Une idée pour le millénaire normand de 2027: Et si on faisait une "Cité de l'Histoire normande" en Normandie?
Billet de Florestan:
L'Histoire, avant d'être déconstruite par le doute et dans le soupçon, est d'abord faite pour être racontée afin de susciter la contemplation, l'admiration, la méditation et la réflexion pour qu'elle soit transmise aux jeunes générations.
L'historien François Guillet, un élève d'Alain Corbin, nous a appris que dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Normandie est, peu à peu, considérée comme un musée d'art et d'histoire a ciel ouvert en raison du prestige historique, institutionnel, juridique et culturel de l'héritage médiéval normand puis anglo-normand: les premiers aventuriers du tourisme culturel moderne étaient ces jeunes Anglais issus d'une gentry soucieuse de ne pas oublier ses racines et ses origines et qui débutaient leur grand "tour d'Europe" par une visite du berceau de l'une des principales civilisations qui forgèrent l'Occident: le XIIème siècle fut le siècle normand.
On peut même dire qu'à l'orée même de l'aventure géopolitique normande ouverte avec l'installation dans les boucles de la Basse-Seine des "Hommes du Nord" emmenés par Rollon ou l'arrivée des réfugiés Norvégiens d'Irlande dans le Cotentin et le Bessin, la nécessité de raconter tous les faits épiques de l'époque avec un minimum d'objectivité fut toujours présente: avec l'histoire des actes et moeurs des ducs de Normandie écrite dès le Xème par le chanoine Dudon de Saint-Quentin ou avec la broderie du "Telle du Conquest" conservée depuis toujours, ou presque, à la cathédrale de Bayeux, la Normandie produit depuis ses origines des... monuments historiques qui la racontent pour en conserver la mémoire.
La Normandie est donc, depuis plus mille ans, un objet historique parfaitement conscient de lui-même.
La Normandie est, par conséquent, la terre bénie des érudits, la terre d'élection des historiens, des archéologues, des archivistes et autres chartistes et cette conscience s'avivera d'autant plus dans les années vingt et trente d'un XIXe siècle traumatisé par l'expérience révolutionnaire qui va être fasciné sinon hanté par la question des origines et de l'identité:
Avec Arcisse de Caumont, la Normandie devient même pionnière du régionalisme français moderne, un régionalisme à la normande, c'est-à-dire fondé non pas sur de vagues sentiments ou de fausses mythologies mais sur un rapport lucide, rationnel à la vérité historique qui est celui d'un héritage civilisationnel dont l'ampleur dépasse largement le cadre national français.
Avec un tel héritage, une telle histoire, la Normandie devrait être, dans une France qui doute d'elle-même et qui s'inquiète légitimement de son avenir, la région française de l'Histoire où tout peut être l'occasion d'une transmission et d'une éducation aux leçons historiques.
Alors que les notions de transmission et d'héritage sont attaquées par une idéologie brutale et frontale partout présente dans nos nations occidentales démocratiques en tant que prêt-à-penser de soi-disant élites qui ne veulent plus penser, nous pensons que la Normandie qui, dans sa longue histoire, a toujours répondu présente à tous les grands moments critiques de l'Histoire de France- pensons une fois encore au rôle de la résistance normande en juin 1944-, doit à nouveau jouer son rôle, sinon être à la hauteur de sa mission chevaleresque en tant que territoire placé sous le haut patronnage de l'archange Michel depuis plus de mille ans...
La Normandie n'est pas une "passion triste".
La France en doux déclin depuis des décennies, voit son effondrement s'accélérer: le ressentiment, le pessimisme et l'inquiétude dominent l'opinion. Nous nous aimons plus et entre la haine de soi et la haine des autres, le chemin de crête devient celui d'un funambule sans talent ni compétence puisque l'institution scolaire est aussi en crise. La souveraineté s'est évaporée du côté de Bruxelles et le déni du réel programme le pilotage automatique des gouvernements. Comme la Nature a horreur de vide, les cyniques et les opportunistes nous imposent la fausse solution de tous les remplacements, à commencer par le remplacement démographique. Quelques lanceurs d'alerte se lèvent néanmoins pour évoquer un "déclin délibéré" ou un "suicide français" et on lit, parfois, la vérité dans les romans de certains écrivains qui sont grands de n'avoir jamais reçu le prix Nobel.
Faut-il attendre une nouvelle crise historique pour prendre conscience qu'il nous faut être, d'urgence, les acteurs d'un redressement national?
Les Normands ayant conscience de vivre dans le béton de la reconstruction d'admirables villes historiques bombardées en 1944 au nom de la Libération de tous de l'enfer nazi vous répondent avec force par la négative. Il faut agir dès maintenant!
La Normandie se doit de jouer un rôle majeur dans le redressement de la France: son rôle est méta-politique, sinon moral, situé dans l'ordre des symboles et des valeurs qu'il faut transmettre d'urgence, à nouveau, aux jeunes générations face à l'invasion de multiples "soft power" étranges sinon étrangers à ce que nous sommes encore et qui sont tout sauf... "doux"!
La Normandie doit transmettre l'Histoire, son histoire qui est suffisamment riche, prestigieuse et édifiante pour qu'elle soit considérée comme une voie d'accès à l'universel occidental qui est, et doit encore être, celui de croire en la dignité exceptionnelle d'une personne humaine, de foi et de raison, couronnée de grâce.
Elle le fait déjà, avec beaucoup d'engagement, pour ce qui est de transmettre le récit des grands événements de l'été 1944, qui est celui du martyre normand pour la Liberté de l'Europe, grâce au Mémorial de Caen, le pélerinage de piété sur les cimetières, monuments et sites du Débarquement et le projet de transmettre cette histoire dans une logique d'éducation populaire à l'aune des nouvelles technologies numériques proposé par les Canadiens d'"Hommage aux héros", projet toujours en discussion, pour le meilleur et le pire, du côté des marais de Carentan...
Ce dernier exemple est édifiant, il est même assez triste tant il en dit long sur le nihilisme idéologique qui nous ronge car le débat public qui vient de se clore à propos du projet de créer près de Carentan un spectacle d'Histoire sur l'été 1944 en Normandie avec tous les moyens scéniques, numériques et immersifs d'aujourd'hui selon les principes de la "public history" autrement dit, une éducation populaire au savoir et à la mémoire de l'Histoire, a fait l'objet de violentes critiques de la part des redoutables dévots d'une moraline mélangeant pacifisme, écologisme, humanisme et anti-capitalisme sous prétexte de dénoncer une entreprise privée de raconter l'Histoire que d'aucuns voudraient nous priver au nom de leur idéologie.
Face à ce terrorisme intellectuel et moral, les nouvelles méthodes de transmission de l'Histoire via une éducation populaire renouvelée par les nouvelles technologies d'aujourd'hui, sont portées par des initiatives privées qui s'inspirent de réalisations déjà existantes aux Etats-unis, Canada ou dans le Nord de l'Europe, tous ces pays qui sont bien plus pragmatiques et moins idéologiques que nous en France où l'Histoire demeure une guerre de Religion ouverte en... 1793. En conséquence, les institutions officielles de la République, les élus des collectivités territoriales se tiennent encore prudemment à distance de ces initiatives de peur d'être cloués au pilori médiatique après une fulmination des inquisiteurs du monde universitaire qui lisent ou écoutent la sainte parole du Monde, de Libération ou de France Inter.
Le parc d'attraction dédié à l'Histoire du Puy-du-Fou au coeur de la Vendée a ouvert la voie, en pionnier, depuis 1977, pour le meilleur et le pire...
C'est à la Normandie, la région la plus historique de France de prendre le relais avec une démarche plus approfondie et réfléchie:
C'est pourquoi, nous vous présentons l'idée que nous avions déjà partagé avec certains d'entre vous de proposer à la Région Normandie de parrainer et de financer la création d'un spectacle immersif à partir des technologies numériques actuelles qui aurait pour thème une déambulation dans la chronologie d'un millénaire normand ou plus: de 911 à la Réunification, par exemple.
Ce spectacle pourrait être créé à l'occasion du millénaire normand de 2027 consacré à Guillaume le Conquérant.