C'est à lire sur le site Internet de la Lettre du Musicien:
Fusion des orchestres en Normandie : « C’est un assèchement culturel »
Bertrand Havard, adjoint à la mairie de Mondeville, lance une pétition pour protester contre le rapprochement entre l’Orchestre régional de Normandie et l’Orchestre de l’Opéra de Rouen. Entretien.
Pourquoi avez-vous lancé cette pétition ?
J’ai fait cette démarche en tant que citoyen. La façon dont les choses se passent est très surprenante : la fusion a été annoncée par le président de la Région Normandie, Hervé Morin, à l’occasion d’une répétition qui rassemblait les deux orchestres sans la présence de Pierre-François Roussillon [Directeur général de l’Orchestre régional de Normandie, ndlr]. Je crois que, derrière cette fusion, l’ambition de Catherine Morin-Desailly [Sénatrice de la Seine-Maritime, NDLR], qui est aussi présidente de l’Association française des orchestres, est d’obtenir pour Rouen le label Opéra national. Les premières tentatives de rapprochement remontent à 2018. D’emblée, le but était que les deux orchestres se rassemblent, autour des projets de l’Opéra de Rouen. J’étais déjà intervenue pour contester ce rapprochement, dans lequel Loïc Lachenal, le directeur de l’Opéra de Rouen, décide pour tout le monde.
Que craignez-vous de cette fusion ?
Jusqu’à présent, l’Orchestre régional a toujours eu une souplesse de fonctionnement, des musiciens talentueux mais aussi une grande implication en termes de médiation culturelle. J’ai été conseiller départemental du Calvados et j’ai pu voir comment cet orchestre a irrigué le territoire. Et ça, c’est irremplaçable. J’ai vu les musiciens jouer dans des petites églises à peine chauffées, sans loge. Ils auraient pu refuser de se produire au vu des conditions mais cela n’a jamais été le cas. Ils ont cette envie de s’adapter au public qui est en face d’eux tout en ayant une exigence musicale. Je fais le pari que, si cette fusion a lieu, c’est un assèchement culturelle pour l’ex-basse Normandie. Je mets des clignotants rouge parce je pense qu’il y a vraiment un danger. Par ailleurs, il existe un partenariat très fort avec le théâtre La Renaissance de Mondeville qui partage ses locaux avec l’orchestre. Je crains également que cette fusion ne vienne altérer ce lien.
L’annonce de cette fusion intervient quelques mois après la restitution au ministère de la Culture du rapport sur les orchestres…
Il n’y a pas beaucoup d’endroits en Normandie qui pourront accueillir une si grande formation. Tous les petits territoires mettaient des lieux à disposition qui, à mon avis, ne pourront plus le faire. Cela va complètement à l’encontre du rapport, qui préconise au contraire la création de petites formation telle que celle de l’Orchestre régional de Normandie pour irriguer le territoire et non pas des grands orchestres symphoniques. Nous pouvons nous appuyer sur les conclusions de cette mission orchestre pour s’opposer à la décision de la Région qui est au final un peu passéiste et ne correspond pas aux besoins des territoires.
Commentaire de Florestan:
Ce n'est pas "l'assèchement" de la seule "ex-Basse-Normandie" qu'il faut craindre avec une pareille fusion mais, bel et bien, l'assèchement culturel musical de TOUTE la Normandie rurale et périphérique où l'on trouve de nombreuses petites villes. Au delà, cette fusion des orchestres régionaux normands prend le risque de renforcer l'enclavement des territoires ruraux et périphériques vis-à-vis des trois principales agglomérations urbaines normandes, Caen, Rouen et Le Havre qui sont branchées sur la prescription culturelle officielle, métropolisée sinon mondialisée.
Le cas de la musique classique ou patrimoniale européenne est particulièrement révélateur car au fossé territorial s'ajoute un abîme socio-culturel et générationnel: le public de la musique classique devient très minoritaire, ne concerne de plus en plus que les classes sociales urbaines à la fois les plus aisées et les plus âgées... Ajoutons à cela la double crise sanitaire (celle du virus et celle d'une bureaucratie gouvernementale en folie) qui a vidé les salles de concert de 20 à 40% de leurs spectateurs: le désert musical progresse comme jamais!
A ce rythme, dans moins de vingt ans, y aura-t-il encore des concerts des musiciens et des spectateurs pour la musique patrimoniale européenne si ne sont pas menées de vigoureuses politiques publiques d'éducation populaire dans la profondeur des territoires?
Pour répondre à ce défi qui arrive, pour, littéralement, SAUVER DE LA MORT la culture de la musique classique, il faut un outil adapté et efficace: avec l'Orchestre Régional de Normandie, notre région a la chance de disposer déjà d'un tel outil...
Mobilisons-nous pour éviter le naufrage musical de la Normandie!
Quand la fusion régionale ou académique aboutit au transfert à Caen, Florestan est pour, si ça se fait vers Rouen, c'est mauvais....pour Florestan et les bas normands...😋