GRANVILLE: Un bunker déguisé en bijude à Schtroumpfs! La mémoire de la Seconde Guerre mondiale n'est pas un jeu!

Billet de Florestan:

"Malheur au peuple dont le prince est un enfant." (L'Ecclésiaste, 10/16)

Si l'on devait faire une histoire de l'Humanité des origines à nos jours, on devrait signaler comme une révolution anthropologique majeure le fait qu'à partir des années 1970 apparaît en Occident un nouvel âge de l'Homme: l'âge adolescent ou "adulescent" à savoir, le prolongement le plus loin possible dans l'âge adulte de l'état d'enfance.

La raison en vient qu'après une large première moitié du XXe siècle tout occupée à détruire dans le plus grand holocauste humain de tous les temps, la vieille anthropologie d'une personne humaine sacrée sinon divine sortie de la Bible judéo-chrétienne au profit d'un "homme nouveau" fabriqué par des idéologies totalitaires athées et matérialistes (fascismes et communisme), il fallait tourner la page d'une Histoire tragique dévastant toute l'humanité avec sa grande hache. Et dans le confort matériel retrouvé et démocratisé d'Après-Guerre consuméristes, s'est épanoui, à partir du modèle américain, un nouveau genre d'être humain individualiste et narcissique qui n'a qu'un rapport ludique à une réalité toujours ennuyeuse parce que toujours exigeante avec notre conscience...

Le temps est passé des générations héroïques prêtes au sacrifice suprême, celui de sa vie même au nom de la Foi en Christ, au nom de la France et de la Liberté, au nom de la Révolution mondiale ou au nom du Führer et du Reich allemand: qui, aujourd'hui, donnerait sa vie pour une idée ?

Le ludique et le virtuel ont chassé le réel, sa mémoire et les vertus qui vont avec, pourrait-on dire à l'instar d'un vieux romain mélancolique devant la ruine de sa ville causée par bien plus barbares que ceux qui osèrent franchir la frontière du Rhin...

Sur le cap Lihou de Granville, de part et d'autre du phare et du sémaphore, face au vaste théâtre vide de la mer et du ciel, dans le ballet permanent des herbes caressées par le vent, accrochées aux roches sombres, s'est, peu à peu, mis en place un parcours des mémoires qui se tiennent debout, pour nous dans la dignité non pas pour quémander notre pitié mais pour faire advenir notre piété:

Mémoire tragique des disparus et péris en mer qui convoque la vieille charité chrétienne, mémoire héroïque des marins-pêcheurs granvillais de la Résistance, contrebandiers de la Liberté avec les îles anglo-normandes et mémoire diabolique du Nazisme dans les restes bétonnés du sinistre "Mur de l'Atlantique" troublant encore l'harmonie de la Nature avec, en contrebas, la griffe du Diable même -une croix gammée datée de 1943, tracée dans l'escalier de ciment menant à l'avant-poste d'observation sur la proue du cap- et, en contre-haut, un bunker et sa batterie d'artillerie qui a été récemment repeint comme suit:

Nouvelle illustration d'un enfer toujours pavé de bonnes intentions:

 Celle d'une transmission ludique d'une mémoire tragique à des générations futures de plus en plus "jeunes" se tenant de plus en plus éloignées tant d'une réalité et ses vérités humaines toujours décevantes et inquiétantes  que d'un passé terrible et méchant à jeter dans la grande poubelle de la culpabilité et du ressentiment.

On voit bien l'origine de cette fausse bonne idée proposée il y a quelques années par l'association "Eté 1944" avec l'accord de Madame Baudry, à l'époque, le maire de Granville et avec l'autorisation de la DRAC et de l'Architecte de bâtiments de France puisque les bunkers sont inscrits et protégés :

Le camouflage des batteries du Mur de l'Atlantique sur la côte normande avec des faux colombages peints sur le sinistre béton dans le vain espoir d'abuser les soldats du débarquement de la Libération. Fort heureusement, toutes les supercheries de l'Ennemi furent courageusement démasquées et documentées par les réseaux de renseignement de la résistance normande gaulliste des comités départementaux de la Libération du Calvados et de la Manche:

Et pour avoir l'avoir fait, plus d'un résistant normand fut dénoncé, pris, torturé et fusillé par la Gestapo: puisque nous sommes à Granville, on aura une pensée pour le "professeur Marland"...

Mais ce travail précieux de renseignement suivi d'un sabotage méticuleux a permis la réussite initiale et définitive de l'opération "Overlord" dont le 80ème anniversaire sera célébré cette année en Normandie et s'il fallait repeindre un bunker allemand en 2024 sur nos côtes, il faudrait le badigeonner de sang humain...

Le problème c'est que ce décor transformant un bunker du 3ème Reich en bijude à Schtroumpfs en vacances au bord de la mer, est toujours en place alors qu'il avait été convenu avec la DRAC d'une remise en l'état des lieux:

L'association "Eté 1944" a, semble-t-il, décidé de camper sur place, tel l'occupant d'autrefois et refuse de répondre aux courriers recommandés envoyés par les autorités (DRAC et municipalité).

Bref! on vit l'époque que nous méritons!

Mais, à quelques semaines du 80ème anniversaire du Six juin 1944,  doit-on laisser quelques rigolos d'aujourd'hui s'amuser avec les restes d'une guerre qui a tant fait souffrir nos aînés?