Ports français, dont ceux de l'axe Seine : quo vadis ? suite...
Poursuivant la lecture du livre Le clan des seigneurs, de Paul-Antoine Martin, votre serviteur est parvenu au chapitre 12.
Voici un extrait de ce chapitre :
Le Clan des seigneurs, de Paul-Antoine Martin – extrait p.212 à 215
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« Ursy contacta un de ses pairs et ami, pour lui proposer de l’accompagner, lequel accepta aussitôt. Lecouvreur avait été nommé par Buisson quelques années plus tôt dans un port de taille moyenne, au sein d’une région dont le président était un adversaire politique du ministre. Tout en respectant la sacro-sainte réservation de ce poste à un membre du Corps, en choisissant Lecouvreur, il avait, semble-t-il, sélectionné le candidat le moins charismatique, le plus obtus et le moins capable. Certains l’avaient soupçonné d’avoir ainsi habilement glissé un fruit avarié dans le panier de son concurrent pour dégrader les résultats de la région, avant les futures élections.
Les deux amis présentèrent aux politiques locaux leur projet de démarcher les clients en Chine. Enchantés, les politiques s’enflammèrent et, à l’unisson dans un lyrisme touchant, ils encouragèrent la démarche qu’ils qualifièrent, sans craindre le ridicule, de « chasse en meute ». Chacun y allait de son analyse économique, faite de bribes d’idées toutes faites ou de clichés et, dans l’excitation, se hasardait imprudemment à des prospectives miraculeuses, imaginant de la sorte récupérer les bénéfices de la « chasse », si d’aventure elle venait à réussir.
La « meute » s’envola pour Shanghaï. Elle y avait préparé, avec l’aide du consulat, quelques rencontres avec des chefs d’entreprises chinois. Il fallait soigner la mise en scène. Ursy imaginait déjà la photo : assis à côté d’un chinois tout sourire, chacun signant un document dans un parapheur. Peu importe que le document soit vierge ou sans intérêt. De toute façon, ni lui ni Lecouvreur ne parlaient anglais, et encore moins chinois. L’important, c’était la photo. Une fois qu’elle fut prise, Ursy s’empressa de la diffuser sur les réseaux sociaux. En légende, il annonçait la signature d’un partenariat avec une entreprise chinoise. Partenariat, le mot à la mode qui ne voulait rien dire. Ursy ne prenait pas de risque. Dans un mois, tout le monde aurait oublié le nom de la société chinoise, mais Ursy avait d’ores et déjà gagné le costume d’hommes d’affaires. Le rendement était optimal et le « costard » encore plus beau.
Les politiques furent ravis. Ils avaient leurs héros. Tous « likèrent » sans tarder et chacun y alla de son commentaire enthousiaste avant de partager à leurs « followers ». La meute avait chassé. Elle pouvait désormais prendre du bon temps au pays du Levant. Les deux héros visitèrent pendant quelques jours. Après une semaine, il fallu penser à rentrer. Ils se séparèrent à l’aéroport, car Lecouvreur souhaitait faire une halte à Tahiti. Il montait aussi un partenariat avec le port de Tahiti, sans qu’aucune liaison commerciale ne puisse s’imaginer entre celui-ci et le port qu’il gérait. Tout l’intérêt d’un partenariat était qu’il devait s’entretenir au fil du temps, sans être redevable d’un objectif. De cette façon, Lecouvreur se garantissait d’agréables séjours pour les années à suivre.
Il n’eut cependant pas l’occasion d’en profiter autant qu’il l’avait souhaité. Durant les mois qui suivirent, son arrogance démesurée commença par agacer quelques hautes figures locales. Buisson avait vu juste concernant Lecouvreur, mais il ne pensait pas que celui-ci manquerait à ce point d’intelligence. Ce dernier s’opposa frontalement à un ancien premier ministre peu habitué à une quelconque opposition, en ayant rarement connue dans sa vie. La tension entre les deux hommes monta, sans que le haut fonctionnaire obtus accepte de plier devant le politique historique. Sûr de son impunité, Lecouvreur s’offrait le luxe de mépriser ceux qui n’étaient pas de son avis. Il resta paisible malgré les coups de boutoir que le politique furieux porta sans succès contre lui. Le Corps était plus fort. Lecouvreur se maintint imperturbable. Mais, mois après mois, la situation devint cependant intenable pour lui. La fronde commençait à se faire violente. C’est alors que le Corps exfiltra Lecouvreur en lui assignant une mission nouvelle. Il fut question un temps de le nommer à l’inspection générale, dans laquelle il aurait pu faire valoir son expertise, élaborer la stratégie nationale et auditer ses anciens collègues. Mais c’est un poste opérationnel et stratégique qui fut préféré pour lui.
Lecouvreur laissa une situation calamiteuse et une activité économique exsangue. Durant son passage, l’établissement avait perdu 30 % de son activité. Mais là où un cadre supérieur en entreprise aurait été licencié sans ménagement pour dix fois moins, lui pouvait poursuivre, couvert d’une impunité d’acier. Le monde du Corps était merveilleux. »
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Votre serviteur, qui est un peu taquin, et qui se souvient que " chasser en meute " était devenue l'expression préférée d'un président de l'UMEP (Union Maritime Et Portuaire du Havre) lors de ses interventions publiques, a puisé dans ses archives personnelles un article paru dans Paris-Normandie il y aura bientôt une dizaine d'années, article qui entre en résonnance avec l'extrait ci-dessus :
Moi, " ça m'interpelle au niveau de mon vécu ".
Sapeur de fond s/c Sire de sei