Billet de Florestan:

 ... Mais la chaloupe de sauvetage de l'Orchestre Régional de Normandie ne doit pas non plus chavirer!

La situation financière et artistique plus que préoccupante du navire amiral rouennais ne saurait avoir de solution dans l'idée, plus que jamais saugrenue, d'une fusion ou d'une confusion entre l'Orchestre Régional de Normandie et celui de l'Opéra Régional de Rouen financièrement tenu à bout de bras, essentiellement par le Conseil régional de Normandie et, un peu, juste un peu par la métropole de Rouen sans que la ville de Rouen, proprement dite, n'y mette le moindre centime, tout comme d'ailleurs, le département de la Seine-maritime sur le territoire duquel se trouve aussi amarré le vaisseau fantôme lyrique rouennais!

Avant de pépier son indignation et de réclamer à l'Etat les sous qui manquent pour renflouer le navire, Nicolas Mayer-Rossignol qui ne sait pas ce que le vieux mot "vergogne" pourrait encore signifier, devrait montrer l'exemple en tant que maire de Rouen!

Voilà qui fait plutôt... tache lorsqu'on doit défendre, ces jours-ci, le projet de faire de Rouen la capitale européenne de la Culture en 2028!

Nous comprenons la sévérité du communiqué de presse diffusé par la direction artistique et administrative de l'Opéra régional de Rouen qui justifie l'annulation des concerts d'avril et de mai par le difficile contexte "inflationniste" actuel mais aussi par le "manque de convergence des collectivités territoriales pour faire émerger une solution collective..."

Derrière ces lignes sibyllines, il faut comprendre, tout à la fois et cela fait vraiment beaucoup pour les personnels, les musiciens et les artistes, le manque d'implication financière de la ville de Rouen et de la Seine-maritime et le projet de fusion inepte entre l'Orchestre régional de Normandie et l'orchestre de la fosse de l'Opéra Régional de Normandie.

Mais cette crise financière et institutionnelle doit être aussi identifiée, avant toute chose, comme la conséquence d'une crise plus profonde et fondamentale faute de répondre clairement à la question suivante:

Un opéra régional à Rouen labélisé  "Théâtre lyrique d'intérêt national" ça sert à quoi? 

S'agit-il de mettre en scène la dernière lubie idéologique du dernier metteur en scène à la mode au risque de transformer une belle soirée de fête lyrique et féérique en triste et sombre séance de catéchisme culpabilisant et infantilisant quitte à mépriser ou à humilier la majorité d'un public qui fait encore l'effort de venir à l'Opéra?

Ou s'agit-il de défendre et de transmettre au plus large public possible, dans le respect, l'intégrité et l'authenticité d'oeuvres souvent merveilleuses, belles voire sublimes, la meilleure part de notre patrimoine culturel européen commun, un patrimoine qui s'enracine dans nos territoires, la Normandie, en l'occurrence?

Le modèle rouennais d'une culture "en région" totalement subventionnée dont les propositions nous tombent sur la tête depuis les cieux olympiens d'une prescription parisienne mondialisée plutôt standardisée et normalisée par l'idéologie progressiste dominante au moyen de labels prestigieux octroyés par un Ministère de la Culture qui n'a plus financièrement les moyens de dorer sur tranche ces titres ronflants, ne fonctionne visiblement pas...

Et on a envie de dire: tant mieux!

Car, au risque d'ouvrir un nouveau "Clochemerle", il nous faut constater, en revanche, que le modèle musical et lyrique caennais, fonctionne plutôt bien voire très bien!

Pourquoi?

1) Parce que les planètes financières des collectivités territoriales sont parfaitement alignées pour défendre et valoriser le Théâtre de Caen: de la ville à la région en passant par le département et la communauté urbaine, tout le monde y va de son écot... Sans aucune fausse note!

2) Car à Caen, depuis des années, grâce à des politiques publiques locale suivies et concordantes, il existe, un véritable "concert local" qui rayonne fédérant, les musiciens, les artistes, le public, les professeurs, les élèves et parents d'élèves d'un Conservatoire "à rayonnement régional" doté, lui-même et c'est rare, d'un orchestre symphonique de professeurs jouant, désormais, à un excellent niveau sous la baguette du chef inspiré Nicolas Simon (l'assistant de François-Xavier Roth) proposant sa propre saison de concert en lien avec celle d'un Théâtre de Caen qui prend soin de trouver un bon équilibre entre les expérimentations esthético-idéologiques que nous savons car il y a un public pour ça et, pour le plus grand nombre ou pour un public plus familial,  la transmission sans trahison des plus belles oeuvres de notre patrimoine musical et lyrique européen.

3) Car à Caen on défend clairement le patrimoine musical et lyrique normand en programmant les oeuvres de compositeurs normands tant à l'orchestre du Conservatoire que sur la scène du Théâtre de Caen qui a, par exemple, le projet de monter, d'ici deux à trois ans, l'opéra "La Cabréra" de Gabriel Dupont, un magnifique compositeur et pianiste né à Caen à la Belle époque.

4) Car à Caen, enfin, depuis 1986 grâce à une idée originale de Robert Weddle, un musicien et organiste anglais, il existe une Maîtrise de jeunes garçons et de voix d'hommes qui propose tous les samedis midi en période scolaire des concerts gratuits très appréciés par le grand public qui découvre ou redécouvre, à cette occasion, Jean-Sébastien Bach, Mozart, Vaughan-Williams, Pergolèse ou le compositeur normand André Caplet, grâce à une coopération parfaite entre la Ville et communauté urbaine de Caen, le Conservatoire et le Théâtre de Caen.

Le modèle caennais est donc, un bel exemple local "d'élitisme pour tous" en matière musicale:

A méditer... Outre l'eau!


 

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Lire le communiqué de presse:

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 Lire le communiqué de presse diffusé par le Maire de Rouen, président de la métropole de Rouen Normandie (03/02/23):

Il faut sauver l'Opéra de Rouen ! | Métropole Rouen Normandie (metropole-rouen-normandie.fr)

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Lire aussi dans la presse quotidienne régionale:

L'opéra de Rouen contraint de fermer, Nicolas Mayer-Rossignol lance un appel à l'État | 76actu

L'opéra de Rouen contraint de fermer, Nicolas Mayer-Rossignol lance un appel à l'État

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En raison de contraintes budgétaires, l'opéra de Rouen a annoncé jeudi 2 février 2023 une fermeture pour six semaines. Nicolas Mayer-Rossignol a écrit à la ministre de la Culture.

[Article mis à jour jeudi 2 février 2023 à 20h37] 

Mauvaise nouvelle pour les habitués de l’opéra de Rouen. L’établissement culturel va fermer ses portes pendant six semaines en raison de contraintes budgétaires. L’annonce a été faite jeudi 2 février 2023 par voie de communiqué à la suite de la tenue d’un conseil d’administration.

Pour « sauver » l’opéra, le président de la Métropole et maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, annonce ce jeudi soir avoir interpellé par écrit la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak.

À lire aussi:

« Un coup de massue » 

L’opéra de Rouen Normandie précise qu’ « en dépit des efforts constant de rationalisation et des économies […], les équilibres budgétaires nécessaires à un maintien de l’ensemble de la programmation n’ont pas pu être atteints ». Cette solution intervient « afin de préserver au mieux l’activité de la rentrée 2023-2024 ».

Une source syndicale interrogée par 76actu a indiqué : « C’est un coup de massue pour les salariés même si des bruits courraient depuis plusieurs jours déjà. »

Nicolas Mayer-Rossignol en appelle au gouvernement

Dans son courrier à la ministre de la Culture, le président de la Métropole Rouen Normandie juge la situation de l’établissement culturel « extrêmement préoccupante ».

L’Opéra de Rouen Normandie est confronté depuis 2018 à des difficultés financières, aggravées par la crise énergétique actuelle.

Nicolas Mayer-Rossignol Courrier à la ministre de la Culture

Nicolas Mayer-Rossignol « confirme [son] souhait de proposer » aux élus de la Métropole − deuxième financeur de l’opéra, à hauteur d’1,7 million d’euros annuels, derrière la Région (7,6 millions) − d’accroître la contribution financière métropolitaine « à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros par an ».

Toutefois, « la Métropole ne saurait évidemment produire seule les efforts nécessaires au rétablissement de la situation financière », ajoute l’édile, car « elle n’en a tout simplement pas les moyens ».

« C’est pourquoi j’en appelle à votre soutien pour contribuer, avec nous, à sauver l’Opéra de Rouen Normandie, écrit le maire à la ministre. Un tour de table mobilisant, au-delà de la Région et de la Métropole, l’État ainsi que les Départements de la Seine-Maritime et de l’Eure, permettrait de sortir de l’impasse actuelle et de dégager rapidement des perspectives. »

Plusieurs dates annulées

En attendant que de nouveaux financements soient trouvés, « c’est un déchirement pour nous que de devoir renoncer à certaines créations dans les prochains mois et, plus encore, de suspendre les dispositifs participatifs patiemment développés pour permettre au plus grand nombre de goûter aux joies de l’opéra », regrette Loïc Lachenal, directeur général de l’Opéra de Rouen Normandie.

Suite à cette annonce, l’opéra de Rouen a détaillé la liste des prochains concerts annulés :

  • l’opéra participatif Cendrillon ou le Grand Hôtel des songes, programmé du 1er au 5 avril ;
  • la création française de The Convert programmée les 4 et 6 mai ;
  • les Notes gourmandes « Contes en musique » du 12 avril ;
  • les concerts Cordes Dansantes des 13 et 14 avril ;
  • les Notes gourmandes « Ouvertures » du 3 mai, ainsi que le concert de musique de chambre ;
  • Souvenirs et métamorphoses du 7 mai.

Les spectateurs ayant déjà acheté un billet seront contactés pour proposer un report des billets sur un autre spectacle ou bien directement leur remboursement. « Cette dégradation de l’activité implique que 15 000 spectateurs dont 12 000 enfants seront privés de ces programmations », détaille l’opéra de Rouen. 

La saison culturelle sera relancée les 12 et 13 mai 2023 par les deux orchestres normands (l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie et l’Orchestre Régional de Normandie), réunis sur le plateau du Théâtre des Arts.


Lire, aussi, sur le site de Paris-Normandie cet article plus informé:

Problèmes de budget, désaccords politiques : l’Opéra de Rouen annule des représentations - Paris-Normandie

Problèmes de budget, désaccords politiques : l’Opéra de Rouen annule des représentations

Un communiqué de presse annonce l’annulation de six spectacles entre le 1er avril et le 7 mai 2023 et la fermeture de l’Opéra de Rouen pour six semaines. En cause, une trésorerie exsangue pour un budget déjà fragile. En creux, les collectivités se renvoient la balle concernant la crise.

Six spectacles, entre le 1er avril et le 7 mai, tout simplement rayés de la programmation. L’Opéra de Rouen a fait savoir jeudi 2 février 2023, par un communiqué de presse, que la situation financière de la structure lui impose une fermeture de six semaines « afin de préserver au mieux l’activité de la rentrée 2023-2024 ».

En cause, « la fragilisation budgétaire de l’établissement régulièrement évoquée au conseil d’administration depuis plusieurs années conjuguée au contexte inflationniste des derniers mois » et ce « en dépit des efforts constants de rationalisation et des économies encore récemment réalisées par l’Opéra comme de la pleine mobilisation de la Région Normandie et de l’État », continue le document, omettant de citer un autre de ses financeurs : la Métropole Rouen Normandie.

Commentaire de Florestan: c'est normal et légitime que le communiqué de presse de l'Opéra régional de Rouen omette ce qui n'a pas lieu d'être pris au sérieux...

Lire aussi: Les salariés de l’Opéra de Rouen dénoncent des bas salaires

Financement tripartite déséquilibré

Au-delà d’une fermeture, plutôt malvenue quand Rouen fait campagne pour être Capitale européenne de la culture en 2028, le débat se déplace sur le plan politique.

L’établissement public de coopération culturelle (EPCC) est financé majoritairement par la Région (à 80 %) puis par la Métropole Rouen Normandie et par le ministère de la Culture. « Depuis 2015, ce mode de fonctionnement n’a jamais été remis en cause, garantit Catherine Morin-Desailly, en charge de la Culture. Au contraire, nous avons augmenté notre engagement. Mais dans le même temps, celui de la Métropole a diminué… »

Lire aussi:  Rouen capitale européenne de la culture en 2028, la présélection connue en mars

« On est sur une structure qui représente 2,60 € par habitant de la Métropole, pointe encore Catherine Morin-Desailly. Metz, c’est presque 35 €. Bordeaux, 20 €. Ce n’est pas un problème conjoncturel, c’est une crise structurelle. La Métropole Rouen Normandie doit réajuster son investissement dans la structure dont bénéficie, chiffres à l’appui, ses habitants : 61 % des billets sont achetés par des personnes vivant dans la Métropole et la structure génère 4,7 millions d’euros d’impact économique pour ce territoire. » Selon la conseillère régionale, le geste demandé couvrirait le trou dans le budget d’1,7 million d’euros.

Commentaire de Florestan: pour une fois, nous serons d'accord avec Madame Morin-Desailly... Comme quoi tout arrive! 

Nicolas Mayer-Rossignol : « Il n’y a pas d’argent magique ! »

Directement incriminé, Nicolas Mayer-Rossignol, joint par téléphone, réagit : « Cette fermeture, c’est une catastrophe. On alerte sur ce déficit depuis 2018. Et je le dis et le redis, la Métropole est tout à fait disposée à faire un effort. Mais pas seule. » Il fait les comptes : « La Métropole, c’est 1,7 million d’euros de financements en tout. J’aimerais beaucoup que la Métropole puisse injecter un million d’euros comme ça. Il n’y a pas d’argent magique et il y a d’autres structures qui sont intégralement soutenues par la Métropole et la Ville et ce ne serait pas normal. » Pour le maire de Rouen et président de la Métropole, le procès qui lui est fait n’est pas juste : « On prend notre part. Mais quand l’État nous met un label Théâtre lyrique d’intérêt national – avec un cahier des charges coûteux – sans mettre de financement supplémentaire, il faut aussi s’interroger », rappelle-t-il, indiquant avoir déjà adressé un courrier au ministère de la Culture sur ce point. « Et, il y a quelques années, les départements de l’Eure et de Seine-Maritime étaient aussi dans le financement de l’Opéra… », note-t-il, invitant l’EPCC à remettre des chaises autour de la table. « D’autant que personne ne dit rien quand Rouen et la Métropole assument presque exclusivement tout ce qui a trait à “Rouen, Capitale européenne de la culture 2028” qui aura pourtant des retombées pour toute la région si nous l’obtenons. »

Commentaire de Florestan: autant on peut, pour une fois, entendre l'habituel crin-crin désagréable du Nouveau Maître de Rouen sur un label de "Scène Lyrique Nationale" attribué par le Ministère de la Culture sans les financements qui devrait aller avec... Autant, sur le reste, c'est "l'hôpital qui se fout de la charité"... Comme d'habitude!

Entre la fermeture et la fusion des orchestres, « la double peine »

Pour les musiciens et le personnel administratif de la structure, c’est la douche glacée. « Pour nous, entre cette crise et la future fusion des orchestres, c’est la double peine », fulmine Philippe Bajart, timbalier et délégué FO des musiciens. « Il semble que la direction veuille nous mettre en chômage partiel mais nous sommes dubitatifs. En tant qu’établissement public de coopération culturelle, cela avait déjà été compliqué au moment du Covid »pointe Nicolas Musset, contrebassiste, également syndiqué.

Lire aussi: Le projet de fusion de l’Opéra de Rouen et de l’Orchestre régional inquiète

« Surtout, on ne comprend pas pourquoi, alors que le problème budgétaire est connu depuis longtemps, la direction a continué de faire comme si nous étions avec le vent dans le dos ! Les surcoûts, on les connaît ; les spectacles déprogrammés à cause du Covid et reprogrammés coûte que coûte, on n’a pas compris ! » S’il ne sait pas encore comment la crise va les toucher, le musicien regrette le choix des spectacles barrés de la programmation : « Notamment l’opéra participatif : c’est un an de travail pour les scolaires notamment… Quelle image cela renvoie ? »


 

Commentaire final de Florestan:

Cela renvoie une image de manque de sérieux, d'incompétence et de panne d'un "service public de la Culture" pour ceux qui y croient encore...

Plus profondément, cela renvoie aussi à l'idée d'un symptôme de plus en plus diagnostiqué et partagé par nos concitoyens:

Il y a un pays formel, officiel, institutionnel largement, grassement, subventionné par nos impôts qui ne fonctionne pas bien et qui ignore, sinon méprise, un pays réel qui a pris l'habitude de fonctionner plutôt bien, loin, bien loin de ces instances formelles parasitaires, en se débrouillant par ses propres moyens.

Ne dit-on pas qu'en France, "on subventionne ce qui ne marche pas et on taxe ce qui marche?"