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TEMPÊTE CIARAN: Pourquoi le réseau de la Normandie, puissance électro-nucléaire française, n'est-il toujours pas sécurisé?
Billet de Florestan:
C'est LA question que se pose en ce 3 novembre 2023 TOUS les Normands lucides, après le passage du grand coup de balai de Suroît de la tempête Ciaran avec des rafales observées jusqu'à plus de 170km/h sur les caps exposés de notre région (Granville, Carterêt, La Hague ou la Hève) et avant l'arrivée d'une nouvelle tempête dans quelques jours.
En effet, dans la soirée de la journée consacrée à la mémoire des Morts- le bilan humain de cette tempête se réduit à la mort d'un havrais tombé de son balcon alors qu'il fermait ses volets- c'est plus de 800000 foyers tant en Normandie qu'en Bretagne qui étaient toujours privés d'électricité soit plus qu'après le passage de la fameuse tempête de la Saint-Etienne 1999 (soirée du 26 décembre) qui avait été pourtant plus puissante que celle que nous venons de vivre...
Alors, pourquoi?
Nous allons tenter de répondre à cette question entendue le 2 novembre en fin de matinée dans la queue de parapluies et de cirés aux cheveux humides et ébouriffés par la vouéchie d'automne qui se pressait devant la seule boulangerie ouverte du bourg de Bréhal qui était encore visité par la fée électricité alors que tout le bocage des alentours était plongé dans le noir depuis les aurores...
Cette question lancée à la cantonnade à l'assemblée par un retraité en gapette inquiet pour sa voisine, une grand-mềre d'un certain âge enfermée chez elle derrière ses volets roulants électriques avec une pompe à chaleur hors d'usage, est la suivante:
"Pourquoi n'ont-ils pas enterré les lignes?"
Et un autre client de la boulangerie de surenchérir: "Et en plus, ils arrêtent pas de nous faire la réclame des voitures électriques à la télé! C'est bien malin ça! Heureusement que ma bagnole au diesel a démarré ce matin..."
Un pompier remontant la queue à la satisfaction générale pour aller chercher des sandwichs pour son équipe repartant sur de nouvelles urgences fit alors cette déclaration: "D'après ENEDIS, ceux qui habitent entre Bréhal, Chanteloup et Cérences, pas d'électricité avant demain midi..."
Pour beaucoup, la soirée du jour consacré aux Défunts va se passer éclairée à la bougie ou dans la clarté rougoyante et dansante d'un feu dans l'âtre comme dans les tableaux de crèche de Noël ou de veillée funèbre d'un peintre du XVIIe siècle obnubilé par Le Caravage...
Retour donc à l'essentiel de la vie humaine: le foyer qui servait autrefois à compter les âmes et qui continue encore à calculer l'assiette fiscale. Un foyer dont le feu dans la cheminée a été remplacé par l'électricité. Une électricité devenue vitale pour notre société moderne qu'elle soit capitaliste ou socialiste (Ah! le fameux socialisme plus l'électricité).
Plus de réseau, d'internet ou de télévision... Plus de chauffage ou de cuisine ou d'eau chaude! Et si les volets roulants ont été abaissés: plus de lumière! Et, bien entendu, la petite Zoé ne sortira pas du garage alors qu'il faudrait tracher le pain à la boulangerie qui fait la quarre... On ira donc comme aut'fé à pied ou à vélo avec le vent dans le dos en bougonnant: "Ciaran c'est un sale coup des écolos, un signe avant-coureur de leur fichue décroissance à la con!"
Alors reprenons la question:
Pourquoi les lignes du réseau électrique secondaire pourtant essentiel au fonctionnement du service public vital électrique ne sont pas sécurisées par leur enfouissement systématique? Notamment dans les territoires risqués, c'est-à-dire, à la fois, exposés aux vents forts et aux chutes d'arbres, donc les pays de bocage des régions du Nord-ouest de la France: la Normandie, est donc en première ligne...
D'ou cette autre remarque entendue dans la boulangerie de ce Cotentin dont la chevelure bocaine fut peignée par des vents à plus de 150 km/h:
"ça sert à quoi d'avoir des centrales et des EPR si derrière on n'a pas de jus après une tempête?"
En effet, roulant dans la matinée sur des routes marquées par le passage nocturne de la catastrophe météorologique qui a dévasté le magnifique patrimoine végétal de notre bocage normand, on voyait de nombreux branchages voire des troncs entiers tombés à terre après avoir arrachés le câble électrique passant en aérien à proximité car dans le bocage normand équipé par EDF-ENEDIS, les poteaux sont aussi nombreux que les arbres!
Alors pourquoi?
1) Parce que le passage de l'électricité en aérien coûte moins cher que l'enfouissement des câbles dans une tranchée terrestre.
2) Parce que l'enfouissement des câbles électriques en pays de bocage c'est juridiquement plus complexe que dans un pays de pleine campagne avec un parcellaire de propriétés plus simple...
3) Parce que, conséquence de l'affirmation précédente, la FNSEA qui représente la plupart des exploitants agricoles serait contre.
4) Parce qu'ENEDIS, la filiale d'EDF qui se consacre à l'entretien et au développement du réseau électrique français va devoir consacrer près de 100 MILLIARDS d'euros... au raccordement du mitage de notre paysage rural par des éoliennes qui ne servent à RIEN!
100 MILLIARDS qui n'iront pas à la sécurisation du réseau électrique local qui est, à la fois, le plus essentiel à notre vie quotidienne et le plus fragile.
La veille au soir, nous avons pris la décision de rentrer à Caen, rejoindre, nous a-t-on dit, "la chaleur, la lumière et le confort d'une vie humaine moderne" en quittant cette Normandie rurale bocaine périphérique, déclassée au point d'être plongée dans le noir: sur la route et dans l'obscurité d'un rideau de douche, nous voyons sur l'horizon des lumières puissantes clignoter et qui encadraient étrangement le lever de la lune perçant la brume... C'étaient les éoliennes du Mont Robin, en contre-haut de Pont-Farcy: l'autoroute passant juste en contrebas et contemplant l'ombre de ces géantes se découpant dans le crépuscule, ma fille m'interpelle:
"- Papa, t'as vu, les éoliennes, elles ne tournent pas."
Tempête CIARAN, un bilan:
Tempête. 80 000 foyers restent sans électricité jeudi 2 novembre, après le passage de la tempête Ciaran dans la Manche.
Le passage de la tempête Ciaran a provoqué des dégâts considérables en Normandie. Le réseau électrique a été particulièrement atteint.
Au total, 350 000 foyers ont été privés d'énergie ce jeudi 2 novembre, dont 130 000 dans la Manche. Le réseau a fortement souffert, indique la présidente d'Enedis Marianne Laigneau, qui était dans la Manche, aux côtés de ses équipes.
Ce jeudi 2 novembre, en début de soirée, 80 000 foyers dans la Manche restaient sans électricité.
La présidente d'Enedis était accompagnée d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, venue se rendre compte des dégâts occasionnés par la tempête.
Citation:
Au nouveau recensement à 11h30 (02/11/23), Enedis annonçait 315 000 clients sans électricité en Normandie, dont 12 5000 dans la Manche, 85 000 en Seine-Maritime, 60 000 dans le Calvados, 25 000 dans l’Eure et 20 000 dans l’Orne.
Le patrimoine architectural normand éprouvé par la tempête Ciaran: un pinacle de l'église Saint-Martin d'Argentan a chuté au sol...
Le morceau d'un pilier de l'église Saint-Martin d'Argentan (Orne) s'est effondré tôt ce matin, emporté par la tempête Ciaran.
Cimetière fermé pour raisons de sécurité, le jour des Morts:
Le patrimoine végétal normand éprouvé: par exemple à Bayeux...
Ou pire à Avranches: le magnifique hêtre rouvre du parc de la sous-préfecture qui datait du début du XIXe siècle a été terrassé par la tempête:
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