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Sire de Sei, la Normandie en toute liberté!
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3 novembre 2021

Avis aux Jacobins de la droite nationale française: les langues régionales sont les vraies racines culturelles de la France.

Billet de Florestan:

Les vraies analyses, les vraies réflexions, les bonnes considérations, les études intellectuellement honnêtes sur l'état de notre pays, de notre société et de notre civilisation sont actuellement portées dans le débat public (ou du moins ce qu'il en reste) à la veille des prochaines élections présidentielles, par la droite souverainiste et nationale. C'est un fait que l'on peut déplorer ou qui peut réjouir ou consoler surtout lorsqu'on voit dans quel état sanitaire déplorable se traîne actuellement la gauche française: une gauche devenue folle comme, autrefois, nos vaches, le progressisme déconstructeur cuisiné au "woke" ayant remplacé la maladie de Creutzfeldt- Jakob...

Cependant, la droite nationale et souveraine, toute à sa grosse besogne de reconquête de l'espace médiatique et politique occupé par la gauche progressiste depuis plus de 40 ans, néglige certaines réalités importantes qui sont indispensables à la reconnaissance et à la défense d'une identité française menacée: on peut parler d'un angle mort et on espère qu'il ne s'agit pas d'un... trou normand!

Cet angle mort ce sont les réalités régionales et provinciales que la droite nationale souveraine de tradition française (c'est-à-dire, pour le dire vite: louisquatorzienne, bonapartiste, gaulliste et, depuis peu, zemmourienne...) peine à remarquercar quand on est centralisé par "la grosse tour du Louvre" depuis Philippe Le Bel ou Philippe Auguste, il semble encore bien difficile pour certains de contempler l'évidence de la belle mosaïque culturelle et historique de la diversité de nos provinces de France ou de constater, bêtement, que Paris c'est la France mais que la France ce n'est pas, forcément, Paris.

La belle conversation courtoise et profonde entre Eric Zemmour et Michel Onfray, il y a quelques semaines au palais des congrès de Paris, organisée à l'initiative de la revue "Front populaire" fondée par le philosophe normand, a bien cerné le dilemme: les souverainistes français ne sont pas des "girondins" et c'est bien dommage!

Dans ce contexte, la dernière tribune proposée par Michel Feltin-Palas sur son blogue tombe à pic!

Exemple magistral donné avec la toponymie... béarnaise:

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 Quand les langues régionales aident à comprendre l'Histoire de France

La connaissance des langues minoritaires est indispensable pour connaître les noms de lieux, lesquels conservent des traces d'événements et de peuplements anciens.
Disons-le d'emblée : une langue n'a aucunement besoin d'être utile pour justifier son existence. Il se trouve néanmoins que les langues dites régionales sont nécessaires dans différents domaines, et notamment quand il s'agit d'éclairer la toponymie. Les noms de lieux, en effet, ont tous une signification, comme chacun peut le constater avec les innombrables "Châteauneuf" ou "Beaulieu" qui parsèment notre pays. En revanche, l'interprétation est plus difficile quand le nom d'une localité renvoie à une langue disparue ou méconnue de ses habitants actuels. Vous me voyez venir ?
Dans le cas de la France, seule une excellente connaissance des langues dites régionales permet alors de décrypter le nom de la localité, de la rivière ou de la montagne à laquelle on s'intéresse et, par là même, de mieux connaître l'histoire d'un site. Et donc celle de notre pays.
Pour ne pas rester trop théorique, prenons - par le plus grand des hasards, évidemment - le cas du Béarn, en nous appuyant sur l'excellent livre de Michel Grosclaude consacré à ce sujet (1) étant entendu, bien évidemment, que les leçons que l'on peut tirer de ce cas particulier valent pour tous les territoires.
·Des appellations archaïques. En Béarn comme ailleurs, une grande partie des toponymes remontent aux temps les plus anciens. La capitale, Pau, installée sur une hauteur, doit ainsi son nom à une racine pré-indo-européenne, pal, qui désigne un "rocher escarpé". De même, Cuqueron est rattaché à une autre racine pré-indo-européenne, kuk, qui signifie "tête, mont arrondi". Et l'on pourrait multiplier les exemples.
· Des ancêtres non pas gaulois, mais "basques". Prononcez à haute voix le nom de ces communes : Lourdios (la commune du député Jean Lassalle), Bidos, Bosdaros, Gelos, Buros. A moins que vous n'ayez sérieusement besoin d'une prothèse auditive, vous aurez remarqué la répétition du suffixe "os". Or ledit suffixe provient de la langue basque, dans laquelle il signifie "lieu" ou "domaine". Mais le Pays basque n'est pas le Béarn, me direz-vous, ce en quoi vous avez parfaitement raison. Alors ? Alors, la fierté que j'éprouve à l'égard de ma petite patrie dût-elle en souffrir, la vérité m'oblige à écrire ceci : les ancêtres des Basques - que César appelait "les Aquitains" - occupaient avant l'arrivée des Romains un territoire beaucoup plus étendu que le Pays basque actuel, y compris la région qui allait devenir le Béarn. D'où lesdites dénominations basques des localités se terminant en "os".
· Pas de traces gauloises. Une autre manière de comprendre que ce sont des Aquitains et non des Celtes qui vivaient ici avant la romanisation consiste à observer les toponymes d'origine gauloise en Béarn. C'est bien simple : on n'en trouve quasiment aucun ! Répétons-le : les ancêtres des Béarnais n'étaient pas des Gaulois, mais des Basques !
· Les Francs n'ont pas eu ici d'influence significative... A quelques exceptions près, comme Bordères, la commune de naissance de François Bayrou (de borde, "ferme, petite maison"), très peu de toponymes béarnais possèdent une origine germanique. Cela distingue très nettement cette région de celles de la moitié nord de la France où foisonnent par exemple les Franconville (Val-d'Oise), Francourville (Eure-et-Loire) et autres Francueil (Indre-et-Loire). Aussi est-on certain que les Francs de Clovis ne laissèrent pas leur marque en Béarn. Il en est de même pour leurs cousins les Wisigoths (qui eurent un temps leur capitale à Toulouse), venus en faible nombre et qui se latinisèrent rapidement.
· ... tout comme les Arabes et les Vikings. Pour les mêmes raisons - passages brefs, effectifs clairsemés -, on ne trouve dans le pays d'Henri IV ni toponymes arabes ni toponymes scandinaves.
· Aucune trace anglaise malgré la guerre de Cent ans... Bien que la Gascogne (à laquelle le Béarn fut un temps rattaché) ait vécu longtemps sous domination britannique, on n'y relève pas de toponymes anglais. A cela deux explications. Un : l'armée dite anglaise était composée pour l'essentiel de seigneurs gascons. Deux : la langue de la noblesse britannique présente en Béarn n'était pas l'anglais, mais... le français (Guillaume le Conquérant oblige) et le béarnais (la forme locale du gascon).
· ... et guère plus de marque française. L'influence française elle-même est ici très limitée. Et ce pour une raison simple que je rappelle à l'intention de ceux qui dormaient au fond de la classe près du radiateur pendant leurs cours d'histoire : le Béarn est resté indépendant de fait jusqu'en 1620. Résultat: son entrée dans le giron national est intervenue trop tardivement pour avoir un impact significatif sur la toponymie locale, à l'exception d'un mouvement épars de francisation. Lasseubetat, par exemple, a remplacé La Saubetat (littéralement "La Sauveté", c'est-à-dire une terre d'asile) ; tout comme Les Eaux-Bonnes ont pris la place d'Aigas-Bonas (2). C'est peu, très peu.
· Une toponymie fondamentalement originale. L'ensemble des manques énumérés ci-dessus (pas ou peu de traces gauloises, germaniques, arabes, vikings, françaises) donne à la toponymie du Béarn un caractère singulier, qui le distingue du reste de la France et même des autres terres de langue d'oc. De fait, la majorité des toponymes du cru ont pour origine... la langue béarnaise (que certains préfèrent appeler gascon ou occitan), laquelle correspond à l'évolution locale du latin. "Castagnède" ? De castanh, le "châtaignier", dérivé du latin castaneum. "Puyôo" ? De poey, la "hauteur", du latin podium. "Lahontan" ? De hont, la "fontaine", du latin fontem. Sans oublier les innombrables "Castetnau", "Castetis", "Castetbon" qui, tous, renvoient à casteth, le "château", du latin castellum (3).
La conclusion en découle. Parce qu'ils conservent des traces de langues et de peuplements anciens qui ne nous sont pas accessibles par les textes - a fortiori quand il s'agit des périodes qui précèdent l'écriture - les toponymes constituent un matériau de premier choix pour les historiens. En toute logique, ils devraient donc être respectés au même titre qu'une urne funéraire de l'époque du bronze ou un vestige de villa romaine.
Disons-le autrement, en reprenant une formule de Michel Grosclaude : "Un toponyme défiguré devrait nous poser autant de problèmes de conscience qu'un sarcophage antique servant de mangeoire à des porcs."
Ce qui n'a pas empêché - 1 exemple entre 1000 - un fonctionnaire inculte de rebaptiser la petite commune de Sendos (probablement "le domaine de Sende", avec le fameux suffixe basque "os") en un improbable Saint-Dos, pourtant inconnu dans les registres de l'Eglise catholique.
Il est vrai qu'en France, l'altérité toponymique gêne. Altkirch en Alsace ? Biguglia en Corse ? Kermoroc'h en Bretagne ? Tous ces noms "étranges" viennent rappeler qu'avant de devenir françaises, ces terres ont connu d'autres époques où d'autres langues, d'autres cultures, d'autres civilisations se sont épanouies. On devrait, me semble-t-il, percevoir cette diversité comme une richesse. Il se trouve que certains, surtout à Paris, y voient surtout les traces fâcheuses d'un passé qu'ils aimeraient voir disparaître. Comme si les peuples qui vivent là avaient tort d'être ce qu'ils sont.
(1) Dictionnaire toponymique des communes du Béarn, Michel Grosclaude, Escòla Gaston Febus.
(2) Je reprends dans cet article la graphie "classique" utilisée par Michel Grosclaude.
(3) C'est là aussi l'origine du nom de notre Premier ministre, que l'on prononce fautivement CasteX alors qu'il devrait se prononcer CasteTCH.

Commentaire de Florestan:
Je suis d'accord que notre Premier ministre soit appelé Jean "Casse tête" car cela conviendrait parfaitement à la politique qu'il tente de mener sous l'autorité de son patron infaillible...
Les considérations toponymiques béarnaises de Michel Feltin-Palas ont trouvé un heureux terrain d'application en Normandie où, grâce à l'action bienveillante du conseil régional présidé par Hervé Morin, une vaste campagne de redécouverte des racines normandes de la toponymie locale est actuellement à l'oeuvre: une centaine de communes ont demandé à pouvoir afficher leur nom dans la graphie tenant compte de la prononciation et de l'étymologie spécifiquement normandes...

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