Billet de Florestan:
La confiance est totalement rompue entre la Russie, l'Ukraine, les Etats-unis, la France et l'Allemagne... Au soir du 22 février 2022 dans une allocution télévisée, Vladimir Poutine, le président russe, a confirmé une série de décisions qui revient à envoyer promener les accords de Minsk de 2015 et, partant, le fameux cadre de négociation de la crise dit de "Normandie" qui était l'un des rares outils réellement utiles pour trouver une solution définitive à cette crise.
Pourquoi cette décision de Poutine?
Parce que le fin calculateur qu'il est a jugé qu'il avait plus à gagner en jetant une provocation de plus sur le terrain de la confrontation qu'à revenir à la table des négociations dans le cadre des accords de Minsk de 2015 qui prévoyaient le respect de l'intégrité territorial de l'Ukraine par la Russie en échange de l'arrêt de toute avancée de l'OTAN et donc de l'armée américaine vers le coeur du territoire russe:
Ce donnant / donnant mis en oeuvre par les utilités française et allemande, après la mémorable discussion au château de Bénouville en Normandie à l'occasion des festivités internationales du 70ème anniversaire du Débarquement, n'a pas été respecté du côté occidental et américain ou du côté ukrainien:
Depuis 2015, l'OTAN n'a cessé d'avancer vers la Russie et les pays limitrophes (pays baltes et Pologne ou Roumanie) s'impliquent militairement de plus en plus avec les Etats-Unis, avec à la clef, de juteux contrats d'armement pour l'industrie militaire américaine. Quant à l'Ukraine, sa demande d'adhésion à l'OTAN est pendante depuis 2008 mais les Américains y ont augmenté sensiblement leur influence notamment sur le terrain de l'industrie militaire. Par ailleurs, les gouvernements de Kiev n'ont cessé de remettre en cause les droits culturels et sociaux de la minorité russophone de l'Ukraine orientale alors qu'ils s'y étaient engagés dans ces fameux accords de Minsk.
En conséquence, il est difficile de continuer à jouer à un jeu dont les règles changent tout le temps et où certains joueurs ont plus de droit que les autres: les Américains et les Occidentaux sont, en général, de bien mauvais donneurs de leçon en matière de respect du droit international avec l'habituel "deux poids deux mesures" dont ils font preuve. Le Kosovo vaut bien l'affaire de la Crimée et on n'a guère entendu les pleureuses occidentales lorsque l'Azerbaïdjan a annexé un morceau d'Arménie historique, en septembre 2020, avec le soutien militaire actif de la Turquie...
Désormais, face au double jeu occidental pitoyablement illustré par Emmanuel Macron et son fameux "et en même temps", Poutine met une pression maximum en reconnaissant, ce soir, les provinces russophones séparatistes du Donbass avec la question de ne pas escalader jusqu'au sommet de la crise, à savoir une guerre de "haute intensité" qu'aucun acteur de cette crise ne désire, à commencer par la Russie...
C'est pourtant simple à comprendre: il suffit de regarder une carte... Tant que la Russie n'aura pas acquis la claire et rassurante certitude que jamais l'Ukraine ne fera partie de l'OTAN, la Russie aura intérêt à entrer dans une guerre d'usure diplomatique et territoriale avec les Américains, guerre d'usure faite d'enfumages réciproques, de coup de com ou d'attaques non conventionnelles notamment contre le réseau internet ou encore, de chantage énergétique gazier qui fonctionne plutôt bien avec les Allemands pour les raisons que nous savons.
D'ailleurs sur ce point précis très sensible, Washington fait savoir ce soir que les Etats-Unis, en guise de rétorsion contre Moscou, pourraient bloquer la mise en service du gazoduc Nordstream 2 qui relie la Russie à l'Allemagne par la mer baltique: la France a donc bien de la chance d'avoir encore ses centrales nucléaires et confirmation est faite que les écologistes sont des idiots utiles dangereux !
En conséquence du bellicisme anti-russe des Américains, le prix du gaz va exploser car les importations de gaz de schiste américain ou de gaz naturel venu du Golfe persique par voie maritime ne seront pas suffisantes pour remplacer l'absence du gaz naturel russe en Europe.
Par ailleurs, les Etats-Unis menacent d'utiliser leur fameuse justice extra-territoriale contre toute entreprise d'un pays européen qui serait en affaires sur le marché russe: l'objectif est de reconstruire en Europe un "rideau de fer" plus loin vers l'Est. Les Allemands apprécieront!
Macron grand duc des cocus!
Dans cet échec lamentable, à savoir, la mise à la poubelle par Moscou du format "Normandie", Macron est en large partie responsable car il fut, ces derniers jours, le dirigeant occidental qui s'était le plus impliqué auprès du président russe pour tenter de résoudre cette crise en lui proposant la reprise du format de négociations Normandie sur la base des accords de Minsk quitte à instrumentaliser la crise internationale pour s'en servir comme d'une utile rampe de lancement pour les prochaines élections présidentielles en France...
Poutine a laissé venir et dire un président français, à la fois vantard et naïf qui a cru qu'il lui était possible d'avoir le beurre russe, l'argent du beurre américain et le cul de la crémière ukrainienne: le gamin Macron n'a toujours pas compris que dans une négociation internationale on ne saurait jouer sur tous les tableaux en faisant, "en même temps", tout et son contraire, par exemple: causer au téléphone avec Poutine tout en participant à des manoeuvres militaires américaines en Roumanie.
La duplicité ne saurait être... transparente ou spectaculaire: Poutine le sait parfaitement et Macron apprend à jouer aux échecs, et ce, dans tous les sens de ce mot...
Le constat est rude: la France a été littéralement sortie du grand jeu diplomatique mondial !
A lire sur le site du Point:
Ukraine : la Russie va reconnaître les séparatistes prorusses
À l'issue d'un conseil de sécurité, Poutine va reconnaître les séparatistes prorusses, selon le Kremlin. Il enfreint, de fait, les accords de Minsk.
Vladimir Poutine va reconnaître l'indépendance des séparatistes prorusses d'Ukraine. « Un décret en ce sens sera signé sous peu », a indiqué la présidence russe. Selon la même source, Vladimir Poutine a informé de cette décision son homologue français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, médiateurs dans le conflit de l'Est ukrainien, et ceux-ci ont, selon le Kremlin, « exprimé leur déception ».
Cette annonce intervient à l'issue d'un conseil de sécurité au cours duquel le Premier ministre Mikhaïl Michoustine, les ministres des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et de la Défense Sergueï Choïgou, l'ex-président russe Dmitri Medvedev, ou encore les chefs des services de renseignements et des chambres du Parlement se sont exprimés devant le président russe. La plupart ont estimé que le temps était venu de reconnaître ces régimes séparatistes, dont la Russie est accusée depuis huit ans d'être le parrain.
« Une rupture unilatérale » des accords de Minsk
Le secrétaire du Conseil de sécurité, Nikolaï Patrouchev, et le patron du Renseignement extérieur, Sergueï Narychkine, ont quant à eux jugé qu'il fallait donner à Kiev une « dernière chance » de mettre en œuvre les accords de Minsk. Vladimir Poutine avait estimé plus tôt dans la journée que les accords de paix de Minsk sur le conflit opposant l'Ukraine à des séparatistes prorusses n'ont aucune perspective de mise en œuvre, accusant Kiev de les saboter. « Nous avons bien compris qu'ils n'ont absolument aucune perspective », a-t-il dit.
Quelques minutes avant la prise de parole du président russe, le chancelier allemand Olaf Scholz a affirmé, à l'issue d'un entretien téléphonique avec Vladimir Poutine, que la reconnaissance de l'indépendance des régions séparatistes par Moscou serait « une rupture unilatérale » de l'accord de Minsk. Ce texte, négocié en 2015 sous médiation franco-allemande, prévoit le retour des territoires séparatistes sous le contrôle de Kiev, moyennant des élections et une autonomie. Mais l'Ukraine exige au préalable le retrait des séparatistes armés contrôlés par la Russie. La reconnaissance de la souveraineté de ces régions rebelles marque donc la fin du processus de paix et Moscou prendrait alors officiellement sous son aile les territoires concernés. Une réunion d'urgence se tiendra lundi soir entre les chefs d'État allemand, français et ukrainien, et Emmanuel Macron tiendra également un conseil de défense dans la soirée.
Ukraine : Macron « condamne » fermement la décision de Poutine
Vladimir Poutine a annoncé avoir signé des « accords d'amitié et d'entraide » avec les séparatistes, s'attirant la colère de la communauté internationale.
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Vladimir Poutine a reconnu l'indépendance des territoires séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine. Il a signé dans la foulée des accords « d'amitié et d'entraide » avec ces territoires.
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Le président français Emmanuel Macron a convoqué dans la foulée un conseil de défense et de sécurité nationale, qui s'est tenu à 19 heures, pour examiner la situation entre l'Ukraine et la Russie, a annoncé l'Élysée. A l'issue de ce dernier, Emmanuel Macron a réclamé des sanctions ciblées contre la Russie.
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L'Union européenne a dénoncé la reconnaissance de l'indépendance des régions séparatistes par Moscou comme une « violation flagrante du droit international » et va réagir « avec fermeté », ont annoncé lundi les chefs de l'UE. L'Otan a tenu des propos similaires, à l'instar des Etats-Unis qui ont, en plus, annoncé des sanctions contre les républiques séparatistes.
Voir aussi:
https://www.lepoint.fr/monde/la-russie-se-sent-encerclee-par-l-otan-21-02-2022-2465669_24.php
https://www.youtube.com/watch?v=uEbDp44LA1o
Pour ceux qui seraient tentés de commenter à l'emporte pièce et de de juger sans savoir. Il est intéressant de tenir compte de la vision et des arguments russes.