Billet de Florestan:
J'étais présent à la réunion publique d'Arromanches le 6 septembre dernier dont le thème était central pour le projet puisqu'il s'agissait de présenter et de débattre du contenu même et non pas seulement de la meilleure façon de poser le contenant dans notre bocage...
Il y avait du beau monde à la réunion et le meilleur monde qui soit car Léon Gautier, ultime survivant du commando Kieffer ayant débarqué le 6 juin à Ouistreham et Charles Norman Shay ayant débarqué le 6 juin sur la plage de Saint-Laurent, étaient présents en personne et ont pris, brièvement, dignement, la parole pour rappeler l'essentiel:
Il est bon que tout soit fait aujourd'hui pour transmettre le flambeau de la mémoire des copains morts ou qui ont souffert en juin 1944 pour notre Liberté d'aujourd'hui (et notre actuel droit constitutionnel et démocratique à la liberté d'expression jusqu'à la bêtise) pour éviter qu'ils ne soient morts pour rien s'ils devaient disparaître dans l'oubli des nouvelles générations.
Il y avait, présent dans la salle, Stéphane Grimaldi, le directeur du Mémorial qui n'a pas souhaité intervenir (et c'est dommage), mais aussi Tristan Lecocq, inspecteur général de l'Education Nationale qui a peut-être trop parlé de sa fonction et n'a pas pu assez parler du fond. Il y avait Jean-Luc leleu, prof d'histoire contemporaine à l'université de Caen et co-auteur de l'excellent bouquin "combattre la dictature" qui, hélas, a fait naufrage en faisant le cuistre de service en tant qu'opposé au projet: j'attendais pourtant beaucoup de sa prise de parole... Il y avait l'écrivain breton Yann Queffélec qui a chaleureusement salué le courage normand de l'été 1944 en évoquant les souvenirs de sa famille et qui soutient le projet. Il y avait aussi un général d'armée, seconde section, qui a expliqué l'utilité du projet pour le maintien d'une cohésion nationale en transmettant aux générations futures les actes essentiels des acteurs de l'été 1944 et les valeurs qui vont avec (autrefois, on parlait de la vertu...)
Mais il y avait aussi tous les autres, 200 à 300 personnes présentes avec les opposants au projet et une qualité d'écoute et de respect de la parole qui ne fut pas toujours à la hauteur de la qualité des personnes présentes dans la salle:
En effet, cette soirée fut assez frustrante et irritante... Je pensais avoir une explication claire de la démarche d'histoire publique et de ses méthodes ou enjeux consistant à renouveler avec des moyens modernes ou innovants (par exemple un spectacle multi-médias immersif) la belle et généreuse idée d'éducation populaire, une idée venue de la gauche, précisons-le!
J'aurais aimé en savoir plus sur la façon dont le schéma narratif du futur spectacle est mis en oeuvre: une note provisoire d'architecture de la narration de 30 pages déjà écrites par des auteurs canadiens vient d'être transmise à Tristan Lecocq et à Stéphane Grimaldi.
On aurait aimé en savoir plus, notamment, quant à la doctrine scientifique suivie pour l'inévitable discrimination dans la complexité des faits, la complexité morale, politique, stratégique, tactique, logistique, psychologique, sociale ou culturelle des faits.
Quelle histoire, en effet, raconter?
Celle des vainqueurs, bien entendu, car il s'agissait de vaincre l'enfer du Nazisme mais il faudra, tout de même, évoquer un peu le point de vue, tragique, des vaincus...
Et les Normands qui furent autant acteurs que spectateurs et victimes de cet immense opéra tragique de la Liberté: dira-t-on la vérité toute nue?
A savoir que la résistance normande gaulliste de la France Libre a commencé l'opération "OVERLORD" en sabotant, avec succès, les communications militaires allemandes ce qui a permis le maintien vital des têtes- de- pont établies par nos braves héros venus d'outre la mer et que la résistance normande gaulliste de la France Libre a fini l'opération "OVERLORD" en sabotant, avec succès, le plan militaire américain de mise sous tutelle de la France Libérée (du 14 au 27 juin, de Bayeux à Cherbourg avec François Coulet et Raymond Triboulet et les résistants des comités départementaux de Libération de la Manche et du Calvados)...
C'est en Normandie et grâce au courage des résistants normands que la France a recouvré sa souveraineté sur sa propre terre, par elle-même: De Gaulle le sachant et sachant quels étaient les plans initiaux voulus par Roosevelt pour la France, a toujours refusé de commémorer la date du 6 juin, la date d'un "débarquement anglo-américain" dont le nom de code signifie SUZERAIN en français...
Il faudrait raconter aussi cette histoire- là...
Quel fil rouge suivre ? A la rigueur, c'est le point le plus simple: la Liberté a cheminé depuis les plages normandes jusqu'à Paris et Berlin, mais à quel prix! et en faisant bien des détours absurdes, inutiles, sournois, stupides: ainsi sont les hommes qui ne deviennent grands lorsque, face à la Mort, ils font ce qu'ils estiment être leur devoir.
Dans mon intervention, j'ai dit vouloir espérer que l'on nous épargne, par pitié, un nouveau concours de moraline, que l'on nous épargne une querelle de boutiquiers de la Mémoire, qu'on laisse en paix les morts, qu'on ne les fasse pas parler ou pis, qu'un escamoteur de vétéran n'instrumentalise pas la puissance morale du vétéran survivant présent dans la salle pour défendre telle ou telle position à l'égard des maîtres d'ouvrage: je n'ai, hélas, pas été déçu de ce côté et je ne parle même pas de l'inévitable querelle politicienne enclenchée par quelques professionnels partisans (des "politichiens" pour reprendre le mot du Général de Gaulle) qui ont cru devoir mener une guerre de proxy contre Hervé Morin, président de la région Normandie, absent à la réunion mais soutenant le projet.
Les maîtres d'ouvrage ont bien eu du mérite de ne pas perdre patience, de prendre le temps de répondre à toutes les questions et les interpellations y compris en honorant la mauvaise foi la plus monumentale avec la dernière des courtoisies. Et malgré quelques remarques, à la fois critiques et pertinentes, nous avons tous collectivement perdu un temps précieux.
Laurent Beauvais, l'ancien président de région de Basse-Normandie qui s'oppose au projet mais dont j'apprécie la sagesse et la mesure lorsqu'il s'exprime en public a dit, néanmoins, quelque chose d'important:
Le consensus manque sur ce projet alors qu'il porte sur un sujet essentiel d'intérêt général pour la Normandie, les Normands mais aussi pour la France. Le faire-savoir du projet n'a pas été bon et la position officielle de la région à l'égard de cette initiative privée n'est pas claire. En disant cela, Laurent Beauvais ciblait, évidemment, Hervé Morin. Mais ce n'était pas l'objet de la réunion...
Pour toutes ces raisons, je fais les deux propositions suivantes:
Organiser un colloque, séminaire avec débat public à l'université de Caen ou au Mémorial sur le thème de l'histoire publique appliquée à la transmission des mémoires du débarquement de juin 1944 en Normandie: les maîtres d'ouvrage du projet "Hommage Aux Héros" seraient les invités d'honneur de ce colloque destiné à établir un consensus scientifique rigoureux qui permettra enfin de convaincre ou de rassurer ceux qui, sincèrement, ne sont pas encore convaincus par l'évidence de renouveler avec des approches innovantes et contemporaines, la transmission de l'Histoire et de ses mémoires.
Que le pavillon consacré à la Normandie présent dans le futur "village" installé à côté du théâtre mobile et dont la Région sera le maître d'oeuvre, soit dévolu à une pédagogie grand public du lien séculaire de civilisation unissant la Normandie aux pays anglo-saxons dont étaient originaires la plupart des soldats de l'opération "Overlord": ce lien ne date pas de 1944, il remonte même à 1066 et la conquête de l'Angleterre par Guillaume Le Conquérant qui a fait du droit normand la racine de la common law anglaise et de l'actuel droit américain avec des valeurs d'origine normande qui, aujourd'hui, nous sont communes à tous en Occident, à savoir: la Paix, la Liberté et le Droit.
J'ai communiqué récemment à Hervé Morin cette idée pour enrichir le projet d'un pavillon normand pour l'instant dévolu à la seule présentation des savoir-faire régionaux...
Cordialement à tous,
(...)
PS: à ceux qui pensent maladroitement que l'émotion n'a rien à voir avec l'intelligence, Saint Thomas d'Aquin disait:
"Rien d'intelligent n'existe dans la raison qui n'ait d'abord séjourné dans le coeur."
en n'oubliant pas de leur préciser quels seront les engagements financiers de la région tant dans la construction que dans le fonctionnement du Ddayland?
à titre personnel, ce n'est pas près de chez moi (auquel cas je serais résolument contre) ni d'un endroit que je fréquente régulièrement, j'aurais tendance à m'en foutre du moment que ça ne finit pas sur ma taxe foncière, en plus, il est fort peu probable que j'y mette un jour les pieds, je n'ai jamais mis les pieds dans le machin de la liberté ou je ne sais quoi à Caen, même quand ils racolaient auprès des enseignants en offrant des visites gratuites et guidées, une allergie aux salles fermées en dehors des obligations de service avec les élèves.