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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
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15 mai 2022

14 mai 2022, 4ème rencontre des parlers normands à l'abbaye d'Ardenne: le compte-rendu

Dans le cadre patrimonial prestigieux de l'ancienne abbaye prémontré d'Ardenne, près de Caen et qui sert aujourd'hui de cadre à l'institut de la mémoire de l'édition contemporaine, avaient lieu la 4ème rencontre des parlers normands en présence de Monsieur Hervé Morin, président de la Normandie, M.Edouard de Lamaze vice-président en charge du patrimoine de la langue normande à la région, Madame Frédérique Boura, directrice des affaires culturelles de Normandie, M. Stéphane Laîné enseignant chercheur en dialectologie à l'université de Caen, M. Jean-Philippe Joly président de la FALE, M. Christophe Manoeuvrier enseignant chercheur en histoire maritime de la Normandie, M. Patrice Lajoye chercheur en dialectologie historique normande à l'université de Caen, M. Gerraint Jennings président de l'office pour la langue jerriaise, M. Chris Blin député aux Etats de Guernesey, M. Patrice Brasseur du CNRS dialectologue auteur du monumental atlas normand de dialectologie en 5 volumes dont la parution s'est achevée en 2019...

Bannière event FB

https://www.normandie.fr/4eme-rencontre-regionale-des-parlers-normands#&gid=1&pid=1

Une petite centaine d'invités étaient donc présents dans l'auditorium installé dans la grange aux dîmes pour entendre les bilans d'activités sur le chantier de la renaissance de la langue normande: Stéphane Laîné qui travaille désormais sur son poste de dialectologue financé par la région Normandie, a pris longuement la parole pour restituer tout ce qui a été réalisé depuis la dernière rencontre mais aussi depuis la réunion du conseil scientifique de la langue normande qui réunit ses 14 membres deux fois par an.

Jean-Philippe Joly, président de la FALE, la fédération régionale qui rassemble toutes les associations culturelles normandes et qui s'occupe aussi avec efficacité de la diffusion des sports et jeux normands prend la parole après le mot d'introduction et de bienvenue d'Edouard de Lamaze:

La FALE ne manque pas de travail. Des chantiers sont ouverts partout en Normandie. Du côté des jeux et sports normands, les départements de l'Eure, de la Seine-maritime et les Etats de Guernesey entrent dans la fédération régionale. Un site internet refondu et amélioré vient d'ouvrir afin de faire office de plateforme d'information sur toutes les activités et projets culturels normands. Le site est associé à une chaîne Youtube: le site connaît une bonne fréquentation, 78% des visiteurs ont moins de 50 ans.

https://www.fale-normandie.fr/

L'objectif est de toucher les jeunes générations. Du côté de l'édition de contenus, il y a un énorme travail à faire pour publier et diffuser des BD, des contes pour les enfants, des vidéos, des films, des cours ou des jeux en ligne à l'instar des autres sites internet dévolus aux autres langues régionales en France: en Provence, le site internet du provençal est animé par cinq permanents payés par la région. Pour passer à l'étape supérieure en activité, la FALE demande la création d'un poste d'un permanent notamment pour le développement et l'animation du site internet.

Du côté des "cafés normands" qui permettent de pratiquer la langue vivante normande, la crise du Covid n'a pas stoppé l'élan qui se poursuit avec le maintien des cafés existants et la création de nouveaux lieux à Broglie, aux Andelys, dans le Pays de Caux , au Havre, à Domfront, à Caen avec le soutien de la ferme culturelle du Bessin (site internet: https://www.fcb.varembert.com/ ). Des projets de "cafés normands" sont annoncés à Coutances mais aussi à Rouen où c'est "plus compliqué"...

Jean-Philippe Joly a aussi raison d'insister sur l'action de sensibilisation à la langue normande auprès des députés normands sortants et à venir. Depuis le débat sur la loi Molac, les 29 députés normands reçoivent la lettre d'information de la FALE et un projet de réunir à Paris les députés normands réellement intéressés par l'évidence normande est à l'étude.

Stéphane Laîné, dialectologue de l'université de Caen travaillant désormais pour la Région à la "Fabrique de Patrimoines en Normandie", (site internet: https://www.lafabriquedepatrimoines.fr ) prend longuement la parole pour rendre compte de tout ce qui a été fait depuis un an. Mais avant cela, la mémoire de feue Marie-Claire Lecoffre (1968 -2021) qui enseignait la langue normande au collège de Bricquebec, a été chaleureusement applaudie par l'assemblée...

Cette 4ème rencontre des parlers normands de l'abbaye d'Ardenne lui sera dédiée.

maxresdefault

Archive de l'Etoile de Normandie:

http://normandie.canalblog.com/archives/2021/07/19/39063416.html

Stéphane Laîné a commencé par faire le constat essentiel: depuis quatre ans, le combat est gagné pour faire de la langue normande un sujet sérieux sinon scientifique, stratégiquement important pour le rayonnement régional, ayant, par conséquent, toute sa place et sa légitimité dans les politiques publiques régionales.

Pour preuve, la Drac en la personne de Mme. Frédérique Boura, était présente à la réunion. Désormais, il faut consolider et gagner l'étape suivante: la transmission et l'enseignement.

La base scientifique est, désormais, solide: elle s'appuie sur le monumental atlas linguistique de la Normandie, oeuvre de longue haleine lancée dans les années 1970 sous la conduite du dialectologue Patrice Brasseur et dont la publication s'est achevée avec l'édition du 5ème volume en 2019. Désormais, il s'agit de s'atteler à en faire une numérisation en sélectionnant les cartes les plus utiles pour une diffusion vers le grand public. En parallèle, sous la conduite de Patrice Lajoye de l'université de Caen, un important travail de recherche est en cours pour restituer à la connaissance de tous le continent inconnu du patrimoine linguistique normand édité du XVème siècle à 1918: des centaines de textes en langue normande dormant au fond des fonds de diverses bibliothèques attendent leur retour à la lumière, c'est le programme "Paroles de Normands" dont nous reparlerons plus loin.

Par ailleurs, le diplôme universitaire d'études normandes délivré par l'université de Caen, créé en 1992 par René Lepelley mais qui n'était plus délivré depuis 2018, vient de faire l'objet d'une refonte et de la modernisation nécessaire: il sera, de nouveau, proposé à la rentrée universitaire caennaise prochaine. Nous en reparlerons.

Parmi les chantiers qui ont bien progressé, il y a celui du double panneautage des noms de communes normandes en français et en langue normande locale: 161 communes normandes se disent intéressées ou ont déjà accepté l'idée. Par exemple: Brionne/Brioune; Marchésieux/ Marchuus; Epaignes/ Epagne... Stéphane Laîné annonce que pour faciliter le mouvement de normandisation et son acceptation par des élus locaux pas toujours très au fait de la dialectologie historique ou de l'onomastique normande, chaque nom de commune normande pouvant, scientifiquement, faire l'objet d'une transposition du français vers un usage normand local, fera l'objet d'une fiche technique explicative qui sera envoyée par la Région Normandie aux conseils municipaux concernés.

L'explication de la prononciation à la normande est aussi un enjeu important pour convaincre les élus concernés. Par exemple: Chamrepus (Manche) doit se prononcer "champ repus" et non pas ... "champrépuce"!

Cependant, reste en suspens, le problème difficile sinon irritant des noms des communes nouvelles créées depuis 2015 par fusion de communes: il est, dans la plupart des cas, bien difficile de normandiser un néologisme qui, hélas, a souvent été mal choisi. Ce sujet a fait l'objet de la dernière réunion du conseil scientifique de la langue normande le 3 décembre dernier: Il a été décidé de ne pas proposer de normandisation à un néologisme. En revanche, Hervé Morin, dans son mot de conclusion a annoncé que la Région mettra en place une veille sur cette question dès qu'un projet de fusion de communes interviendra dans l'un des cinq départements normands pour "anticiper" et faire connaître aux élus locaux concernés le travail réalisé par le dialectologue de la région, l'objectif étant de stopper le massacre en cours d'une toponymie normande millénaire...

Stéphane Laîné annonce aussi l'engagement de l'office du Jerriais dans une ambitieuse politique de reconquête culturelle et publique de la langue de Jersey à l'horizon 2025 avec une généralisation de son apprentissage dans les petites écoles et une généralisation de sa visibilité dans l'affichage institutionnel de l'île anglo-normande: le jerriais est désormais imprimé sur les billets de banque en tant que 3ème langue officielle des Etats de Jersey aux côtés de l'anglais et du français.

Stéphane Laîné annonce aussi l'importante parution du glossaire de la langue normande à Jersey et Guernesey que vient de publier la dialectologue britannique Mari Jones. Annonce aussi faite de la parution du dernier livre du patoisant Bernard Desgrippes sur de savoureuses chroniques du patois normand appréciées, semble-t-il, par notre président de région.

Dernière annonce: la possibilité de visiter en ligne "voice/ vouaïe", une exposition d'ethnologie linguistique proposée par le musée de Guernesey.

Christophe Manoeuvrier de l'université de Caen prend, ensuite, la parole pour expliquer le contenu du nouveau diplôme universitaire d'études normandes qui va faire son grand retour à la rentrée prochaine:

Un nouveau diplôme d'études normandes sera donc proposé à la rentrée prochaine à l'université de Caen. L'enseignement va demeurer fidèle au projet de René Lepelley en 1992 qui conciliait l'histoire de la région et l'histoire juridique illustre de notre région avec un droit normand qui encore vivant dans les îles anglo-normandes. Christophe Manoeuvrier pour la partie historique et Sophie Poirey pour la partie juridique seront à la manoeuvre dans une logique pluri-disciplinaire pour 80 heures annuelles d'enseignement couvrant trois disciplines: histoire de la Normandie (Normandie ducale, maritime, industrielle et aussi artistique avec une coopération avec le conservateur du musée de Honfleur), histoire de la Mémoire de l'été 1944 avec Jean-Luc Leleu. Le droit normand, son histoire et sa pratique actuelle avec Sophie Poirey. La dialectologie normande avec Stéphane Laîné qui proposera 24heures de dialectologie et 6 heures de morphologie pour étudier les origines scandinaves du lexique, de l'onomastique et de la typologie normande.

Le public visé?

Les guides conférenciers de la région qui ont déjà manifesté leur intérêt, les professionnels du tourisme mais aussi les étudiants de Jersey et de Guernesey qui peuvent venir à l'université de Caen dans le cadre d'une convention. Hervé Morin a précisé aussi que le DU d'études normandes délivré par l'université de Caen sera fléché en priorité dans la formation continue des fonctionnaires territoriaux de la région "afin qu'ils la connaissent mieux."

L'enseignement de ce DU sera concentré dans le courant du mois de janvier avec une partie notable des cours donnés en visio-conférence du soir (18-20h).

Patrice Lajoye prend ensuite la parole pour nous présenter un projet remarquable d'exploration d'un continent historique méconnu sinon disparu, à savoir la redécouverte de textes littéraires en langue normande ou en français régional de Normandie édités entre la fin du XVème siècle et la Première guerre mondiale qui, par le brassage des populations que cet événement généra, a enclenché le déclin des patrimoines linguistiques des régions de France...

Ce programme d'exploration s'appelle "Paroles de Normands" et il est conduit dans le cadre des activités de recherche de la Maison de la Recherche en Sciences Humaines (MRSH) de l'université de Caen: l'objectif est de numériser tous les textes édités en langue normande et de les mettre en ligne pour en faciliter l'accès auprès du public normand intéressé.

D'ores-et-déjà Patrice Lajoye a identifié et étudié 456 textes normands édités avant 1800 et 317 pour le XIXème siècle jusqu'en 1918 mais cette période qui fut faste pour la diffusion de la culture régionale, il est probable d'en trouver facilement plus d'un millier... Voilà donc un projet fort intéressant qui tordra le coup définitivement à une idée totalement fausse: le "patois" normand n'aurait été qu'une langue orale rurale qui n'eut jamais les honneurs de la ville et de l'imprimerie. Citons, à charge contre ce préjugé l'exemple de ce spectacle de théâtre en normand donné à Caen en 1813 devant l'impératrice Marie-Louise.

 

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Ou plus impressionnant encore...

On peine à imaginer que Rouen, aujourd'hui agglomération urbaine sans identité particulière en passe de devenir une banlieue grand-parisienne, fut, en tant que seconde ville de France au début du XVIIe siècle, la capitale régionale d'une identité littéraire normande totalement assumée s'exprimant dans les formes poétiques les plus élevées, par exemple, les chants royaux du "puy de Palinod" concours poétique dédié à la Vierge Marie ou, au contraire, dans l'ironie rabelaisienne de pots pourris de textes appelés "fricassées" donnant lieu à des spectacles de farces comiques qui citaient des textes par centaines pour s'en moquer...

Grâce aux investigations menée par Patrice Lajoye dans une édition rouennaise de 1609 de la "Friquassé Crotestylonnée" publée par la célèbre "abbaye des Cornards de Rouen" qui faisait parler d'elle à l'occasion du Carnaval pour proposer des divertissements subversifs, on a pu ainsi retrouver la trace d'un auteur normand totalement méconnu, un certain Nicolas Marie qui publia en 1544 des chants royaux dédiés à la Vierge Marie en français régional de Normandie: les "fricassées" et autres "puys de moquerie" appréciés des Rouennais qui ne manquaient pas de verve, sont donc de véritables "cimetières d'oeuvres", dixit Patrice Lajoye, éditées en patois normand (les Rouennais ne respectant rien disaient aussi en "langage purin" ou "purinique") ou en français régional de Normandie ce qui indique la présence d'un public cultivé et aisé suffisant pour acheter et lire des publications en langue régionale normande.

Après une enquête impériale demandant en 1806 que l'on traduise en patois normand ou en français régional de Normandie, la parabole du Semeur ou la parabole du Fils prodigue afin de faire un état des lieux du particularisme culturel normand, les érudits de notre belle province ont repris l'idée et de nombreuses traductions de textes classiques furent traduits en patois normand.

En attendant l'ouverture prochaine d'une page internet dédiée à cette belle recherche sur notre patrimoine éditorial normand, Patrice Lajoye propose la page Facebook suivante:

https://www.facebook.com/ParoledeNormands

Après cette passionnante communication, nous eûmes droit à une pause musicale bien méritée histoire de démontrer que la musique normande en langue normande a dépassé depuis longtemps le stade "coiffes et blaudes" pour embrasser des formes et formats très contemporains tels que le slam et le jazz... eh oui!

Deux propositions de slam en patois normand furent données par l'excellent Philippe Leboucher, médecin de son état et fier des ses racines bocaines du sud du Cotentin avec un texte particulièrement émouvant évoquant des souvenirs d'enfance dans l'herbe des prés au contact des petites bêtes de la Nature...

Pour apprécier le talent de Philippe Leboucher, "slammeur rural normand" médecin de son état à Mesnil-Rogues dans la Manche:

http://echodesseptroutes.over-blog.com/

On appréciera le jazz en normand proposée par la chanteuse Lox One originaire du Pays d'Auge et de la Guadeloupe qui nous a enchanté d'une version jazzy de l'hymne du Cotentin "Su la mé" d'Alfred Rossel après avoir donné, lors de l'édition 2021 du festival "Jazz sous les Pommiers", une très belle version jazz qui surprit tout le monde de "j'irai revoir ma Normandie" de Frédéric Bérat, notre "Marseillaise des sentiments", notre hymne régional qui est tout sauf... ringard!

https://www.facebook.com/loxone.music

Après la musique et ses émotions dans un "prêchi normaund" plus que jamais savoureux, par le truchement d'une présence en "distanciel", place à Patrice Brasseur, dialectologue émérite du CNRS qui fit non sans un certain héroïsme, la première grande enquête dialectologique régionale (avec 114 témoins interrogés) sur l'ensemble des cinq départements normands et les îles anglo-normandes à l'exception du Perche ornais et de l'île d'Aurigny.

La décision de doter la France d'atlas linguistiques régionaux fut prise pendant les années 1940 mais compte tenu des circonstances, la mise en oeuvre de ce programme de recherches fut repoussé à plus tard.

Il fallut attendre 1970 pour le démarrage de l'enquête en Normandie car le chercheur qui devait la faire était débordé de travail puisqu'il devait couvrir tout le Nord de la France. L'érudit et patoisant Fernand Lechanteur était bien disposé à la faire mais il essuya un refus car il n'était pas universitaire... On alla donc chercher un... Picard, un certain Patrice Brasseur étudiant de René Lepelley attiré à Caen pour les études scandinaves qui a fait sa thèse sur la "géo-linguistique de la Plaine de Caen".

Finalement, être un "horsain" a facilité la tâche de Patrice Brasseur car il a fallu vaincre 114 fois une certaine méfiance et gagner 114 confiances pour un travail d'enquête de longue haleine avec un questionnaire très exigeant qui demandait plusieurs séances de deux à trois heures auprès de personnes âgées particulièrement sélectionnées sur le conseil du secrétaire de mairie de la commune qui était, souvent, l'instituteur du village: pour obtenir des preuves scientifiquement fiables d'un certain particularisme linguistique local il fallait interroger des gens natifs de leur village, qui ne l'ont jamais quitté peu ou prou ou qui y ont passé l'essentiel de leur vie. Autrement dit, dans une commune de 200 à 300 habitants, seules deux à trois personnes âgées pouvaient être concernées par ces critères draconiens.

En conséquence, l'enquête fut très longue à réaliser: de 1970 à 2019. En résulte un atlas linguistique normand monumental en cinq volumes avec des milliers de cartes mais dont les plus significatives vont faire l'objet d'une numérisation pour voir les zones "isogloses" qui couvrent le territoire normand d'une sorte de bocage linguistique car on ne nomme pas exactement les choses de la même façon d'un bout à l'autre de notre région: c'est ainsi qu'un âne est un "quéton" dans le Cotentin et le Bessin, un "bourri" dans tout le centre, le Pays d'Auge et le Pays d'Ouche et un "bodet" dans le Pays de Caux.

Cette numérisation sélective de l'atlas linguistique normand chef d'oeuvre de Patrice Brasseur qui sera accompagné de sources iconographiques et vidéos fournies par le réseau des 120 musées normands sera le coeur du futur portail numérique du patrimoine immatériel normand, un site Internet dédié piloté par la "fabrique des patrimoines" de la Région Normandie et qui devrait recevoir le soutien de la DRAC.

Le micro passe, ensuite, dans le public...

Une question a évidemment porté sur la situation contrariante sinon stupide des néologismes sans imagination donnés par des élus locaux manquant totalement de curiosité intellectuelle aux communes nouvelles issues de fusion: Stéphane Laîné a répondu qu'on ne pouvait plus rien faire a posteriori mais qu'il va falloir anticiper sérieusement ce problème dès qu'un projet de fusion de communes interviendra. Hervé Morin propose de créer dans l'administration régionale une veille spécifique sur ce sujet.

Jean-Marie Levêque, directeur du musée dit de Normandie établi dans le château de Caen intervient pour évoquer un problème important lié à la disparition sous nos yeux d'une civilisation rurale séculaire, à savoir, la perte d'informations pour comprendre le contexte voire la raison d'être de tel objet conservé, dorénavant, dans des collections ethnographiques des musées. Stéphane Laîné répond en disant qu'il est bien conscient de cette grave difficulté qui ne pourrait être résolue que dans le partage des outils et des recherches: le travail d'enquête, de valorisation et de diffusion réalisé par la fabrique des patrimoines trouve là une partie de son utilité.

Nous conseillons donc à Monsieur Levêque de sortir un peu plus de son enceinte castrale car, l'ethnographie rurale et populaire de nos régions françaises qui eut son heure de gloire avec Pierre-Henri Rivière est, hélas, passée de mode dans les prescriptions ministérielles et médiatiques actuelles: l'idéologie progressiste aujourd'hui en vogue ayant tendance à moralement condamner toute curiosité pour ici pour valoriser un folklore plus ou moins authentique venu de beaucoup plus loin...

Stéphane Laîné prend une dernière fois la parole pour présenter l'un des projets qui lui tient à coeur, à savoir une "websérie" sur les héritages de la langue normande. Ce serait des "capsules" vulgarisant la dialectologie normande expliquant au grand public un mot typiquement normand tel que: "crevette", "moque" etc... Ce projet sera réalisé en coopération avec l'INA et pourrait être proposé à France 3 Normandie.

Hervé MORIN, président de la Normandie, prend la parole pour conclure:

Depuis quatre ans, un énorme travail a été réalisé: la langue normande ce n'est pas que du folklore ou un objet de mépris pour des imbéciles qui se croient intelligents, c'est scientifique et c'est stratégique pour le rayonnement et le développement de la région.

Il faut maintenant communiquer plus largement pour sensibiliser: ce sera fait en interne à la région avec le DU d'études normandes proposé à la formation continue des agents.

Un point négatif cependant et on s'en doutera: ça continue de coincer avec l'Education Nationale pour l'enseignement de la langue normande dans au moins un collège et lycée par département normand sous prétexte que le normand, langue régionale d'oïl, ne serait pas une vraie langue régionale étrangère au domaine français... Il y a donc encore un gros travail de conviction à faire : on attend de pouvoir prendre contact dès que possible avec le cabinet du futur ministre de l'Education Nationale.

Hervé Morin aimerait aussi pouvoir rencontrer prochainement Patrice Brasseur l'auteur de l'atlas linguistique normand.

Enfin, le président de région nous met sous le nez l'objectif qui permettra de motiver tous les acteurs de la culture normande:

En 2027, se présente l'occasion de fêter dignement le millénaire de la naissance de Guillaume Le Conquérant (1027-1087): ce millénaire normand permettra de dire la Normandie prestigieuse du passé, fondatrice d'une civilisation en Europe entre le monde anglo-saxon et le monde méditerranéen mais aussi de d'écrire la Normandie de demain sur la base de celle d'aujourd'hui finalement assez peu connue car nous sommes encore encombrés de ces clichés régionaux (la vache et le pommier, par exemple) qui masquent les vraies réalités normandes: on sait peu, par exemple qu'avec 23% de son PIB régional se faisant dans l'industrie, la Normandie est, de fait, la première région industrielle de France.

Ce millénaire Guillaume permettra, bien sûr de faire rayonner la Normandie en Europe et à l'international: le projet se fera à partir du pilotage d'un conseil scientifique qui associera nos amis britanniques mais aussi italiens. Plusieurs dizaines de millions d'euros y seront consacrés: les porteurs de projet sont attendus!

(Commentaire de Florestan: nous avons toujours un beau projet de statue publique dédiée à Guillaume et Mathilde à proposer...)

Un projet de série télévisé consacré à l'épopée de Guillaume Le Conquérant co-produite en partenariat avec la BBC et France Télévisions piloté par Pierre-Antoine Capton est à l'étude.

Enfin, du côté de la langue normande, un effort particulier va être fait pour faire découvrir aux Français que le meilleur passeport pour l'anglais c'est notre patois normand...

Et Hervé Morin de dire: "Nous sommes Français mais nous avons nous avons aussi avec la Normandie une communauté de destin."


 Commentaire de Florestan:

Tous les participants à ces 4ème rencontres des parlers normands ont apprécié l'ambiance et la positivité de ce moment de partage entre les vénérables pierres d'une abbaye normande sous un soleil radieux.

Une fois de plus, alors que la politique nationale nous divise et nous déchire, la Normandie apaise et rassemble...

Précision importante:

Nous avons utilisé plusieurs fois dans ce compte-rendu le mot "patois" que nous assumons totalement et positivement à l'instar du mot "nègre" qui est tout sauf une insulte raciste... Le mot "patois" est devenu une insulte humiliante chez les imbéciles alors qu'il désigne la langue du pays et des racines.

Le mot "nègre" est le vrai nom qu'il faut donner à la nuit étoilée qui est toujours fort belle.

En conséquence, "patois" et "nègre" sont deux mots qui méritent notre plus haute considération (con sidéra, littéralement, placé parmi les étoiles) bien loin de la bouche de tous les imbéciles qu'ils soient d'extrême gauche ou d'extrême droite comme l'avait parfaitement compris Léopold Sédar Senghor, un "nègre" qui s'intéressait au "patois" normand...


 

Lire, ci-après, le communiqué de presse officiel diffusé par la région Normandie:

Quatrième rencontre régionale des parlers normands :

Prêchouns normaund !

Samedi 14 mai, la quatrième rencontre régionale des parlers normands, rendez-vous annuel de promotion de la Normandie et de son patrimoine linguistique, s’est tenue à l’Abbaye d’Ardenne près de Caen, en présence d’Hervé MORIN, Président de la Région Normandie, et Edouard de la LAMAZE, Conseiller régional référent pour les parlers normands, devant une centaine de personnes.

Etaient également présents Frédérique Boura, Directrice Régionale des Affaires Culturelles de Normandie, le Deputy Chris Blin de Guernesey, Jean-Philippe Joly, président de la Fédération des Associations pour la Langue normandE (FALE) ainsi que des membres du Conseil Scientifique et Culturel des parlers normands (*) qui présentaient les résultats de leurs travaux.

« C’est toujours un plaisir pour moi de participer aux rencontres régionales des parlers normands et de constater que la politique de promotion et de sauvegarde initiée par la Région s’affirme ! C’est notamment le cas à travers la nomination d’un dialectologue qui œuvre pour la réalisation de l’Atlas linguistique et ethnographique normand en ligne. Il y a aussi des perspectives très intéressantes en ce qui concerne le Diplôme Universitaire d’études normandes, porté par l’université de Caen Normandie, qui pourra ouvrir prochainement, je l’espère » déclare Hervé Morin.

Parmi les actions pour la sauvegarde des parlers normands présentées lors de ce colloque, figurent :

- Le recrutement d’un linguiste, Stéphane Laîné, chargé du projet de sauvegarde et de valorisation des parlers normands à La Fabrique de patrimoines en Normandie ;

- La collaboration avec la Maison de la Recherche en Sciences Humaines (MRSH) de l’Université de Caen Normandie en vue de la création d’un Diplôme Universitaire « Etudes normandes » à l’Université de Caen Normandie et pour la poursuite du projet de bibliothèque numérique « paroles de Normands » recensant des textes en normand de 1800 à 1918;

- La poursuite du travail de valorisation de « l’Atlas linguistique et ethnographique de Normandie » du professeur Brasseur dont les archives sont en dépôt aux archives départementales de la Manche ;

- Les inaugurations des panneaux de commune en normand : après Bois-Héroult (Bô-Erou), Epaignes (Epagne) et Marchésieux (Marchuus), Brionne (Brioune) a depuis cette année un panneau en normand à l’entrée de sa commune. La traduction retenue est le fruit d’un échange entre le Conseil Scientifique et Culturel (CSC) des parlers normands et les représentants de la commune. Les communes qui ont d’évidence un nom normand encore en usage vont être contactées prochainement ;

  - L’organisation des Cafés Normands par la Fédération des Associations pour la Langue normandE (FALE) : 12 Cafés Normands sont programmés de juin à décembre 2022. Prochaine date : le 27 mai à la Ferme Culturelle du Bessin, à Esquay-sur-Seulles. Et le 30 juin aura lieu le premier Café Normand dans l’Orne, dans le cadre du 40e festival international de folklore organisé à Domfront-en-Poiraie.

  (*) Les membres du Conseil Scientifique et Culturel des parlers normands qui sont intervenus le 14 mai :

- Stéphane Laîné, docteur en Sciences du langage, historien de la langue française et dialectologue

- Christophe Maneuvrier, enseignant-chercheur à l’université de Caen Normandie, spécialiste de l’histoire des sociétés de la Normandie rurale, co-directeur de l’Office Universitaire d’Etudes Normandes

Le normand, une langue « sérieusement en danger » selon l’UNESCO

Le normand a été la langue officielle de la cour d'Angleterre jusqu'au milieu du 14ème siècle et a donné à la langue anglaise une partie de son vocabulaire : cat, chair, candel, can, fork... Il est également à l’origine du jerrais et du guernesiais, encore utilisés aujourd’hui sur les îles anglo-normandes.

On parle plutôt de "parlers normands" que de "langue normande" car il n’y a pas réellement de langue uniforme dans toute la Normandie.

Les parlers normands s'inscrivent dans la grande histoire de la langue française et appartiennent au vaste ensemble des parlers d'oïl, classés parmi les langues «sérieusement en danger» par l’UNESCO. Le normand est parlé aujourd’hui par 30 000 personnes, du Pays de Caux aux îles anglo-normandes.

 A noter, une page dédiée aux parlers normands est disponible sur le site internet de la Région https://www.normandie.fr/la-sauvegarde-des-parlers-normands

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Commentaires
B
Bonne initiative à Alençon où on y défend le "patois" (terme employé). Dans son l'article, le rédacteur du journal d'Alençon évoque des associations défendant le patois en Sarthe et en Mayenne mais point de normandes. <br /> <br /> La FALE de Jean Philippe Joly a t-elle des relations avec cette association ? <br /> <br /> <br /> <br /> https://actu.fr/normandie/alencon_61001/video-bacouettez-vous-patois-toute-l-histoire-de-cette-langue-riche-en-normandie_52423110.html
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B
ça bouge !<br /> <br /> <br /> <br /> https://actu.fr/normandie/thenouville_27089/thenouville-skjaldmo-la-nouvelle-maison-dedition-pour-les-passionnes-de-normandie_51025489.html
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B
Il y a urgence. Toutes les collectivités devraient se bouger pour éviter ceci: <br /> <br /> https://actu.fr/normandie/ceauce_61075/orne-haies-completement-rasees-a-ceauce-certains-ne-se-sont-pas-contentes-de-couper-ils-ont-supprime_50992082.html
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L
En complément :<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1978_num_28_3_5296<br /> <br /> <br /> <br /> Cordialement
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B
merci pour ce beau et détaillé compte rendu. <br /> <br /> Il faut reconnaitre l'implication de la région, ce qui est essentiel pour réussir, mais il faut aussi des chevilles ouvrières telles la FALE, qui mouillent la blaude, leur travail commence à payer. <br /> <br /> Il faudrait que la région s'investisse de la même manière dans d'autres domaines (comme les AOC, la sauvegarde des paysages et du petit patrimoine etc...) mais si les principaux concernés ne veulent pas bouger...
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