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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
24 avril 2022

Bretons et Normands: l'invention des clichés régionaux pour les touristes du Second Empire...

On partage avec vous cet article proposé par Ouest-France qui, pour une fois sur le sujet sensible de nos chauvinismes respectifs de Normands et de Bretons, apporte une information équilibrée et intéressante puisqu'il s'agit de faire l'archéologie des clichés qui affublent encore aujourd'hui pour le meilleur et le pire les Bretons et les Normands...

Ces clichés se mettent en place dans une communication et une diffusion de plus en plus efficace à destination des touristes qui, à partir du Second Empire, sont de plus en plus nombreux à visiter nos deux belles provinces: dans les guides de voyage de l'époque, les considérations essentialisantes à caractère ethnologique vont se multiplier afin d'aider le touriste parisien à bien comprendre et à bien distinguer entre les différents types d'autochtones: le cliché colonial n'est pas loin...

Bien entendu, derrière cette belle variété pittoresque, folklorique ou ethnologique de nos provinces aujourd'hui idéologiquement condamnée, il y avait des réalités sociales, économiques, politiques, culturelles ou religieuse: par exemple, le goût du Normand pour la chicane et la procédure ne provient pas d'une quelconque originalité ethnique mais de l'héritage institutionnel et culturel de l'ancien droit normand qui offrait de nombreux moyens de défense à la personne privée.

Quant au goût prononcé des Bretons pour la boisson, n'allons pas y voir une quelconque preuve de celtitude arrosée à la cervoise mais plutôt une habitude enracinée depuis plusieurs générations à l'assommoir alcoolique pour supporter la misère noire dans un petit peuple rural breton longtemps privé du complément de ressources d'une économie maritime régionale sans cesse perturbée par la guerre entre la France et l'Angleterre de Louis XIV à Napoléon 1er: ce petit peuple breton trouvera d'ailleurs de l'ouvrage et enfin un peu d'aisance en migrant vers les grandes villes portuaires normandes (Cherbourg, Le Havre et Rouen) ou vers Paris...


 https://www.ouest-france.fr/bretagne/des-normands-braves-des-bretons-calmes-et-tetus-dans-les-guides-de-voyage-il-y-a-150-ans-6887207

Des Normands « braves », des Bretons « calmes et têtus » dans les guides de voyage il y a 150 ans

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Des guides anciens de la Bretagne et de la Normandie décrivent les sites et les villes à voir, mais parfois aussi leurs habitants… De quoi sourire et faire grincer des dents aujourd’hui. Cinquième volet de notre série au fil des pages des guides de voyages d’avant 1914.

Des plans de villes qui ont depuis changé, des textes surannés, des publicités qui proposent des grands hôtels avec chauffage central, des séjours en sanatorium ou des machines à écrire de voyage… Ouvrir un ancien guide de tourisme sur le Bretagne ou la Normandie, c’est remonter le temps au fil des pages, dans des bourgades ou au pied de monuments qui nous sont familiers.

Ces petits livres débutent parfois par un descriptif des habitants des régions visitées. Et là, ô surprise, pour le contemporain du XXIe siècle, on y parle des Bretons et des Normands en termes pas piqués des hannetons ! Voire déplacés, avec nos yeux d’aujourd’hui.

Le Breton est « l’un des meilleurs marins du monde »

L’édition de 1914 du guide Joanne (Hachette), consacré à la Bretagne, est rédigée par Paul Gruyer. Extrait : « Les Bretons qui ont conservé parmi les races françaises un type physique et un caractère moral si particuliers, semblent descendre d’un mélange de Celtes et de Kymris, nations d’origine indo-germanique, profondément modifiées ensuite par des immigrations diverses, principalement anglo-saxonnes. »

« Kymris » est le nom donné à des Gaulois, dont l’origine remonterait à des peuples anciens du nord et de l’est de l’Europe selon des historiens du XIXe siècle qui s’attachaient à décrire les différents Gaulois. Un terme qui n’est plus utilisé.

« Le Breton est calme, énergique, de conception lente et têtue, et l’un des meilleurs marins du monde », poursuit le guide, écrit à la Belle Époque, juste avant la Première Guerre mondiale.

Lire aussi : ENTRETIEN. Qui étaient les touristes en Normandie et en Bretagne il y a 150 ans ?

Des Normands « à la fois forts et braves, livrés à l’industrie et au commerce »

Cinquante ans plus tôt, en 1862, le Guide complet du touriste en Normandie (édition Lanée), emmène les visiteurs de l’autre côté du Couesnon. Le chemin de fer se développe. C’est l’époque de Napoléon III. Victor Hugo s’est exilé à Guernesey.

L’auteur, un certain E. Tessier, dresse le portrait des Normands, dans un chapitre intitulé « Caractère, mœurs et coutumes ». « À la fois forts et braves, livrés à l’industrie et au commerce, les Normands possèdent au plus haut degré cette sagesse prévoyante et caractéristique qui, en leur faisant pressentir les événements leur permet d’en tirer parti ou de se plier aux circonstances quand la nécessité l’exige. »

Un peu plus loin, le texte évoque aussi « la réputation de beauté dont jouissent les femmes de certaines parties de la Normandie ». Et de citer Bayeux et surtout Granville, dont l’auteur décrit les femmes avec un lyrisme désuet, voire déplacé aujourd’hui. Et de conclure : « En général, la femme normande brille au physique par la richesse de sa carnation, et au moral par l’intelligence plutôt encore que par la vivacité de l’esprit. Cependant disons bien vite que les exceptions à cette règle sont loin d’être rares en Normandie. »

Des réponses de Normand, une langue celte

Et voilà les habitants de Normandie également dépeints avec une image qui leur a longtemps collé à la peau : « Bien loin d’avoir la faconde du Méridional ou la volubilité légère du Parisien, l’habitant des campagnes semble ne lâcher qu’à regret chacune de ses paroles, et préparer les mots suivants, en prolongeant certains sons outre mesure. On prétend même que l’affirmation et la négation brèves, vulgarisées par les syllabes oui et non, ne lui échappent jamais sans avoir été précédées de nombreux alentours et d’interminables périphrases. » Il serait donc déjà question ici de la fameuse réponse de Normand, aussi symbolisée par l’expression « p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non ».

En Bretagne, le guide Joanne de 1914 souligne que les Bretons ont conservé « à l’ouest de Saint-Brieuc et de Vannes » leur « langue primitive, parlée jadis par les Celtes et que l’on retrouve au pays de Galles, en Irlande et en Haute-Écosse ». Il assure qu’il en existe « quatre dialectes principaux ».

« Malgré les progrès de l’instruction, il n’est pas rare de rencontrer dans les campagnes des femmes qui ignorent encore le français, soit qu’elles ne l’aient jamais appris, soit qu’elles l’aient oublié », poursuit l’auteur.

Le guide liste ensuite quelques mots pour aider les touristes à comprendre les noms de lieux : « penn » (tête), « gwen » (blanc), plou (lieu, endroit, peuple), men (pierre), bihan (petit), etc.

En Bretagne, la population « dense », et dont la natalité la supérieure à celle du reste de la France, est « disséminée en une foule de hameaux ou de maisons isolées, perdues dans les landes, les vallons, les champs ou les bois, et il n’est pas rare de ne rencontrer que 300 à 400 habitants dans les bourgs qui sont chefs-lieux de canton et en comptent administrativement plusieurs milliers », souligne le guide.

L’alcoolisme breton et des Normands procéduriers

Les deux guides évoquent quelques traits négatifs. En Bretagne, c’est l’alcoolisme. Il fait « de terribles ravages et les « débits », tant dans les ports côtiers que dans le moindre village, sont innombrables ».

Sur la Normandie, E. Tessier s’attarde sur le prétendu « goût prononcé de la population pour les procès ». « La cour de Caen » se distinguerait par « un nombre considérable d’affaires ». À Pont-l’Évêque (Calvados), « une borne mal alignée, une branche brisée, une poignée d’herbe arrachée, suffisent souvent pour soulever d’onéreuses constatations », écrit l’auteur.

Lire aussi : Trouville, Dinard, Le Conquet… À quoi ressemblaient les vacances à la mer il y a 150 ans ?

Des costumes encore portés

Au XIXe et au début du XXe siècle, les tenues vestimentaires se distinguent, encore un peu, d’une région d’une autre. Ce qui retient l’attention des deux auteurs.

« Le costume national breton est encore conservé dans un certain nombre de régions surtout pour les femmes, qui restent du moins fidèles à leurs coiffes, variant avec chaque contrée, souvent avec chaque bourg. On trouvera les plus jolies dans les cantons de Pont-Aven, de Rosporden et de Fouesnant, où elles ont de grandes ailes blanches et s’accompagnent de collerette plissée. La coiffe de Pontivy est des plus typiques et, faite d’étoffe noire, ressemble à une toque de juge ou d’avocat. »

Et d’ajouter : « Mais les coiffes et les costumes les plus singuliers de la Bretagne se rencontrent à Pont-l’Abbé, le pays des « Bigoudens », et à Plougastel-Daoulas. »

Le guide résume et conseille : « C’est en allant vers le Finistère et dans certaines parties du Morbihan (Baud, île aux Moines) que l’habillement a le mieux conserver son originalité. Enfin, c’est toujours le dimanche, à la sortie de la grand’messe ou au moment des « pardons » que l’on verra les plus beaux spécimens. » Plusieurs pages donnent les dates de tous les pardons de Bretagne.

Dans le Guide du touriste en Normandie, les costumes des Normands sont décrits comme « à la fois curieux et pittoresques », même s’ils ont perdu « de leur cachet primitif ». Il faut aller au fond des campagnes pour voir les vêtements « pleins d’originalité ». Il décrit la « blaude » (blouse) des hommes, bleu foncé quand elle est neuve, puis qui passe par toutes les couleurs avec le temps. « Le dimanche et les jours de marché, ils la coulent par-dessus une redingote, dont ils ont soin de laisser dépasser les pans. Ceci est de la dernière élégance », écrit l’auteur, peut-être un brin ironique.

« Dans le sud du département de la Manche, on voit différents costumes très curieux et bien dignes d’un autre âge. Par exemple les Mortois (habitants du Mont-Saint-Michel – [Sic, – Montois]) s’affublent pour venir à la ville d’un manteau de laine grossière, et dissimulent dans ses plis les filets qui contiennent le produit de leur pêche », ajoute le guide.

Il est question des coiffures des femmes, variées au XIXe siècle. « Du bonnet de coton », affreux et « ridicule » porté à Bayeux, Caen mais surtout à Falaise au « bonnet d’une coquetterie indescriptible des Granvillaises », en passant par ceux aux dimensions « extravagantes » dans certains coins de la Manche.

Lire aussi : « Rien n’est plus majestueux » : comment les touristes découvraient La Hague il y a 150 ans

Le cidre, la boisson des deux régions

E. Tessier consacre aussi quelques pages à décrire les mariages « gigantesques » en Normandie, accompagné de « repas pantagruélique » et de farces faites par les convives aux mariés. Puis il se penche sur les foires et assemblées. Dans un champ, « de longues tentes en grosse toile, pourvues d’abondantes provisions, et laissant voir d’énormes tonneaux à cidre […] sont dressées sur les côtés du terrain ». Le cidre est servi « dans de vastes puchés (vases en verre) ». Et « les belles paysannes » tiennent tête à leur mari, « en trinquant fréquemment ».

En 1903, la 12e édition du guide pratique Conty consacrée à la Normandie prévient d’ailleurs les voyageurs : « En Normandie, où le cidre est la boisson du pays (on en sert à discrétion dans la plupart des hôtels), le vin n’est presque jamais compris dans le prix brut de la pension ni dans le prix du repas, ce qui grossit les frais de dépense. »

En Bretagne aussi le cidre est « la boisson nationale », selon le guide Joanne de 1914. « Mais il manque parfois à partir d’août si l’année a été peu abondante en pommes et devient « dur » à partir de septembre : il s’améliore facilement alors avec un peu de sucre. » Il est servi dans les hôtels de Saint-Malo « dans le but évident de compter le vin en supplément ». Ce qui n’est pas le cas dans d’autres villes où la boisson semble être au choix.

L’écriture d’une histoire nationale

Johan Vincent, historien spécialiste du tourisme, à l’UFR Esthua de l’Université d’Angers, livre un peu de contexte sur cette époque. « Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on est en plein dans le temps de la création d’une « histoire nationale » avec les grands chantiers de Napoléon III. Il va faire chercher où se trouve Alésia et faire des fouilles poussées à Gergovie pour retrouver l’histoire des Gaulois et donc leurs liens avec le peuple celte. On essaie de retrouver « les races », les peuples en France, car il faut caractériser chaque province par quelques éléments. »

« C’est aussi l’émergence de l’histoire comme discipline scientifique », ajoute Johan Vincent.

Cette curiosité pour la période gauloise et pour « l’histoire des provinces » est à lier aux grandes modifications du XIXe, siècle de la révolution industrielle : « Le monde est en train de changer. On se dit que le monde rural disparaît, qu’il faut en conserver les traces avant que tout soit uniformisé. »

Lire aussi : « Des fjords qui rappellent la Norvège » : que visitait-on à Belle-Île-en-Mer il y a 150 ans ?

Des figures régionales folklorisées

Des figures régionales vont être dépeintes. « Généralement, on se penche sur la situation actuelle, puis on l’historicise, on la déplace dans l’histoire en disant que les populations qu’on fréquente ont toujours été comme ça. Ces figures folklorisées se développent au cours du XIXe et on arrive au début du XXe siècle avec des types, qui sont caractérisés pour chaque province de France. »

Ce processus de « caractérisation » définit des archétypes. « L’image du brave marin breton se développe au cours du XIXe siècle avec l’industrialisation des ports. L’alcoolisme aussi avec la difficulté de certains métiers qui font que certains plongent dans l’alcool pour les supporter. La figure du Breton ethnographiée mêle un peu des deux. » Et les Normands sont décrits comme prudents, taiseux, malins et procéduriers.

« Le tourisme s’empare de tout ça à cette époque », note Johan Vincent. Les guides de voyages sont le reflet de ces discours. Des cartes postales sont éditées pour montrer ces types. « Ces aspects seront ensuite critiqués parce qu’ils ne correspondent plus à la mentalité de la société. »

Quant aux guides de l’époque, passées ces quelques pages de présentations, ils se consacrent aux plages, aux villes balnéaires, aux sites historiques, aux églises ou aux monuments.

Lire aussi : « Le tram arrive par la digue » : Le Mont Saint-Michel et ses touristes il y a 150 ans

 

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