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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
29 mars 2023

Le régionalisme serait-il un séparatisme? Ben voyons! Le Béarnais Feltin-Palas répond à Morel le Jacobin...

Billet de Florestan:

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Les Jacobins de stricte observance comme jadis l'Abbé Grégoire, se trompent de cible:

Si la République française une et indivisible peut être actuellement menacée dans son unité nationale ou dans sa langue c'est moins par la revendication et l'action légitimes de régionalistes qui défendent, à bout de bras, la véritable diversité historique et culturelle de la France qui ne veut pas mourir que par la présence démographique, de plus en plus forte, de populations réellement étrangères à notre civilivisation par la religion, les moeurs ou la langue.

La langue française de France n'est pas menacée par le breton, l'alsacien, le corse, le basque, l'occitan, le flamand, le poitevin, le picard, le gallo ou le normand. Elle l'est plutôt par la généralisation d'un frangliche mondialisé par le haut et par un sabir franco-arabe par le bas.

Benjamin Morel rate sa cible en entretenant à dessein la confusion entre régionalisme et séparatisme nationalitaire linguistique, un phénomème poltique aussi marginal que violent dans notre cadre commun français.

Mais fort heureusement, Michel Feltin-Palas, notre héros/héraut béarnais des langues régionales de France rectifie le tir...

Le français, langue unique ? Benjamin Morel et les pompiers pyromanes
 
L’universitaire à succès Benjamin Morel pourfend les régionalistes en qui il voit de dangereux séparatistes. Il fait fausse route.

C’est une charge. Une charge apparemment argumentée, comme il se doit pour un maître de conférences en droit public à l’Université II - Panthéon-Assas, ce qui n’empêche au demeurant ni les erreurs d’analyse ni les inexactitudes factuelles (1). Quelle est la cible de Benjamin Morel, puisque c’est de lui qu’il s’agit ? Les défenseurs des identités régionales, rebaptisés ici "ethnorégionalistes", pour bien montrer ce qu’ils ont de nuisible à ses yeux. Oh, certes, l’auteur l’assure : "Ce livre n’est en rien un pamphlet contre les langues et les cultures régionales" (p 27). Mais il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’avec lui, elles n’auraient pas un avenir radieux. Un seul exemple : il ose dans ce domaine rendre hommage à Jean-Michel Blanquer, dont le passage au ministère de l’Education nationale s’est traduit par un effondrement des effectifs des élèves apprenant l'occitan, le breton ou le catalan, et par le torpillage de la loi Molac - la seule jamais votée sur ce sujet sous la Ve République ! Aussi me paraît-il nécessaire de répondre ici à la thèse qu’il soutient dans son dernier livre La France en miettes, dont le sous-titre est plus explicite encore : Régionalismes, l’autre séparatisme (2) - thèse qu’il a pu l’exposer à loisir dans un grand nombre de médias.

Commençons par une concession. Oui, l’amour que l’on porte à sa langue et à sa culture peut alimenter des courants indépendantistes. Les exemples de la Catalogne, en Espagne, ou de la Corse, en France, suffisent à le montrer. Mais s’arrêter là, comme le fait Benjamin Morel, est un peu court, et cela pour plusieurs raisons.

- Un courant minoritaire. Je veux bien que l’on associe sans cesse "langues régionales" à Jean-Guy Talamoni, l’ancien président indépendantiste de l’Assemblée de Corse. La question est de savoir si ce dernier est représentatif de l’ensemble des amoureux du corse, du basque, du breton, du francique et du créole réunionnais. Or, tel n’est pas le cas. Non seulement son courant est minoritaire sur l’île de Beauté, mais il l’est davantage encore ailleurs. On compte ainsi plusieurs centaines de milliers de locuteurs du picard. Benjamin Morel a-t-il pour autant jamais entendu parler d’un Front de libération nationale de la Picardie ?

Faut-il souligner que la situation est la même pour l’auvergnat, le franco-provençal, le normand et l’immense majorité des autres langues de France ?
- On peut avoir plusieurs sentiments d’appartenance. En qualifiant les amoureux des cultures locales "d’ethnorégionalistes", Benjamin Morel – qui, ce n’est pas un détail, est un proche de Jean-Pierre Chevènement – semble ne pas comprendre cette vérité toute bête : il est possible d’éprouver plusieurs sentiments d’appartenance. Pour ma part, je me sens ET béarnais ET gascon ET français ET européen ET citoyen du monde. Et ma position n’a rien de singulier. Comme moi, des millions de citoyens de ce pays n’ont aucune envie de voir leur région devenir indépendante. Ils souhaitent simplement conserver la culture de leurs aïeux. Où est le mal ?
- L’amour de sa région n’interdit pas le patriotisme. Pendant la guerre de 14-18, des centaines de milliers de Poilus parlant mal français, venus de Bretagne, de Corse, de Lorraine ou du Midi, sont néanmoins morts pour la patrie. Benjamin Morel l’a-t-il oublié ?
- La France a toujours été multilingue. Je ne sais pas si la France est née voilà 1000 ou 1500 ans. Ce que je sais, c’est que, jusqu’au XXe siècle, elle a toujours été un pays multilingue et que cela ne l’a jamais empêchée d’exister. Je sais aussi que l’on compte quelque 6000 langues à travers le monde pour seulement 200 Etats. Le plurilinguisme est donc la norme et l’obsession monolingue de certains centralisateurs français l’exception.
- Deux poids, deux mesures. Benjamin Morel s’appesantit longuement sur le parcours de ces militants bretons qui, pendant la Seconde guerre mondiale, ont pactisé avec les nazis - sous-entendu, voyez comme ces langues régionales exhalent un parfum d’extrême-droite. En revanche, il ne fait aucune allusion aux marins de l’île de Sein qui, tout en parlant breton, ont été les premiers à rejoindre le général de Gaulle à Londres. Il n’évoque pas davantage le maréchal Pétain et Pierre Laval qui se sont vautrés dans la collaboration tout en pratiquant un excellent français. Un manque de place, sans doute…
- C’est l’intolérance de l’Etat qui encourage le séparatisme. Nos voisins suisses disposent de quatre langues nationales, toutes protégées par la Constitution. Ce qui veut dire qu’à Genève, on étudie et on travaille en français tandis que c’est l’allemand qui prédomine à Bâle, l’italien à Lugano et le romanche dans le canton des Grisons. Y a-t-il pour autant des mouvements indépendantistes dans la Confédération helvétique ? Pas que je sache.

Imaginez maintenant que le gouvernement suisse décide de rendre l’allemand obligatoire à Genève dans les écoles, les entreprises, les administrations, les grands médias, etc. Il est fort probable en effet qu’apparaîtraient alors sur les bords du Léman de farouches séparatistes. Mais qui faudrait-il alors blâmer ? Les Genevois, qui se mobiliseraient pour défendre leur culture ? Ou le pouvoir fédéral, qui chercherait à leur imposer une langue qui n’a jamais été pratiquée dans cette région romanophone ? A mes yeux, la réponse est claire : c’est l’intolérance du pouvoir central qui serait la cause de ces troubles.

Or telle est exactement la situation chez nous. Jouant les pompiers pyromanes, l’Etat français refuse avec acharnement de respecter sa diversité linguistique interne. Ce faisant, c’est lui qui alimente les (maigres) courants séparatistes qui peuvent exister ici ou là.

C’est, au contraire, en respectant les sentiments d’appartenance complémentaires de chacun qu’il renforcerait la cohésion nationale – comme le prouvent nombre de nos voisins européens, du Luxembourg à la Suède en passant par l’Italie ou le Portugal, où les langues minoritaires disposent de statuts bien plus favorables que chez nous.

Concluons. Pour ma part, je ne suis aucunement indépendantiste. Je réclame simplement le droit de garder, à côté du français, la culture de mes ancêtres béarnais. Et je rêve de voir Benjamin Morel et les ethnonationalistes à son image comprendre enfin ceci : comme toute son Histoire le prouve, la France peut être politiquement une et culturellement diverse.

C’est même cela qui fait sa richesse.

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