Anjou), autour de Bordeaux ou, plus écrasante encore, autour de Toulouse (aéronautique). Dans le Nord d'une France plutôt déprimée pour ce qui est de l'évolution des emplois industriels entre 2010 et 2019, Cherbourg et le Cotentin forment une éclatante exception!

 

 

Commentaire:

 

Revenons en Normandie avec cette carte de l'évolution des emplois industriels entre les deux crises de 2008 et de 2019: on voit se confirmer l'exception cotentine et cherbourgeoise ainsi que l'inquiétante dépression industrielle dans les trois grandes agglomérations normandes, notamment au Havre. On a observé plus haut que l'industrie pouvait marcher de conserve avec la métropolisation. On note que ce n'est hélas pas le cas en Normandie: à qui la faute puisqu'aucune des trois premières agglomérations urbaines normandes n'a la taille ou les compétences suffisantes pour être, à elle seule, LA métropole normande?

 

L'absence d'une locomotive métropolitaine régionale suffisante en Normandie explique probablement ce marasme de l'emploi industriel normand puisque, manifestement, industrialisation et métropolisation sont deux phénomènes intrinsèquement liés comme... l'oeuf et la poule!

 

Commentaire:

 

Confirmation, là encore, avec ces courbes, de ce qui a été dit plus haut: alors qu'un infléchissement positif dans la glissade nationale de destruction des emplois industriels se fait sentir après 2010 dans un certain nombre de régions françaises, la Normandie continue de décrocher et avec elle les régions du fameux bloc dépressif du Nord et de l'Est.

 

Ceci étant dit, on note que la Normandie stabilise sa situation, légèrement au-dessus du seuil des 200 000 emplois industriels avec même un léger mieux dans les années 2016 -2019: serait-ce là un effet des politiques publiques régionales plutôt volontaristes mises en oeuvre depuis la réunification normande?

 

Commentaire:

 

Dans le secteur plutôt dynamique mais sensible à la conjoncture des industries agro-alimentaires, le cas normand suit à peu près la moyenne des provinces françaises jusqu'en 2013: suit un véritable décrochage plutôt inquiétant pour une Normandie présentée volontiers comme une région française leader de la qualité alimentaire suivi, après la crise du Covid (2020) d'une reprise très vigoureuse mais qui laisse encore la Normandie largement sous la moyenne des régions françaises. Visiblement, les grandes industries normandes du secteur (filière laitière et fromagère) ont perdu des parts de marché qu'il faut dorénavant reconquérir. On pensera ainsi à l'exemple du lait maternisé d'Isigny-Sainte-Mère destiné au marché chinois...

 

La politique volontariste du Conseil régional de Normandie en terme de labélisation, de sauvegarde de l'authenticité et de la typicité (sauver les races normandes) et de promotion de la qualité alimentaire normande va donc dans le bon sens.

 

Commentaire:

 

Autre secteur industriel sensible, le raffinage et la chimie. Malgré une actualité négative (annonce de la fermeture du vapocraqueur d'Exxon Mobil à Notre-Dame-de-Gravenchon) la Normandie résiste finalement bien à la baisse structurelle des emplois dans ces secteurs exposés à la conjoncture. Après une belle dégringolade dans la foulée de la grande crise financière de 2008, on observe une reprise assez nette de la création d'emplois dans ce secteur après 2016:

 

Le dynamisme du secteur pharmaceutique bien implanté dans la vallée de la Seine (Val-de-Reuil, Louviers...) peut expliquer ce bon résultat avec, là aussi, le concours de politiques publiques locales et régionales dynamiques pour ce qui est du foncier et de l'immobilier d'entreprise.

 

 

Commentaire:

 

Dans ce secteur industriel plutôt stratégique, l'emploi industriel normand est depuis l'an 2000 sur une pente déclinante avec, néanmoins, un ralentissement de ce déclin à partir des années 2017 -2018: effet réunification? A moins que les bassins d'emploi normands les plus dynamiques (par ex: Cherbourg et ses chantiers navals) ne compensent ainsi une atonie plus générale.

 

Commentaire:

 

Enfin une courbe positive!

 

Et cela concerne, bien évidemment, la Normandie des énergies, notamment électronucléaire: les prochains grands chantiers de construction d'EPR dans les centrales électriques de Penly et de Paluel devrait accélérer cette embellie qui propulse la Normandie juste au-dessus de la moyenne des régions françaises. Grâce à ce dynamisme de la Normandie des énergies, notre région échappe enfin au bloc des régions déprimées du Nord et de l'Est.

 

Commentaire:

 

Du côté du bâtiment qui va quand le reste va, la Normandie est la région leader des régions déprimées du Nord et de l'Est avec un important décrochage vis-à-vis de la moyenne des régions françaises à partir de la crise financière de 2008. La reprise du BTP normand se fait sentir à partir des années 2016/2017 avec une croissance soutenue depuis: là encore des politiques publiques locales et régionales auront pu jouer un rôle positif depuis la réunification de la région mais de nouvelles contraintes règlementaires nationales (bilan énergétique des bâtiments) menacent de briser net cette dynamique.

 

Commentaire:

 

Voici maintenant établie dans ce bilan statistique sans aucune complaisance le principal défaut de l'économie régionale normande:

 

La faiblesse structurelle de la Normandie en matière de services marchands. Sur la longue période 1990 -2015, la Normandie est l'avant-dernière région de France dans le classement ici proposé et en terme d'évolution depuis 2015, la Normandie reste à la même place: avant-dernière du classement national.

 

C'est une vraie fragilité pour la Normandie que d'avoir à traîner encore ce passif de la division régionale.

 

Et pour illustrer cette misère normande en matière de services marchands aux entreprises régionales, on notera par exemple que la Normandie quoique réunifiée n'a toujours pas de véritable capitale régionale bancaire: Rouen devrait pourtant jouer ce rôle...

 

Commentaire:

 

La Normandie, dernière région de France et qui n'a cessé de creuser son retard par rapport à la moyenne nationale des autres régions françaises en terme de création de services marchands. 

 

Pourquoi?

 

Réponse en partie avec la diapositive suivante qui risque de piquer les yeux...

En effet, on observe, littéralement! la disparition de la "métropole" de Rouen de la carte normande pour ce qui est du volume de création d'emplois dans les services marchands depuis 2008 puisqu'il s'en est créé, en volume et en rythme, bien plus à Caen, Cherbourg, Granville ou Pont-Audemer qu'à... Rouen!

Voilà une carte pour le moins étonnante: 

 

Le Cotentin et Cherbourg seraient-ils devenus le "Far West" normand?

 

Commentaire:

 

Dans le secteur du commerce, la Normandie navigue peu ou prou autour de la moyenne nationale des régions françaises avec une croissance assez forte jusqu'en 2006 suivi d'un plateau (crise de 2008) et d'un décrochage effectué après 2011 s'aggravant jusqu'en 2019 et se résorbant depuis.

 

Le secteur du commerce suit de près les évolutions de la conjoncture surtout dans une région normande qui participe du bloc des régions déprimées du Nord et de l'Est de la France en terme de pouvoir d'achat par exemple...

 

Mais on notera que, pour une fois, la Normandie est plus dynamique en terme de création d'emplois dans le commerce que l'Ile-de-France qui est proche de la saturation en matière d'équipement commercial du territoire.

 

La Normandie étant aussi une région touristique, cela peut expliquer cette position régionale plutôt positive pour le commerce...

 

 

Commentaire:

 

En revanche, du côté de l'hôtellerie et de la restauration, la situation normande s'est dangereusement aggravée depuis les années 2010- 2012 avec un décrochage de la Normandie par rapport à la moyenne nationale des régions françaises.

 

Dans une région touristique comme la Normandie cette situation est pour le moins alarmante. Comment l'expliquer? 

 

Un pouvoir d'achat qui stagne y compris chez les touristes. Un problème d'attractivité et de recrutement pour cette filière avec un turn-over important: difficile de garder un bon serveur dans un restaurant de la Côte fleurie du côté de Deauville ou de Cabourg si la rémunération et le logement ne peuvent suivre...

 

Du côté du Conseil régional et des agences régionales spécialisées, on est plutôt conscient du problème: une politique publique régionale ciblée pourrait-elle apporter les correctifs et les accompagnements nécessaires?

 

Commentaire:

 

Là encore, la Normandie est vraiment la dernière de la classe française pour les services marchands avec un retard qui n'a fait que se creuser depuis les années 2000: on le sait, c'est l'un des principaux passifs de la division normande avec de bien mauvaises habitudes prises et qui n'ont pas encore été corrigées... La Normandie produit et consomme mais sa véritable tête est restée à Paris !

 

Commentaire:

 

Une Normandie qui reste dans la moyenne nationale jusqu'aux années 2010, qui aggrave son décrochage jusqu'aux années 2020 et qui rattrape depuis son retard: le cas particulier des emplois salariés privés dans les services non marchands (par ex: les services à la personne) témoigne bien du reste...

 

Après des années d'une conjoncture plutôt morose (années 2008 -2020) s'amorce un regain ou une reprise normande dans de nombreux secteurs d'emploi: un frémissement primesautier ou plutôt la sortie d'un long hiver avec l'hirondelle de la Réunification qui ne fait pas le printemps mais qui y contribue, bien évidemment!

 

La Normandie réussira -t-elle à sortir du bloc des régions déprimées du Nord et de l'Est? 

 

Nous l'avons vu très souvent, trop souvent associée à ces régions mais avec des résultats suffisamment bons pour que la Normandie se retrouve en tête de ce groupe de retardataires en difficulté...

 

Si la réunification normande devait jouer un rôle ce serait bien celui-là:

 

Sortir la Normandie de ce grand quart Nord-Nord-Est français plutôt déprimé pour l'arrimage de la Normandie au grand arc dynamique atlantique et Sud. 

 

Cet arrimage existe déjà par les amarres cherbourgeoises et du Cotentin. Mais il faudrait que le moteur métropolitain normand soit enfin opérationnel.

 

Huit années après la réunification, il ne l'est toujours pas !

 

Commentaire:

 

Tout à l'heure, nous avions observé la disparition de la "métropole" de Rouen de la carte de la Normandie dès lors qu'il s'agissait de créer les emplois de services spécialisés dont l'économie réelle, notamment industrielle, a besoin pour son développement. En revanche, s'il s'agit de services non marchands, la métropole rouennaise explose au point d'être, de loin, le premier bassin d'emploi régional en Normandie entre 2008 et 2019.

 

L'économie administrée, étatisée, subventionnée, les services publics ou para publics de l'Etat, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière ou des infrastructures publiques (SNCF, Grand port maritime) pèsent d'un poids tout particulier à Rouen qui fut pourtant, autrefois, et dans un passé pas si lointain, l'une des principales métropoles économiques et industrielles de la France sinon la première pendant de nombreux siècles:

 

Grandeur et décadence de la ville qui fut, un temps, la seconde du Royaume...

 

Commentaire:

 

En terme de revenus liés directement à une activité économique, la Normandie située dans la moyenne des provinces françaises jusqu'à la crise financière de 2008 décroche brutalement après pour stagner en tête du groupe des régions qui décrochent: 

 

La Normandie est le pays où la vie est moins chère qu'en Bretagne ou en région parisienne donc les salaires y sont moindres et ainsi de suite: on connaît bien ce cercle vicieux et la difficulté d'en sortir.

 

La solution est, entre autres choses, dans le développement d'emplois qualifiés attractifs et supérieurs dans la direction et la création ou encore certaines compétences rares ou la recherche scientifique afin de tirer vers le haut l'ensemble des grilles salariales normandes.

 

La solution serait de retenir ainsi la matière grise normande en Normandie en faisant en sorte qu'un avenir professionnel attractif soit possible en Normandie pour les jeunes Normands les plus talentueux, les plus compétents et les plus ambitieux:

 

Bref! il faut une métropole normande.

 

Et pour illustrer cette lacune sinon cette INJUSTICE on jettera un oeil effaré sur ce tableau bien méconnu livré à notre sagacité sinon notre indignation par le lanceur d'alerte Brennetot en guise de conclusion (qu'on espère provisoire) à cette présentation aussi stimulante que lucide...

 

Il s'agit de la répartition fort inégale et fort disparate (pour ne pas dire arbitraire) sur le territoire des régions métropolitaines françaises des emplois de la recherche scientifique publique financée par l'Etat et ses grands organismes:

 

 Malgré un puissant secteur nucléaire ou la présence sur son littoral de l'économie maritime la plus complète et la plus diversifiée de France, le CEA et l’IFREMER sont quasiment absents.

 

La Normandie est ignorée par l’écrasante majorité des grands organismes de recherche (INSERM, INRAE, CEA, etc.).

 

Commentaire:

 

Hervé MORIN en tant que président de l'exécutif régional normand depuis la réunification a,  bien entendu, perçu ce grand défaut, là encore le passif de la division normande, et la nécessité d'avoir une Normandie universitaire, scientifique et de la formation supérieure bien plus forte.

 

Et l'on comprend fort bien sa volonté d'ouvrir une école supérieure par an jusqu'à la fin de son actuel mandat (2027) à la tête de la Normandie pour rattraper ce retard.

 

En revanche, il n'est pas certain que sa volonté de créer une seule université de Normandie au forceps soit une bonne chose: les universités de Caen, Rouen et Le Havre qui avaient  été pionnières en France dès la fin des années 1980 en terme de coopération universitaire voire de fédéralisme (Pôle Universitaire Normand, écoles doctorales) ne coopèrent quasiment plus aujourd'hui sauf peut-être pour attraper enfin ensemble quelques grands appels à projets financés par l'Etat...

 

Le vrai sujet serait d'exiger de l'Etat qu'il s'engage enfin financièrement et institutionnellement pour un authentique sortie de la Normandie scientifique du trou normand à peine masqué par la lumière exceptionnelle du GANIL de Caen et son colloque international sur l'ionisation ou du pôle du Madrillet de Rouen et son colloque international sur les motorisations et les mobilités du futur...

 

D'après Arnaud Brennetot, il manquerait 350 millions d’euros d’argent public par an en matière de recherche pour compenser l’écart avec la moyenne des autres régions de province. Traduit en emplois, cela donnerait 1940 chercheurs publics en Normandie hors universités au lieu de 640 aujourd’hui.  On rappelle que la Bretagne en compte aujourd’hui 1800.

 

Les effets induits sont potentiellement très lourds en matière d’attractivité et tout le monde fait semblant d’ignorer le problème (sauf le CESER dans son dernier rapport… lequel n’a suscité aucune réaction politique officielle).

 

Voilà donc un bel enjeu pour engager un véritable bras de fer avec l'Etat central avant de signer avec lui le moindre contrat de plan.

 

Sauf que cette stratégie a échoué et que depuis… la Région Normandie n’a engagé aucune démarche. 

 

La méthode pour réclamer une correction de la part de l’Etat ne doit pas se faire à l’occasion de la négociation d’un CPER mais plutôt par une pression insistante et permanente, en mobilisant l’ensemble des décideurs normands (entreprises, ESR, opérateurs publics, etc.) et en se regroupant avec les autres régions dans le même cas (Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val-de-Loire).

 

Il faudrait aussi avoir des projets scientifiques concrets en recherche fondamentale comme en R&D pour justifier le redéploiement des grands organismes en Normandie. Et pour cela s’appuyer sur les acteurs qui sont les plus à même de réfléchir à l’apport nécessaire d’une recherche publique puissante, arrimée à la recherche privée et à la recherche opérationnelle (GIP Seine Aval, PNR, ROL, etc.).

 

Et, sauf exception, les élus locaux actuels ne sont sans doute pas les mieux placés pour cela puisqu'ils leur manquent une vision de long terme de l'intérêt général de la Normandie

 

Caen, le 22 avril 2024

 

Publicité
Publicité
Publicité