Claude ROCHET: l'avenir de la France est dans ses régions, ses villes moyennes et ses terroirs...

Billet de Florestan

Avez-vous remarqué que nous avons soigneusement évité d'utiliser le mot de "territoire" dont usent et abusent les décideurs publics qui, bien souvent, n'y vivent pas ? A Paris, on dit "territoire" pour ne plus avoir à assumer le mot de "province" et quand l'hypocrisie double le mépris, c'est pire...

Mais la prise de conscience monte que ce sont bien de ces fameux "territoires" que pourrait surgir les forces, les idées, les actions, les dynamiques et les projets qui vont assurer l'avenir de la France car, à l'instar d'un vieil arbre creux dont le centre du tronc est mort, la vie et ses surgeons s'est déplacée aux périphéries...

Il y a une lassitude des grandes métropoles, à commencer par Paris car on y constate concrètement et au quotidien qu'il y est bien difficile d'y vivre et qu'en conséquence, pour l'ensemble du corps social, à l'exception d'une petite classe dirigeante richissime et totalement hors-sol, les opportunités de la vie deviennent plus difficiles à saisir dans ces grandes métropoles où tous les enjeux et toutes les contraintes se concentrent alors qu'elles demeurent largement à portée de mains du plus grand nombre dans les villes moyennes de province.

Il suffit de prendre l'exemple du prix du mètre carré: 15000€ en moyenne désormais à Paris, une folie! 2200€ seulement à Caen: cela ne va pas durer car un mouvement de démétropolisation révélé par les confinements sanitaires de l'année 2020 est à l'oeuvre au point que l'on estime à près de 20% la part de la population qui souhaite quitter la région parisienne!

https://www.futuribles.com/fr/article/la-covid-accelerateur-de-la-demetropolisation/

Voilà une donnée massive qui vient rebattre les cartes des analyses sociales et géo-politiques jusque-là proposées par les géographes et les économistes, on pensera à Christophe Guilluy sur la question de la fracture sociale et territoriale entre métropoles et périphérie ou à Laurent Davezies sur la question de la circulation des richesses assurant la péréquation entre territoires riches et territoires pauvres car la nouvelle donne, très paradoxalement, risque, à la fois, d'accentuer le risque perçu et analysé par Christophe Guilluy (par exemple, la ségrégation immobilière par le prix du mètre carré qui risque de s'exercer au profit des ex-Franciliens dotés d'un pouvoir d'achat plus fort que les autochtones...) mais aussi d'accentuer la circulation financière observée par Laurent Davezies (par exemple, installation de télétravailleurs dans un village de l'Orne qui permet de relancer le commerce local).

L'Orne, justement, parlons-en!

Le conseil départemental (en dépit d'un nouveau logo totalement inepte...) a lancé une puissante opération de communication pour séduire les Parisiens invités à se mettre au vert et au calme à moins de 3h de train (grâce au Paris-Granville et s'il n'y a pas trop de pannes et de retards) pour vivre et télétravailler dans une campagne normande qui sera totalement fibrée pour la 4G d'ici deux ans... Un vrai pari sur l'avenir: le seul possible, du reste, pour le département le plus rural et le moins peuplé des cinq départements normands.

http://normandie.canalblog.com/archives/2020/10/02/38565216.html

Le sociologue Jean Viard a parfaitement compris l'enjeu quand il évoque un puissant exode urbain à venir après des décennies d'exode rural grâce à la révolution du télétravail permise par la révolution numérique.

Voir, par exemple, cette note du Conseil Economique Social Environnemental (CESE) sur la question de la revitalisation des bourgs ruraux par l'exode en provenance des grandes métropoles:

https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2021/2021_14_centres_villes_bourgs.pdf

Toutes ces analyses sont pertinentes pour ce qui est de rendre compte des aspects matériels: l'économie et la société mais il faudrait aller plus loin pour tenter de comprendre pourquoi tel terroir, telle région ou telle ou telle petite ville ou village rayonne, attire, imagine, investit et réussit  dans des projets souvent dynamiques, innovants qui hybrident la tradition avec la modernité...

Car il faut aussi parler de l'imaginaire, de l'enracinement, des héritages, de l'identité mais aussi d'une communauté de destin partagé qui permet des réussites entrepreneuriales ou associatives éclatantes...

Concrètement, pourquoi la commune vendéenne des Herbiers a le plus bas taux de chômage de France?

Pourquoi un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale dans le Cotentin normand?

Pourquoi, en 2019, le plus bas taux de France pour les liquidations judiciaires d'entreprises était-il pour la Normandie?

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Claude ROCHET dans un essai aussi passionnant que stimulant propose quelques réponses:

https://claude-rochet.fr/la-france-des-villes-moyennes-une-strategie-davenir-pour-les-territoires/

La France des villes moyennes, une stratégie d’avenir pour les territoires

Suite à mon livre sur les villes intelligentes (“Villes intelligentes, réalité ou fiction?“) l’ISSEP m’a proposé de réaliser une étude sur les villes moyennes face à la politique des métropoles, sujet qui devrait être au coeur du débat politique si nous avions une presse et des médias qui faisaient un travail d’information.

Les mouvements sociaux de ces dernières années ont mis l’accent sur la paupérisation de la France périphérique, périphérie qui commence dès la banlieue des métropoles qu’elles sont supposées inonder leur richesse. Cet antagonisme entre métropoles et territoires n’est pas propre à la France et n’est pas le résultat d’un accident de l’histoire : c’est celui de politiques délibérées qui ont fait des métropoles l’axe incontournable du développement économique et de la compétition dans la mondialisation.

Cette étude montre, d’une part, que les hypothèses économiques sur lesquelles se fonde cette fascination pour le big is beautiful ne sont pas vérifiées et que l’on est largement dans le domaine de l’idéologie. Elle montre d’autre part, au travers de nombreuses études de cas et d’analyses des dynamiques urbaines, tant historiques que dans le contexte de la révolution numérique, que les villes moyennes fournissent un cadre plus favorable à l’innovation et au développement face aux enjeux écologiques et énergétiques, fondé sur la cohésion entre villes et territoire.

Je mets en ligne un preprint (une pré-publication non officielle) d’extraits de cette étude. L’étude est disponible sur les librairies en ligne et sur le site de l’éditeur.

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Commentaire de Florestan:

Avec une ville de 10000 habitants tous les 30 kilomètres, le tout à 3 heures, maximum, de Paris, la Normandie est directement concernée par cette opportunité à condition que les décideurs publics et privés normands s'en saisissent en évitant que cette opportunité ne soit aussi une difficulté: plus que jamais, la Normandie ne doit plus être un territoire passif qui ne serait qu'une terre à prendre, à conquérir ou à coloniser.

Notre région doit accueillir et assimiler: les Parisiens nouvellement installés en Normandie doivent devenir Normands et dans la plupart des cas, ils y arrivent car les héritages et les patrimoines normands proposent un imaginaire puissant, prestigieux et positif.

La Normandie a un grand passé mais il lui manque d'être, à nouveau, totalement une véritable communauté de destin pour assurer le présent et préparer l'avenir: dès lors, la politique publique régionale d'intelligence économique et territoriale entreprise dès le début du premier mandat de la réunification normande par Hervé Morin était une initiative innovante qui avait perçu l'esprit du temps, le sens de l'histoire: la Normandie ne sera la région de la démétropolisation parisienne à la seule condition de construire et d'animer un réseau normand des villes et des territoires.

Puisqu'on parle beaucoup, voire beaucoup trop de virus et de vaccins en ce moment, on osera dire qu'il faut que le docteur Morin trouve, dans les six ans à venir, le vaccin ou le traitement qui pourraient débarasser la Normandie du localisme, véritable poison qui empêche les Normands de coopérer avec d'autres Normands

Comments

[Saint-Patrick]

Est-ce que, dans son immense bonté, le docteur Morin pourrait nous débarrasser primo, du virus jacobiniste, secundo du virus macroniste ?



Chouette la photo ! Paris est vraiment la poubelle ville du monde ! (Dans tous les sens du terme).



Longue vie à Sire de Sei !!!