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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
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15 janvier 2024

DRAC Normandie: comment transmettre l'héritage architectural normand quand partout règne la misère dans les écoles d'archi?

Billet de Florestan:

"Archinormand"... Tel est le nom plaisant d'une exposition itinérante qui vient d'être inaugurée dans l'ancienne chapelle du Bon Sauveur au siège de la DRAC Normandie à Caen.

Capture

L'objectif est louable et, semble-t-il, absolument pas peccamineux puisqu'il s'agit, en partenariat avec l'ordre des Architectes de Normandie, de proposer un tour d'horizon de la création architecturale normande au XXIe siècle qui maintiendrait (c'est nous qui soulignons au conditionnel) un lien avec les héritages et l'histoire de l'architecture normande:

Peut-être, pour la première fois, dans ce milieu cultureux aussi idéologiquement guindé que pouvait l'être les assemblées de patronage d'autrefois, la référence au régionalisme et à l'identité régionale ne sont plus aussi "nauséabondes" qu'auparavant!  (Précisons, en effet, que la gauche cultureuse moralement bien-pensante pense avec son nez alors qu'il est plutôt convenu de penser d'abord avec sa tête...)

Pour en savoir plus:

L'Ordre des Architectes de Normandie et la DRAC Normandie valorisent le talent des architectes régionaux avec l’exposition Archinormand (culture.gouv.fr)

Avec la logorrhée officielle suivante:

Au cœur des paysages de Normandie (sic!), une conviction émerge : l'architecture de la région est un vrai savoir-faire qui façonne l'identité culturelle et économique de la région. C'est dans cette perspective que l'Ordre des architectes de Normandie, avec le soutien de la DRAC Normandie, a initié l'appel à projet Archinormand, dont l'aboutissement était présenté lors du vernissage de l'exposition le mercredi 10 janvier 2024 à la DRAC de Normandie.

Archinormand

L'appel à projet Archinormand, lancé auprès de toutes les agences d’architecture inscrites à l’Ordre régional de Normandie, vise à mettre en lumière leur spécificité, leur identité et leur diversité à travers une publication et une exposition itinérante.

Ces outils promotionnels ne sont pas simplement des portfolios, mais des témoignages visuels de l'engagement des architectes normands envers leur territoire, dévoilant des portraits d'architectes investis.

L'idée fondamentale derrière cette initiative repose sur la reconnaissance du véritable savoir-faire présent au sein des agences d'architecture normandes. Les architectes et les entreprises d'architecture de la région sont bien plus que des concepteurs de bâtiments (sic!) ; ils sont des artisans de la ville (ndlr: parle-t-on de ces équarisseurs de la ville que l'on nomme "promoteurs immobiliers"?), des acteurs de la vie sociale qui façonnent le cadre de vie de leurs concitoyens avec créativité et engagement. (re-sic!)

Ancrés profondément sur leur territoire, ces acteurs incontournables interviennent à toutes les échelles, collaborant avec les élus, les entreprises, les bureaux d'études et les citoyens pour construire un avenir durable et harmonieux. Leur impact (ndlr: on peut utiliser le terme de... bombardement ou de "table rase") dépasse les limites de la culture pour devenir un moteur essentiel de l'économie locale.


 Comment souvent, à ce monde clos de la culture institutionnelle subventionnée la réalité inflige un démenti orwellien et après avoir lu la prose officielle ci-dessus défileront sous nos yeux consternés les images de la "France moche" made in Normandie comme elle pourrait être made in partout ailleurs avec cet encombrement hétéroclite de nos paysages ruraux et urbains de formes, de couleurs et de matériaux qui déchirent toutes les harmonies paysagères oeuvres d'un long et patient travail séculaire fait de main d'homme.

Le "style boîte à chaussures" en blanc et noir triomphe s'entassant sur la pente des vallons ou processionnant le long de voies routières garnies de rond-points magistralement décorés à la demande de l'évergète local dans une absence de goût total sur fond d'éoliennes géantes crucifiant nos cieux normands.

Les raisons de ce massacre général de la beauté normande? 

Elles sont nombreuses mais on n'en retiendra que trois pour qu'un lien soit clairement établi avec le début de ce billet...

1) Une décentralisation mal maîtrisée qui a autorisé les maires via leurs administrations municipales à instruire les permis de construire et de démolir alors qu'il s'agissait auparavant d'une prérogative préfectorale: l'enfer est, comme d'habitude, toujours pavé de bonnes intentions...

2) Un sabotage des capacités d'action de l'administration départementale abritée par les DRAC en charge de la protection du patrimoine architectural et des monuments et sites historiques sous prétexte de simplification, d'efficacité car il faut, parait-il, cesser d'emmerder les Français: la loi dite "ELAN" a, par exemple, détruit de fait toutes les capacités d'intervention d'un architecte des bâtiments de France (ABF) ou d'un inspecteur régional des Monuments Historiques. A cela, ajoutons un désengagement de l'Etat dans le financement des travaux de restauration ou d'entretien des Monuments Historiques et on aura une vision assez complète du désastre! Quant aux Conseils d'Architecture d'Urbanisme et d'Environnement (CAUE) pourtant présents dans chaque département avec la mission de conseiller particuliers et professionnels pour assurer la meilleure qualité architecturale possible des projets, ils restent méconnus et n'ont qu'un rôle discret...

3) Une absence complète ou presque de tout enseignement ou de toute initiation à l'histoire de l'art, de la décoration ou de l'architecture en France dans le cursus d'enseignement d'écoles régionales d'architecture à l'heureuse exception de l'école nationale supérieure d'architecture de Chaillot qui s'est spécialisée, justement, dans la formation des architectes habilités à travailler sur le bâti patrimonial: cette triste absence de culture générale artistique qui prolonge le vide sidéral proposé en la matière par l'enseignement secondaire dans les programmes de l'Education Nationale a des effets catastrophiques puisqu'aucune véritable éducation de l'oeil français aux subtiles merveilles des beautés architecturales et artistiques d'un passé dépassé n'est proposée depuis le commencement de l'actuelle tyrannie idéologique contemporaine conceptuelle qui détruit les "beaux arts" depuis près de soixante ans maintenant.

A l'instar des écoles d'art où le dessin n'est plus enseigné, on n'enseigne plus vraiment l'architecture dans les écoles qui portent encore ce nom: tout au plus y apprend-t-on un vague métier d'ingénieur poète plasticien qui doit savoir jouer avec la résistance des matériaux et les contraintes du réel et notamment celles d'une réalité bureaucratique normative de plus en plus envahissante qui offrira bientôt le beau et noble métier d'architecte en oblation sacrificielle sur l'autel de l'intelligence artificielle. On est donc dans la confusion la plus totale entre architecture et sculpture du... Moi!

Et à cette misère du contenu il faut, hélas, ajouter celle du contenant:

L'état de dérilection du réseau national des écoles régionales d'architecture en France face au désengagement financier de l'Etat. On le sait, c'est une situation urgente, notamment du côté de l'ENSA Rouen...

Pour mémoire:

Les écoles d’arts et d’architecture dénoncent le désengagement du Ministère de la Culture:

https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/politique-culturelle/les-ecoles-darts-et-darchitecture-denoncent-le-desengagement-du-ministere-de-la-culture-786756

A Rouen, les étudiants de l'Ensa en grève pour dénoncer le manque de moyens des écoles d'architecture:

https://www.challenges.fr/education/a-rouen-les-etudiants-de-lensa-en-greve-pour-denoncer-le-manque-de-moyens-des-ecoles-darchitecture_846052

Quel rôle pourrait jouer la Région Normandie pour renforcer son école d'architecture?
Quelle place pour les écoles d'architecture dans la lettre de mission et la feuille de route de Madame Dati nouvellement nommée rue de Valois?

En France comme dans la grande majorité des pays, les études en architecture durent cinq ans et se déroulent dans l'une des vingt Écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA), placées actuellement sous la tutelle du Ministère de la Culture comme un gibet peut soutenir des pendus...

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tudes_d%27architecture_en_France

En 2015, conscient qu'il y a avait quelque chose de pourri au royaume de l'architecture française, le Ministère de la Culture (alors dirigé par Fleur Pellerin) avait publié une Stratégie nationale pour l'architecture (30 mesures, en six axes), dont une partie porte sur la formation, ainsi que sur l'articulation et le rapprochement des métiers de l'architecture avec l'univers des professionnels de la construction et du cadre de vie.

Pour en savoir plus:

Accroître le rôle des architectes (culture.gouv.fr)

Les 30 mesures de la Stratégie nationale pour l'architecture (amc-archi.com)

 Dans ce projet de réforme était notamment annoncée la création d'un statut d'enseignant-chercheur et une évaluation nationale de l'habilitation (HMONP) du titulaire d'un diplôme d'architecte d’État. Le ministère se proposait en outre de favoriser l'émergence d'une culture de l'architecture chez les élus locaux et les fonctionnaires de l'Etat via notamment des formations spécialisées. Il était question d'introduire des « fablab » dans les écoles d'archi, des incubateurs et autres espaces "co-travail" et de créer des chaires partenariales de recherche. Un « permis de faire » expérimental avait même été proposé, permettant, moyennant certaines conditions, de déroger à certaines règles, afin de ne pas bloquer certaines innovations architecturales méritant d'être testées.

Malheureusement, pour d'évidentes raisons idéologiques et institutionnelles, la valorisation et la connaissance de l'architecture souhaitée par cette "Stratégie Nationale pour l'Architecture" (SNA) ne concerne que le bâti du XX et XXIe siècles: le bâti patrimonial plus ancien étant la chasse gardée des services départementaux de l'architecture et du patrimoine classé MH, n'est pas concerné alors que sa connaissance devrait être une source d'inspiration ne serait-ce que pour éviter de nombreuses fautes de goût ou certains contre-sens pour ne pas dire erreurs monumentales commises par des architectes et leurs agences n'ayant pas une curiosité intellectuelle suffisante quant à l'histoire d'un lieu.

Cette grande ambition "SNA" lancée en 2015 qu'en reste-il aujourd'hui?

Pas grand chose si l'on observe la médiocre qualité de ce qui se construit massivement aujourd'hui alors que l'un des enjeux était précisément d'augmenter sensiblement cette qualité architecturale, notamment dans les programmes de la promotion immobilière ou dans les entreprises du BTP spécialisées dans la maison individuelle.

Bref! la situation étant idéologiquement congelée dans la sphère des institutions officielles subventionnées, il se passera dans le monde de l'architecture ce qui se passe désormais dans le domaine des arts plastiques ou de la création musicale: la société civile encore vivante dans sa diversité artistique et esthétique ne voulant pas mourir avec le ministère des Pompes funèbres culturelles congelé dans les années 1960 -1980, met peu à peu en place des institutions alternatives de formation et de légitimation de la création artistique sur la base associative ou de l'entreprise privée.

On le voit actuellement à Paris avec l'engouement pour les écoles d'art privées et payantes où l'art du dessin académique est, à nouveau, enseigné avec grand succès avec des professeurs venus d'Europe de l'Est ou de la Russie tandis que le réseau Internet permet de mettre directement en contact les artistes, les créateurs, les galeries ou le public ne souhaitant plus perdre son temps avec la DRAC ou le FRAC...

Les architectes devraient donc prochainement sortir de l'hiver esthétique et spirituel qui englace leur art depuis le début des années 1960, depuis que des idéologues avaient décrété que les arts décoratifs n'avaient plus à faire l'amour pour le vrai et pour le beau avec l'art de construire:

Y AURA-T-IL UN PRINTEMPS "ARCHINORMAND"?

Avec le grand retour des matériaux naturels (pierre et bois) au nom de l'écologie et du développement durable; la renaissance des savoir-faire ancestraux (taille de la pierre, travail de la charpente: le chantier de reconstruction à l'identique de Notre-Dame de Paris a montré à certains pisse-froids modernistes que c'était possible); le souci de retrouver l'harmonie perdue avec le génie du lieu , le terroir, le pays local et son paysage (un localisme aujourd'hui très tendance, de préférence sans éoliennes à proximité et à condition que le coq du voisin ne chante pas trop fort); l'identité d'un centre- ville réaffirmé par ses matériaux (pierre calcaire, granit, grès, béton, ardoises, tuiles), ses formes (pente du toit, hauteur des immeubles, géométrie des façades et des modénatures) et son identité naturelle (arbres remarquables, parcs et jardins): après des décennies de fureur aménageante et de rénovation fonctionnelle sur table rase, il s'agit de retrouver la grammaire des styles qui fait l'identité sinon l'âme d'une ville car c'est ça qui fait venir les touristes qui feront la prospérité d'un centre ville commerçant qu'il faut cesser de confondre avec un centre commercial...

Ces préoccupations ont souvent présidé à la reconstruction des centre-villes historiques de nos villes normandes dévastées par les bombes de la Libération de 1944: on a même appelé ça le style "néo-régionaliste" ou le style "néo-hausmannien" (dans le cas particulier de Caen) permettant une heureuse harmonie formelle entre l'avant-guerre et l'après-guerre tandis qu'au Havre reconstruit tout en béton par Auguste Perret on n'hésita pas à parler de style "néo-classique grec" tant le célèbre architecte avait assumé dans son oeuvre toute sa haute culture.

Cette sagesse nous a quitté en 1960.

Reviendra-t-elle?


 Voir, par ailleurs:

Journées nationales de l'architecture 2023

https://www.normandie.fr/journees-nationales-de-larchitecture-2023

Biennale d'architecture et d'urbanisme Caen-Normandie

https://www.normandie.fr/biennale-darchitecture-et-durbanisme-caen-normandie

Zigzag - Festival d’architecture et des arts de l’espace

https://www.normandie.fr/zigzag-festival-darchitecture-et-des-arts-de-lespace

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