Nous partageons le coup de gueule de Bertrand Tierce, le rédacteur de la Chronique de Normandie qui a pris connaissance tout comme nous des analyses de l'APEC et de son délégué régional pour la Normandie au sujet de l'attractivité de notre région quant aux emplois d'encadrement: en dépit d'une conjoncture de sortie de crise favorable, le bilan est inquiétant pour l'avenir.
Comme nous l'avons écrit déjà, dans ce domaine stratégique de l'encadrement comme dans tant d'autres, la Normandie réunifiée continue de traîner aux pieds les boulets du passif de la division régionale, autrement dit, un effondrement normand dans la médiocrité localiste pendant 50 ans qui laisse des traces!
En un mot: quand on aime médiocrement la Normandie, quand on la connaît médiocrement au point de parfois la mépriser avec des préjugés médiocres, on rend la Normandie et les Normands... médiocres!
Ce qui est à lire ci-après confirme ce que nous avons déjà dit ici: les grandes collectivités territoriales normandes, à commencer par les trois grandes agglomérations urbaines de Caen, Rouen ou Le Havre, ne jouent pas assez la Normandie et le seul représentant vivant et actif de la classe politique normande s'appelle... Hervé Morin.
Chronique n°727 (janvier 2022)
Perte d'attractivité, perte d'intelligence...
Les dernières analyses de l'INSEE montrent que la population de la Normandie stagne depuis 2013 et que son poids relatif diminue en France. Elles montrent aussi que les grandes villes sont à la peine, c'est le cas du Havre, et que la Manche et l'Orne sont en "déprise démographique".
• L'INSEE explique que l'atonie résulte de deux phénomènes opposés :
un excédent naturel en baisse (aujourd'hui, les Normands vont plus souvent au cimetière qu'à la maternité) et un solde migratoire négatif : les départs sont plus nombreux que les arrivées. Ceux qui partent sont très "typés", principalement des jeunes diplômés qui, leur cursus achevé, recherchent "une bonne situation" ailleurs, à Paris notamment.
Commentaire : ce n'est pas nouveau, mais le phénomène s'amplifie. Avec Bourgogne-Franche-Comté, la Normandie est l'une des deux seules régions françaises à voir sa population diminuer, un constat préoccupant… surtout quand la diminution est aussi celle de l'intelligence.
Regardons les choses différemment. Marc Lesueur, le délégué régional de l'APEC, vient de faire le point sur l'emploi-cadre en Normandie. Il nous apprend que la région retrouve son niveau d'activité d'avant-crise, une bonne nouvelle pour les cadres, "les offres dépassent de 35% le niveau de novembre 2019". C'est positif.
• L'ennui, c'est que les entreprises ont du mal à recruter… beaucoup de mal.
Pas assez de candidats, en particulier dans les métiers à forte expertise technique et plus précisément dans les champs de l'informatique, de l'ingénierie R&D et des fonctions commerciales. L'industrie est la plus touchée, elle recherche des compétences et des talents que la Normandie n'a pas assez : déficit de jeunes diplômés et de jeunes cadres, on l'a vu, beaucoup sont partis, "aujourd'hui, on cherche à attirer des étrangers".
Commentaire : bien sûr, l'APEC encourage les entreprises à accroître leur attractivité, "il faut instaurer un rapport de confiance avec les candidats", mais l'attractivité des entreprises ne suffit pas, il faut aussi améliorer celle des territoires: l'analyse de l'APEC rejoint ici celle de l'INSEE. Pas facile.
Peu d'envie de Normandie. Alençon, Caen, Cherbourg, Dieppe, Évreux, Le Havre, la liste est longue. La quasi-totalité des grandes villes de Normandie perd des habitants au profit des périphéries. Rouen est l'exception : plus 0,5% par an.
• Ici, l'APEC constate que la Normandie n'attire pas les cadres. Pas seulement les territoires ruraux éloignés mais aussi Rouen, Le Havre et Caen : "on n'a pas envie de venir". C'est étonnant et injuste, c'est comme ça.
• Mauvaise image, manque de visibilité, la région vit dans l'ombre portée de Paris ; les initiatives prises pour la promouvoir sur le thème "chez nous, c'est bien !" sont insuffisantes.
Que faire ? Une grande question politique.
Mon commentaire : c'est différent en Bretagne et en Pays-de-Loire, deux régions plus attirantes, demandons-nous pourquoi...
Voilà ce qui arrive quand on ne s'aime pas, on ne donne pas envie aux autres de nous aimer.