Billet de Florestan:
La Normandie, la région où les villes sont pourtant à la campagne (Alphonse Allais), pourra-t-elle y échapper ?
Les derniers résultats électoraux montrent que nous prenons en Normandie aussi un chemin dangereux d'une fracture idéologique et culturelle profonde entre les élites sociales urbaines et les populations laborieuses rurales: on constate cette fracture maintenant dans les pays de l'Occident. L'écologisme ou la religion de l'écologie avec son cortège de nuisances idéologiques et politiques ne fait qu'approfondir cette fracture.
A Rouen, ceux qui ont voté, ont massivement voté pour les candidats écolo-progressistes de la Nupès tandis qu'à moins de vingt ou de trente kilomètres de là, sur le plateau de Caux, dans le Roumois ou les vallées de l'Eure, on a voté massivement pour le Rassemblement National car à la fracture idéologique et culturelle s'ajoute une fracture économique et sociale: on connaît bien les analyses du géographe Christophe Guilluy en son temps fortement contestées par ses pairs universtiaires mais tous les faits ou presque lui donnent, aujourd'hui, raison.
Cependant, la géographie normande faite de nuances, d'équilibres subtils est organisée selon un maillage plutôt dense de petites et moyennes villes dominées non pas par une grosse métropole écolo-socialo-bobo totalement déconnectée des réalités régionales mais par le trio de tête Caen-Rouen- Le Havre plutôt équilibré dans la répartition des rôles et des fonctions mais qui refuse par localisme de faire fonctionner une métropole régionale normande en réseau:
En l'absence d'une grosse métropole écrasant de tout son poids le territoire régional normand, on pourrait considérer que cette fracture idéologique et politique entre monde urbain et monde rural pourraît être quelque peu atténuée en Normandie car le fait majeur dans la géographie humaine normande c'est que l'on trouve une petite ville de 5000 à 10000 habitants tous les 20 à 30 km avec des relations fortes entre petites villes et la ruralité environnante et une majorité de Normands qui, tout en ayant toutes les pratiques urbaines contemporaines, n'en demeurent pas moins liés par le voisinage ou la famille aux pratiques sociales ouvrières et agricoles du monde rural. Très concrètement: un retraité va faire son fitness au centre sportif de la petite ville d'à côté et quand il revient à son domicile, il salue son voisin exploitant agricole qui vient de faire la dernière fenaison de la saison dans le pré qui jouxte sa propriété en laissant passer sur la petite route, son imposant tracteur.
Cette vie sociale rurale normande est, bien entendu, très dépendante de la voiture thermique: l'exigence de mobilité est totale. On ne voit pas de trottinettes ni de petites voitures électriques du côté de Cérences, d'Ecquenéauville ou de Bosc-le-Hard.
Par ailleurs, par conservatisme, par prudence et certains diront aussi par méfiance ou manque d'imagination, les exploitants agricoles normands qu'ils soient dans l'élevage laitier ou non, ont, dans l'ensemble, su éviter le pire de la modernisation agro-productiviste de ces dernières années...
Mais à terme, cette situation de relative stabilité sociale dans la ruralité normande est condamnée: la disparition du monde rural ancien autrefois dominé par l'agriculture se réalise sous nos yeux avec des départs à la retraite massifs des actuels exploitants agricoles. Les jeunes qui veulent reprendre les exploitations seront peu nombreux et seront condamnés à faire autre chose et autrement que leurs aînés d'une génération de modernisation intense qui, en l'espace d'une soixantaine d'années, a liquidé une civilisation rurale séculaire...
Parmi les pistes à suivre, il y a le retour à certain développement économique et social local non délocalisable sur la base beaucoup plus qualitative notamment en matière de productions agricoles: nous sommes en pleine mutation. On ne voit pas encore très bien de quoi l'avenir sera fait même si tout le monde ou presque s'accorde sur le fait que la parenthèse ouverte dans les années 1960 doit maintenant se refermer.
Y aura-t-il donc une certaine sagesse normande pour éviter une guerre civile sociale, économique, politique et culturelle entre les villes et les campagnes ?
Derrière la jacquerie néerlandaise, une rupture profonde - Le Temps
Derrière la jacquerie néerlandaise, une rupture profonde
ÉDITORIAL. Aux Pays-Bas s’enlise une révolte agricole contre des mesures environnementales drastiques. Ici comme ailleurs, le mouvement illustre le fossé toujours plus profond entre villes et campagnes, qui ne se comprennent plus
Impressionnants, les chiffres sont également méconnus. D’une surface comparable à celle de la Suisse (mais plate), deux fois plus peuplés, les Pays-Bas sont le deuxième pays exportateur de produits alimentaires du monde, derrière… les Etats-Unis. Ici, la culture est intensive, mais aussi l’élevage: le cheptel batave de 115 millions d’animaux est plus important qu’en Suisse. Comme ailleurs en Europe après la Seconde Guerre mondiale, le royaume a industrialisé son agriculture. Très bien organisé, pragmatique et souvent à la pointe des technologies chimiques et mécaniques, il a réussi au-delà des espérances.
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Cette jacquerie confirme une rupture dont les Pays-Bas sont loin d’avoir le monopole. D’un côté, la ville qui pollue et entretient le paradoxe d’être coupée des réalités de la campagne tout en prétendant chambouler les modes de vie pour sauver la planète. De l’autre, l’espace rural à qui l’on a fourni au XXe siècle les outils pour dompter cette même nature et nourrir la population, et à qui on explique aujourd’hui qu’il faut produire si possible autant mais sans les facilités, si l’on peut dire, autorisées jusqu’ici.
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