Billet de Florestan:
Vers un reconfinement cet hiver, crise énergétique aidant ?
Il suffit qu'une poignée de grévistes de la CGT ou de FO refusent, depuis quinze jours, de charger les camions se présentant aux portes de la raffinerie Total de Gonfreville-L'Orcher en amont du port du Havre où travaillent quelques 1600 salariés pour réclamer, non sans légitimité, une augmentation de 10% d'un salaire somme toute relativement confortable (environ 2500€ par mois pour le salaire de base sans les primes d'intéressement pour 31 heures par semaine) à un mois des négociations salariales internes au groupe Total Energies dont le patron vient de s'octroyer 50% d'augmentation pour porter son salaire annuel à 10 millions après avoir annoncé quelques 10 milliards de profits exceptionnels en juillet dernier... Pour qu'un tiers ou presque des stations-services de France soient à sec car l'exemple de la raffinerie normande a fait tâche d'huile dans les sept autres raffineries du pays donc cinq sont possédées par le groupe Total Energie.
Au- delà de cette crise des carburants opportuniste nichée au coeur de la crise énergétique que ce gouvernement incompétent n'a pas vu venir, s'impose à tous cette évidence normande: notre région est la région française des énergies tant pour la production d'électricité (le nucléaire) que pour le raffinage des produits pétroliers. Les raffineries normandes de la vallée de la Seine (Gonfreville-L'Orcher pour Total et Notre-Dame-de-Gravenchon pour Exxon) produisent, en effet, 30% de l'essence distribuée en France.
Revue de presse...
(Texte de Xavier Oriot, Ouest-France Caen)
REPORTAGE. En Normandie, avec deux raffineries à l’arrêt, des stations-service sont à sec
Les deux plus grandes raffineries françaises, TotalEnergies et Exxonmobil, toutes les deux basées en Normandie, sont à l’arrêt en raison d’un mouvement de grève pour l’augmentation des salaires. Conséquences : les premières stations Total sont en rupture de gazole et de sans-plomb.
La station Total de Rogerville (Seine-Maritime) est la plus proche de la raffinerie TotalEnergies, basée à Gonfreville-l’Orcher, mais elle n’est pas épargnée pour autant. La file de voitures et de poids lourds s’allonge. « Depuis vendredi, je n’ai plus de sans-plomb 95 et 98, prévient, désolée, la pompiste derrière sa caisse. Et je ne sais pas quand je serai réapprovisionnée.
Plus radical : les stations Total Perrey sur le front de mer au Havre et celle à l’entrée de ville sont fermées. Depuis vendredi, pour la première. « Il n’y a que la station de lavage qui est en service » , confirme le gérant.
À Équemauville (Calvados), près de Honfleur, le garage Goulain a scotché un mot sur la pompe : « Suite à une grève sur les raffineries, nous n’avons pas été approvisionnés en carburant. Nous espérons un retour à la normale, mercredi 5 dans la journée. » À Honfleur et Beuzeville, les pompes sont enveloppées du bandeau « hors-service ». À Port-Jérôme, c’est la station Esso qui manque de gazole.
Lire aussi : REPORTAGE. « On fait le tour de la ville » : la difficile quête de carburant dans les statio ns Total à Caen
« Un effet de panique »
À Caen, au garage Crapart, boulevard du Maréchal-Juin, le gérant voit les clients défiler, et ses réserves se vider. « Depuis septembre, on est entre 20 000 et 30 000 l, soit un camion par jour. En temps normal, c’est un camion tous les deux à trois jours. Ce matin, j’en ai eu un de 36 000 l de gasoil. Il va être vide ce soir », déplore Thierry Crapart. La raison : avec sa ristourne de 20 centimes par litre de carburant, Total est devenu « moins cher qu’en grandes surfaces . Maintenant, avec les grèves dans les raffineries, il y a moins de camions et un effet de panique. »
À Coutances (Manche), Jean-Pierre Murier, gérant de la station Total, ne déplore pas de pénurie. « Je suis livré tous les deux jours par le dépôt pétrolier de Vern-sur-Seiche à raison de 28 000 voire 35 000 l de carburant par livraison. » Néanmoins, il constate que « la demande est très forte depuis le 1er septembre à cause de la ristourne appliquée par TotalEnergies. 60 % des clients ne sont pas des habitués et prenaient leurs carburants dans les grandes surfaces. »
Raffineries à l’arrêt
Les deux plus grandes raffineries françaises, toutes les deux basées en Normandie (TotalEnergies à Gonfreville-l’Orcher et Exxonmobil à Gravenchon), sont totalement à l’arrêt, depuis jeudi pour la première, depuis deux semaines pour la seconde.
Dans les deux cas, le personnel demande une revalorisation des salaires de 10 % chez Total et de 7,5 % chez Exxon. Sébastien Pichault (FO) et Reynald Prevost, coordinateur FO à Exxon, indiquent que «80 % du personnel est en grève depuis deux semaines » avec un piquet devant la raffinerie et des relèves tous les 3x8.
Exxon produit 11 millions de tonnes de carburant par an. Avec son usine de pétrochimie, qui produit des plastiques, bitume, asphalte, lubrifiants etc., la raffinerie emploie 2 500 salariés sur la zone industrialo-portuaire de Port-Jérôme, sous le pont de Tancarville.
« Nous demandons une augmentation des salaires de 7,5 %. La direction campe sur sa position et reste figée à 5 %, pose Reynald Prévost, alors que le groupe a fait 1 300 millions d’euros de bénéfices au premier semestre. » Sébastien Pichault et Reynald Prevost affirment que leur demande équivaut à « deux jours de production. Là, c’est un mois de manque à gagner pour l’entreprise car il faut une semaine pour arrêter une raffinerie et dix à quinze jours pour la redémarrer. » Les grévistes demandent aussi une prime Macron, exonérée de cotisations, de 4 000 €.
Lire aussi : La grève chez TotalEnergies fait craindre une pénurie de carburants
« Pas de manque de carburant » pour TotalEnergies
Pas de piquet de grève devant TotalEnergie à Gonfreville, première raffinerie française, qui produit un peu plus qu’Exxon avec 12,3 millions de tonnes par an (soit 20 % de la capacité de raffinage de la France) et emploie 1 600 CDI. Selon la direction, une hausse des salaires de 3,5 % a déjà été octroyée en janvier. Il faudra quatre jours pour redémarrer la raffinerie.
Malgré la fermeture des stations-service, TotalEnergies continue d’affirmer qu’« il n’y a pas de manque de carburants car nous avons constitué des stocks et procédons actuellement à des imports réguliers ».
(Commentaire de Florestan: parmi ces imports de produits raffinés on trouve du diesel en provenance de... Russie)
Le pétrolier assure que « malgré les mouvements sociaux, le réapprovisionnement de nos stations se poursuit dans le contexte de l’opération de baisse des prix. Nos équipes restent mobilisées pour faire face à cette demande plus élevée que d’habitude et continuent de réapprovisionner le réseau grâce à des moyens logistiques supplémentaires. »
L’entreprise veut rassurer les automobilistes : « Il n’est pas nécessaire de se précipiter en station car la baisse des prix proposée est effective jusqu’à la fin de l’année. »
Mardi 4 octobre 2022, les deux conflits sociaux étaient partis pour durer. Chez Exxonmobil, les grévistes votaient à l’unanimité la poursuite du mouvement.
Gonfreville-l'Orcher. La CGT refuse la proposition de TotalEnergies qu'elle qualifie de "chantage"
Mouvement social. Les relations entre TotalEnergies et la CGT sont au point mort. La direction du groupe appelle à nouveau, cet après-midi du lundi 10 octobre, les syndicats à la négociation… sous conditions.
La coordination des syndicats CGT de TotalEnergies a perçu cette proposition comme "un chantage" qui "ne garantit en rien la satisfaction des revendications exprimées et donc la reprise du travail. Pour preuve, la grève en cours chez nos camarades d'ExxonMobil/Esso illustre la faiblesse des propositions des directions des multinationales pétrolières face aux demandes légitimes exprimées sur le terrain".
Lundi 10 octobre après-midi, TotalEnergies a réitéré sa proposition : "Ces négociations doivent permettre de définir comment ces salariés pourront bénéficier, avant la fin de l'année, des résultats exceptionnels générés par TotalEnergies, tout en prenant aussi en compte l'inflation de l'année 2022. Il n'y a donc aucune raison de maintenir des blocages. Il est temps de laisser place à une négociation institutionnelle dans un climat apaisé."
Réponse de la CGT : "TotalEnergies essaie d'imposer une suspension de la grève avant toute réunion de négociation. Chaque jour sur le terrain, la CGT constate un fort mécontentement et une totale perte de confiance des salariés dans la volonté de TotalEnergies de partager les richesses créées, et donc de négocier un accord à la hauteur de ce qu'ils réclament."
En 2022, les salariés ont obtenu une augmentation moyenne de + 3,5 % en retour des résultats de l'année 2021 (dont l'inflation s'élevait à 2,8 %). Comme l'a fait Esso France, TotalEnergies a donné les niveaux de rémunération moyenne des opérateurs du raffinage chez TotalEnergies en France : "5 000 € bruts par mois, y compris intéressement-participation". Pas de quoi calmer les esprits.
Commentaire de Florestan: ces chiffres sont bien évidemment contestés par les salariés grévistes qui évoquent une moyenne de 2500€ net par mois...
Bolbec. Carburant : le coup de colère d'une grande surface à l'égard des clients
Transport. Le magasin Intermarché de Bolbec a voulu faire passer un message à ses clients, en régulant les horaires d'ouverture de sa station-service durant le week-end.
"Évitez de venir encombrer la station pour 5 euros de carburant. Nous sommes livrés normalement." C'est, en substance, le message qu'a voulu faire passer le magasin Intermarché de Bolbec, samedi 8 octobre. Dans la matinée, il a annoncé que sa station-service serait fermée le midi et qu'elle ne serait ouverte l'après-midi… qu'à compter d'un horaire qui n'a pas été communiqué dans le message posté sur Facebook.
"Trop de personnes stockent dans des jerricans"
"Trop de personnes stockent [de l'essence - N.D.L.R.] dans des jerricans", indique le magasin, soucieux "d'éviter des mouvements de foule et des blocages d'accès au magasin et à la station". C'est en effet le genre d'image qui se multiplie sur les réseaux sociaux ces derniers jours.
Ce dimanche 9 octobre, la station-service du magasin Intermarché Bolbec devrait être fermée toute la journée, annonçait l'enseigne samedi. Finalement, dimanche matin, la station était ouverte mais un panneau indiquait qu'il y avait une rupture de gasoil et de SP98 : seuls le SP95 et le bioéthanol étaient disponibles.
D'autres grandes surfaces cauchoises, à l'instar d'Auchan Montivilliers (qui était en rupture de SP95 et SP98 mais pas de gasoil, vendredi) communiquent sur Facebook des informations relatives à leur station-service. Toutefois, la plupart restent silencieuses sur les réseaux sociaux et les informations circulent entre usagers…
En conclusion de son post, Intermarché Bolbec résume ce qui semble être le ressenti de l'ensemble des grandes surfaces et de nombreux usagers : "Pour le bien de tous et pour le bon vivre ensemble, faisons preuve de bon sens et mettons du carburant si le besoin est bien là, et peut-être qu'il faut limiter vos quantités pour servir tout le monde."
Commentaire de Florestan: le préfet de la Seine-maritime vient d'interdire l'achat d'essence avec des jerricans.
A Notre-Dame-de-Gravenchon, grévistes et non-grévistes se font face:
Citation:
"Je souhaite qu'on redémarre les unités. Il y a un impact très fort de la grève sur nos clients, sur nos résultats financiers et donc sur notre participation à l'intéressement. Ce que les grévistes espèrent gagner, on va le perdre d'un autre côté. Il y a déjà des salariés en chômage partiel chez nos sous-traitants, c'est terrible".
Voir enfin:
https://www.lepoint.fr/societe/en-direct-crise-des-carburants-les-grevistes-ne-cedent-pas-12-10-2022-2493471_23.php?boc=1495835&m_i=NcWNjlNhyFRSpITCVR68snzS0Mo7mlHu5VIMNQiuGU6m_zDj0YIQTRmSVIakk_EL_sjdryUA_wWreyEBUh%2B1FKRugKANNH&M_BT=1013531319637#xtor=EPR-57-[Push-email]-20221012-[Article_1]