Billet de Florestan:
Depuis que le régime républicain s'est définitivement établi en France, l'usage va croissant de nommer nos lieux publics du nom de personnalités dont nous sommes ainsi appelés à honorer et à commémorer la mémoire selon l'idéologie dominante du moment...
Après avoir honoré les pères fondateurs du régime Républicain avec les Gambetta, les Ferry et tous les autres Jules, après avoir honoré les grands écrivains avec Hugo ou nos grands militaires de la Première guerre mondiale avec Foch et Clémenceau ou encore rendu grâce à Jeanne d'Arc notre sainte nationale qui réconcilia sous le drapeau tricolore ceux de la chapelle et ceux qui n'en étaient pas... Après avoir communié au souvenir de nos résistants, de nos fusillés et déportés de la Seconde Guerre mondiale, la dernière mode idéologique en cours dans notre religion républicaine française nous vient des Etats-Unis avec cette fameuse vague "woke" qui déferle maintenant ici en important ici des considérations idéologiques sur le racisme, le colonialisme ou l'égalité des sexes qui ne concernent pas notre histoire française et qui percutent notre héritage républicain.
C'est ainsi que nous avons à Caen dans la ville fondée par Guillaume Le Conquérant, une rue à la mémoire de Rosa Parks alors que nous aurions pu avoir une rue de la "Charte aux Normands" qui, dès les années 1315, édictait les bases juridiques d'un état de droit moderne.
A Rouen, la dernière lubie idéologique d'une gauche progressiste oubliant certaines réalités est à la féminisation des noms de rue pour faire droit au militantisme de quelques néo-féministes minoritaires mais qui deviennent majoritaires par une habile pratique du terrorisme intellectuel. Bien entendu, il y a probablement la nécessité à une plus grande visibilité symbolique des femmes dans l'espace public de nos villes même si nos néo-féministes de gauche ont du mal, pour d'évidentes raisons idéologiques, à voir l'évidence: la principale artère du centre-ville de Rouen est dédiée à Jeanne d'Arc... Enfin passons!
Même si sur le sujet de l'égalité entre les hommes et les femmes il y a, objectivement, quelques urgences à régler, on peut convenir que rebaptiser des rues avec le nom de femmes plus ou moins célèbres n'est pas la principale solution à ces urgences. Mais s'il convenait, malgré tout, de donner à nos rues des noms de femmes, l'évidence, sinon un certain bon sens, serait de privilégier nos femmes célèbres normandes plutôt que de nous infliger une inconnue ou une célébrité militante qui ne parlera qu'à certaines militantes.
A Caen, nous n'avons toujours pas de place ou de rue Charlotte Corday: on se demande bien pourquoi !
A Rouen, la mairie progressiste (ne disons plus "socialiste" ou de "gauche") veut absolument sa rue ou sa place "Gisèle Halimi"...
On pourrait, finalement, penser à quelqu'un d'autre...
Lire, ci-après, le communiqué de presse du Cercle Normand de l'Opinion à Rouen:
LA SYMBOLIQUE DES NOMS
Disserter sur l’attribution des noms donnés aux rues ou aux places, ce n’est pas discuter du sexe des anges comme en 1453 à la veille de la chute de Constantinople. Ni même faire fi d’événements extérieurs tels que la pandémie du Covid ou l’affreuse guerre civile des Russes (Grands Russes de Moscovie, Russes Blancs de Bélarus, Ukrainiens de la Petite Russie)
Mais, comme l’on dit souvent en ces cas extrêmes, la vie quotidienne continue. « The show must go on ».
Ce n’est donc pas une raison pour que, plus ou moins subrepticement, des doctrinaires imposent des changements de noms (Cavelier de La Salle par Anne Sysvestre dans une école… La Varende évincé par Simone Veil dans un collège rural… Les Vikings expulsés par Jules Verne dans un lycée… Etc.) ou proposent des noms de personnalités « politiquement correctes », c’est-à-dire correspondant aux engouements et lubies du moment. Les affinités doctrinales ne sont pas les meilleurs arguments pour dénommer des lieux ou des établissements. Il faut, en tous lieux et en tous temps, rechercher un certain consensus, non seulement par les contemporains, mais aussi pour les générations à venir, sachant bien que, malgré la bonne volonté, on ne peut contenter tout le monde.
Un consensus s’impose actuellement : il faut donner la part qui lui revient à l’élément féminin dans le choix des noms de notre environnement. Affirmons sans crainte d’être démentis qu’il y a une injustice à réparer — et elle est multicentenaire ! — : trop de femmes célèbres n’ont pas été honorées comme il le faudrait dans l’attribution des noms de rues, de places ou dans la statuaire.
Dans cet esprit, nous ne pouvons qu’approuver la volonté de la municipalité rouennaise de donner des noms de femmes célèbres aux nouvelles voies de la Capitale normande. Mais, à notre avis, une condition préalable s’impose : l’adéquation entre la geste de la personnalité que l’on veut honorer avec le lieu ou l’histoire de la ville ou de la région.
Deux exemples se présentent à nous :
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Il est question de donner un nom à la station de métrobus proche du Palais de Justice, siège de la Cour d’Appel, qui fut l’écrin du Parlement de Normandie, de sa création au début du XVIe siècle jusqu en 1789… Le monde de la magistrature ou de la basoche ne regorge pas, avant le XXe siècle, de figures féminines mémorables… Aussi lorsque la Normandie – Rouen par conséquent – peut s’enorgueillir d’avoir en Charlotte Béquignon-Lagarde la première femme magistrate française, première agrégée de Droit en 1922, à l’âge de 31 ans, il nous semble qu’il convient de lui rendre l’hommage qu’elle mérite… « Il faut baptiser plus de lieux de justice au nom de femmes pour faire réémerger ces grandes figures emblématiques » (Gwenola Joly-Coz, présidente du T.G.I. de Poitiers).
- Parmi les héroïnes de la Résistance normande dont il convient de garder le souvenir (parce qu’un livre récent de G. Zeller vient de nous en faire la révélation) le nom de Violette Szabo, qui mourut à Rawensbruck après son arrestation à Rouen où elle coordonnait un important réseau. Sa vie héroïque et son martyre justifieraient pleinement qu’elle fût honorée dans la titulature d’une nouvelle rue, dans le futur écoquartier Flaubert, par exemple…
Voilà des propositions « signifiantes ». Il y en a d’autres à faire. Ne jamais perdre l’objectif de magnifier le souvenir de personnalités locales ou ayant eu un rapport avec un épisode de l’histoire normande : tel doit être le chemin à suivre.
Club C.N.O. de Rouen-Rive droite
le 8 mars 2022