Les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni ont lancé mercredi un partenariat de sécurité «historique», conduisant Canberra à annuler la commande de plus de 56 milliards d'euros passée à l'Hexagone. Paris dénonce une «décision regrettable».
Les États-Unis, qui cherchent à renforcer tous azimuts leurs alliances face à la Chine, ont annoncé mercredi avec l'Australie et le Royaume-Uni un vaste partenariat de sécurité dans la zone indopacifique, comprenant notamment la livraison de sous-marins à propulsion nucléaire à Canberra. «La première grande initiative de (ce nouveau pacte appelé) «AUKUS» sera de livrer une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire à l'Australie», a dit le Premier ministre australien Scott Morrison, apparaissant en visioconférence, ainsi que son homologue britannique Boris Johnson, lors d'un événement présidé par Joe Biden à la Maison Blanche.
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Conséquence immédiate de cette annonce spectaculaire: l'Australie a rompu un gigantesque contrat passé auprès de la France pour la livraison de sous-marins conventionnels, provoquant la colère de Paris. La France, qui voit un contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros) échapper à son industrie navale, a aussitôt fustigé une «décision regrettable» et «contraire à la lettre et à l'esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l'Australie», selon un communiqué conjoint des ministères de la Défense et des Affaires étrangères.
«C'est une décision contraire à la lettre et à l'esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l'Australie, fondée sur une relation de confiance», a déploré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. «Le choix américain qui conduit à écarter un allié et un partenaire européen comme la France d'un partenariat structurant avec l'Australie, au moment où nous faisons face à des défis sans précédent dans la région Indopacifique (...) marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter», a-t-il ajouté. «La décision regrettable qui vient d'être annoncée (...) ne fait que renforcer la nécessité de porter haut et fort la question de l'autonomie stratégique européenne. Il n'y a pas d'autre voie crédible pour défendre nos intérêts et nos valeurs dans le monde», a poursuivi le ministère.
Une victoire pour Boris Johnson
Il n'est pas sûr que Paris se console avec les propos conciliants de Joe Biden, qui a assuré mercredi que les États-Unis voulaient «travailler étroitement avec la France» dans cette zone très stratégique. Paris «est un partenaire clé» des États-Unis, a-t-il encore dit.
«Le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis vont être liés encore plus étroitement, ce qui reflète le degré de confiance entre nous et la profondeur de notre amitié», a déclaré Boris Johnson, qui engrange là un succès diplomatique certain dans sa stratégie pour éviter l'isolation internationale après le Brexit. «Sur la base de notre histoire commune de démocraties maritimes, nous nous engageons dans une ambition commune pour soutenir l'Australie dans l'acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire», ont fait savoir les trois partenaires dans un communiqué commun, qui précise qu'il s'agit bien de propulsion, et non d'armement.
«Le seul pays avec lequel les États-Unis ont jamais partagé ce type de technologie de propulsion nucléaire est la Grande-Bretagne» à partir de 1958, avait indiqué plus tôt un haut responsable de la Maison Blanche. «C'est une décision fondamentale, fondamentale. Cela va lier l'Australie, les États-Unis et la Grande-Bretagne pour des générations.» Selon ce haut responsable, le pacte «AUKUS» prévoit aussi une collaboration des trois pays en matière de cyberdéfense, d'intelligence artificielle et de technologies quantiques.
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Coup de froid franco-américain
La Nouvelle-Zélande, qui interdit ses eaux à tout navire à propulsion nucléaire depuis 1985, a annoncé que les futurs sous-marins de son voisin et allié australien ne seraient pas les bienvenus chez elle.
La Chine n'a pas été mentionnée dans le communiqué conjoint des dirigeants australien, américain et britannique, qui évoque la «paix et la stabilité dans la région indopacifique». Mais il ne fait aucun doute que la nouvelle alliance vise d'abord à faire face aux ambitions régionales de Pékin. Joe Biden répète depuis son élection qu'il entend se confronter à la Chine, comme son prédécesseur Donald Trump, mais de manière très différente, sans s'enfermer dans un face-à-face. Mercredi, il a ainsi dit vouloir «investir dans notre plus grande source de force, nos alliances» et vouloir «les mettre à jour pour mieux faire face aux menaces d'aujourd'hui et de demain». Le président américain réunit d'ailleurs le 24 septembre à Washington les Premiers ministres australien, indien et japonais pour relancer un format diplomatique, le «Quad», qui végétait depuis plusieurs années.
Quant à Scott Morrisson, il a affirmé jeudi, après l'annonce du pacte Aukus, qu'il lançait une «invitation ouverte» au dialogue au président chinois Xi Jinping.
Mais l'annonce de mercredi, malgré les précautions de langage de Joe Biden, risque bel et bien de jeter un coup de froid sur une autre alliance, avec la France, puisqu'elle a torpillé ce qui était parfois qualifié de «contrat du siècle» pour l'industrie de défense française. Le français Naval Group avait été sélectionné en 2016 par Canberra pour fournir 12 sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire) dérivés des futurs sous-marins nucléaires français Barracuda. D'un montant de 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) à la signature, la valeur de ce contrat est estimée actuellement à 90 milliards de dollars australiens en raison de dépassement de coûts et d'effets de change. Le contrat était sous le feu des critiques depuis plusieurs mois de l'opposition travailliste en Australie, qui dénonçait son coût.
«La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n'est pas un changement d'avis, c'est un changement de besoin», a expliqué jeudi le premier ministre australien. L'industriel français Naval Group a fait part de sa «grande déception». «Le Commonwealth d'Australie n'a pas souhaité engager la phase suivante du programme, ce qui est une grande déception pour Naval Group qui proposait à l'Australie un sous-marin conventionnel de supériorité régionale avec des performances exceptionnelles», a affirmé le groupe dans une déclaration transmise à l'AFP.
Les réactions en Normandie:
Sous-marins de Naval group. Beaucoup de colère après la décision australienne
Après l’annonce, mercredi 15 septembre 2021 en soirée, de rupture du contrat australien pour Naval group à Cherbourg (Manche), les réactions se suivent et se ressemblent… ou presque. La cible n’est pas toujours la même.
Sonnés ce jeudi 16 septembre 2021, par le coup reçu après l’annonce de l’arrêt du contrat australien de la construction de sous-marins avec Naval Group à Cherbourg, les réactions des politiques sont multiples dans la Manche.
L’Australie dans le viseur
Sans surprise, le député LREM Stéphane Travert, proche d’Emmanuel Macron ne cible pas son camp mais plutôt sur l’Australie. « C’est un coup terrible pour notre industrie navale et les salariés du groupe, les collectivités qui ont redoublé d’efforts et d’innovation pour la mise en œuvre du contrat avec l’Australie. Les autorités australiennes devront justifier cette décision. »
« Une remise en cause unilatérale d’un accord passé entre deux États »
L’ancien député-maire PS de Cherbourg et ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, ne veut pas non plus taper sur le gouvernement. « Ce contrat avait été signé au terme d’une négociation longue et bien menée, où nous avions fait valoir nos compétences et références, notre très haut niveau de savoir-faire ». Il condamne « une remise en cause unilatérale d’un accord passé entre deux États » mais refuse de faire le « procès en dénonciation de l’action du gouvernement ».
« Un coup de poignard de l’Australie »
Benoît Arrivé, maire socialiste de Cherbourg-en-Cotentin, parle de « coup de poignard de l’Australie, peut-être aussi des États-Unis » et il s’interroge « beaucoup sur la politique internationale que notre pays mène actuellement, et je l’ai dit au Premier ministre que je viens d’avoir au téléphone ». Il a aussi une pensée pour les familles australiennes accueillies à Cherbourg.
La droite demande des comptes au gouvernement
À droite, on n’y va pas avec le dos de la cuillère. Le président LR de l’agglomération du Cotentin et vice-président de la Région, David Margueritte, tout comme le député LR manchois Philippe Gosselin, demandent des comptes au gouvernement. « J’ai bien entendu la colère du ministre Jean-Yves Le Drian, commente David Margueritte. Mais ce qu’on souhaite surtout c’est que ce gouvernement nous explique le pourquoi de cet échec massif ! » Et il apporte « un soutien humain à Naval Group, à ses collaborateurs et à toutes les familles pour qui c’est évidemment très dur. »
Tandis que le président du conseil départemental de la Manche, Jean Morin, se dit « en colère que quatre ans après on remette en question des accords » et solidaire « des élus cherbourgeois qui réagissent avec véhémence ».
https://www.tendanceouest.com/actualite-387848-rupture-de-contrat-avec-l-australie-reactions-a-la-sortie-de-naval-group-a-cherbourg.html
C'est un coup dur pour les 500 personnes qui travaillent à la conception de 12 sous-marins (non-nucléaires) sur le site de Naval Group à Cherbourg, depuis que son partenaire australien a annoncé mercredi 15 septembre commander des sous-marins nucléaires avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Conséquence : le contrat approuvé avec la France il y a cinq ans est annulé. "On s'était projetés, en tant que prestataires, sur deux, trois années. On était sécurisés. Et là, du jour au lendemain, tout s'annule. C'est un coup de massue sur la tête", réagit un employé qui travaille pour Alten et préfère garder l'anonymat. Néanmoins, son collègue relativise : "On a une boîte bien étendue sur le territoire, donc on va pouvoir retrouver un poste, c'est moins un problème que pour les salariés de Naval Group."
Une surprise "modérée" pour Vincent Hurel, secrétaire général de la CGT : "Il y avait quelques signes avant-coureurs et, quand on choisit le commerce comme axe de stratégie de son entreprise, on prend ce risque."
Certains se demandent où vont aller leurs collègues, qui travaillent depuis cinq ans sur ces sous-marins. Le PDG de Naval Group était attendu dans l'après-midi sur le site cherbourgeois pour rencontrer les équipes. Un déplacement auquel la presse n'était pas conviée.
Naval Group partage sa grande déception
Naval Group a réagi ce jeudi après-midi par voie de communiqué : "Le Commonwealth d'Australie n'a pas souhaité engager la phase suivante du programme, ce qui est une grande déception pour Naval Group qui proposait à l'Australie un sous-marin conventionnel de supériorité régionale avec des performances exceptionnelles", sans compter "des engagements jamais pris par aucun industriel en matière de transfert de technologie, de contenu et d'emplois locaux", ajoute le groupe.
L'analyse des conséquences de cette décision sera menée avec le Commonwealth d'Australie dans les jours à venir, a-t-on appris.
https://www.paris-normandie.fr/id231276/article/2021-09-16/sous-marins-pourquoi-lannulation-du-contrat-du-siecle-est-un-coup-dur-pour-la
Sous-marins. Pourquoi l’annulation du « contrat du siècle » est un coup dur pour la Normandie ?
L’Australie a rompu son contrat de près de 50 milliards d’euros avec Naval Group, a-t-on appris mercredi 15 septembre 2021. On vous explique pourquoi la vente de ces douze sous-marins concerne en réalité bien plus qu’on ne le croit la Normandie.
C’est une annonce qui a fait l’effet d’une bombe dans l’univers économique Français mercredi 15 septembre 2021. Surnommé « le contrat du siècle », le projet industriel, d’un montant de 68 milliards de dollars (56 milliards d’euros), conclu entre l’entreprise tricolore Naval Group et l’Australie en 2016 pour la construction de douze sous-marins à propulsion conventionnelle a été annulé. « c’est vraiment un coup dans le dos. Nous avions établi avec l’Australie une relation de confiance et cette confiance est trahie ». « Je suis aujourd’hui très en colère. Ça ne se fait pas entre alliés », a dénoncé Jean-Yves Le Drian sur France Info au lendemain de cette nouvelle. Mais si cette nouvelle affecte le monde diplomatique et économique français, c’est aussi un réel coup dur pour la Normandie.
Que s’est-il passé ?
En 2016, ce contrat à plus de 50 milliards d’euros avait été présenté comme un indéniable exploit pour l’industrie des armes françaises, mais également comme un succès majeur pour François Hollande et son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
La presse australienne avait laissé fuiter les informations quelques heures avant une déclaration officielle de Joe Biden.
L’Australie a changé son fusil d’épaule et s’est orienté vers une nouvelle collaboration avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Dans une déclaration officielle, le Président Joe Biden (en visioconférence avec Boris Johnson et Canberra) a annoncé que les Australiens avaient choisi de se doter d’une flotte de sous-marins nucléaires d’attaque de conception américaine, sans en préciser le modèle. Il pourrait s’agir de SNA de la classe Virginia dont une vingtaine d’exemplaires sont en service, indique Le Point.
Quelles conséquences pour la Normandie ?
Ces douze sous-marins devaient être construits à Cherbourg-en-Cotentin, en Normandie. « C’est une déception modérée parce qu’on avait un enthousiasme modéré lors de la signature du contrat. Le risque était connu », a déclaré à l’AFP Vincent Hurel, secrétaire général de la CGT Naval Group à Cherbourg. « On attendait la mise en œuvre. Tout ne roulait pas parfaitement », a ajouté le syndicaliste, qui s’est dit « déçu mais pas surpris » et « espère que ce retour d’expérience va faire réfléchir notre direction sur une stratégie sur la vente d’armes ».
Une réaction qui contraste avec celle du maire PS de la ville, Benoît Arrivé qui a dénoncé un « coup de poignard de l’Australie qui interroge sur la politique internationale menée par notre pays ». Pour sa part, il évoque une « vraie déception industrielle et humaine » et « une vraie claque [infligée] à la politique étrangère française ».
« On a la chance d’avoir une vraie embellie pour amortir le choc. J’espère que le plan de charge de Naval Group va permettre d’amortir cette crise », a ajouté l’élu, espérant « minimiser les impacts pour les équipes » du groupe industriel de défense français.
Selon le maire de Cherbourg-en-Cotentin, une centaine d’Australiens étaient accueillis et « parfaitement intégrés » dans la ville, dans le cadre de ce contrat. « Ce sont devenus des amis », a-t-il déclaré. En tout, environ 500 emplois sont actuellement occupés dans des activités liées à ce contrat. L’espoir maintenant pour Naval Group est de se recentrer « sur ses activités de la Marine nationale » et « qu’on cesse cette construction capitalistique sur tout ce qui peut rapporter du profit ».
Depuis cette consternante nouvelle, le gouvernement français fait l'objet d'une risée générale sur les réseaux sociaux:
https://actu.fr/normandie/cherbourg-en-cotentin_50129/quand-les-sous-marins-commandes-par-l-australie-a-naval-group-se-retrouvent-en-vente-sur-leboncoin_44997460.html

Commentaire de Florestan:
L'analyse de Vincent Hurel de la CGT est intéressante. Les activités et les savoir-faire de l'arsenal de Cherbourg sont vitaux pour les intérêts supérieurs de la France: cette activité ne peut être une activité industrielle commerciale comme les autres. Il faut donc se concentrer sur la défense des intérêts de notre pays.
Qu'en pense notre ministre de la défense de la Normandie, Hervé Morin?
Car ça n'est pas la première fois que les Américains recourent à des coups tordus pour s'accaparer un marché de vente d'armes...
Ces gens prétendent être pour la liberté de commerce mais sont les premiers à recourir à toutes les formes de pratiques anticoncurrentielles !...