(Archive de l'Etoile de Normandie - 23 janvier 2018)

Alors que Monsieur Antoine GRUMBACH pérore au sujet de notre avenir sans daigner nous connaître, nous autres Normands, en se croyant "sorti de la cuisine de Jupiter" (Macron ?) pour reprendre le célèbre sketch du clochard analphabète de Coluche, il nous fallait faire preuve de la curiosité intellectuelle qui manque à Monsieur Grumbach pour que les lecteurs de l'Etoile de Normandie soient parfaitement éclairés sur le sujet... Car le sujet d'aménager la vallée de la Seine en aval de Paris n'est pas un sujet vierge qui existe depuis que Monsieur Grumbach a décidé de s'en inquiéter (plutôt mal de notre point de vue): il fut au coeur des réflexions de l'aménagement du territoire  "en région" dans les années 1960, à la belle époque de la DATAR.

Le problème c'est que les innovations de cette réflexion qui auraient pu faire de la Normandie un véritable laboratoire territorial autour d'une nouvelle façon de concevoir le lien entre la ville et la campagne, la relation entre un centre urbain et ses périphéries ou la constitution d'un réseau urbain polycentrique au profit d'une déconcentration qualitative et normande de la macrocéphalie parisienne, n'ont pas été reprises telles quelles par le pouvoir central de l'Etat jacobin: les chiens ne font pas des chats... normands!

Pour nous permettre de redécouvrir cette histoire injustement méconnue, François Gay, doyen de nos géographes universitaires normands nous propose la lecture suivante d'autant plus intéressante à lire qu'il s'agit de son propre témoignage:

http://books.openedition.org/puc/10429?lang=fr

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L’expérience de la Basse-Seine : de la déconcentration à la régionalisation

François Gay

Texte intégral

Mon témoignage n’a d’intérêt qu’à la lumière du temps long d’un historien tourné vers la « géographie appliquée » ou plutôt vers les applications de la géographie à l’aménagement pendant une période de près de cinquante ans. Je m’exprime donc, très modestement, en géographe du terrain régional pour rappeler une expérience personnelle dans un « espace vécu » – la Normandie – comme acteur dans divers cadres : conseiller technique ou scientifique (Mission régionale, Mission d’études Basse-Seine, Agence d’urbanisme de Rouen) ou comme spectateur engagé dans diverses instances (Observatoire régional de prospective, Normandie Métropole, etc.). Cette expérience continue n’a guère été interrompue que par de longs séjours d’enseignement aux USA et au Canada, qui ont permis de prendre le « recul » nécessaire.

Un bilan globalement négatif ?

2On serait tenté, par une sorte d’impulsion iconoclaste ou masochiste, de parler d’un bilan globalement négatif. Comment ne pas évoquer aujourd’hui les fruits, parfois amers, de cette période dans notre domaine : les émeutes des périphéries urbaines d’octobre-novembre 2005 ; les voitures incendiées dans les métropoles normandes, la politique de rénovation ou de réhabilitation qu’il faut maintenant entreprendre dans ces « grands ensembles » qui ont été le triomphe de l’hygiénisme architectural des années 1960-1971 ou même, dans la ville nouvelle de Val-de-Reuil, l’échec de la lutte contre l’urbanisation en nappe que l’on a, à l’époque, tenté de canaliser ou d’endiguer ? Faut-il incriminer certaines défaillances de l’architecture ou de l’urbanisme ou plutôt l’abandon trop rapide d’une politique d’aménagement d’un État démiurge sous la pression du marché et de la priorité donnée à la quête de l’emploi plus qu’à sa meilleure répartition qualitative sur le territoire ?

3On pourrait donc dresser un tableau plutôt décourageant en constatant par exemple que la région Île-de-France en est encore à mettre au point un nouveau « plan » de lutte contre la prolifération urbaine en nappe dont on perçoit de plus en plus les effets pervers en termes de coût environnemental, de développement durable, de migrations alternantes… Ou encore en constatant, avec le recteur Dumont, dans un récent rapport à la DIACT, la situation médiocre, parmi les métropoles régionales « moyennes », de Rouen présentée comme « une lointaine banlieue industrialo-portuaire de Paris ». Quelle déception pour un des participants à l’aventure intellectuelle qu’a été l’élaboration du Schéma d’aménagement de la Basse-Seine (SABS) devenu en 1969 « Directive nationale d’aménagement » ! Comment ne pas déplorer que la « Directive territoriale d’aménagement » (DAT) de l’estuaire, qui est au fond le dernier avatar du projet d’aménagement de l’estuaire du SABS, n’ait été publiée qu’en juillet dernier ? C’est bien lent pour un espace stratégique aussi bien pour la France que pour la Normandie comme le montre Priscilla De Roo dans sa contribution au numéro spécial de Territoires 2030.

Une atmosphère de créativité et d’optimisme

4Malgré ces déceptions, il faut tenter un bilan plus nuancé d’un « âge d’or » qui a au moins mis en évidence des problèmes récurrents – et qui sont loin d’être tous résolus – dans la chaîne d’interactions continues qui va du développement local à l’aménagement puis à la décentralisation institutionnelle et enfin à la régionalisation. À cet effet, il faudrait – pour mieux comprendre espoirs et échecs – tenter de restituer l’atmosphère de créativité et d’optimisme qui a animé les acteurs pendant la période qui va de l’achèvement progressif de la « Reconstruction » (évidemment tardive en Normandie, compte tenu de l’ampleur de la tâche) au reflux, contemporain de l’infléchissement démographique de la France et de la crise économique et pétrolière de 1973-1975.

  • 1 F. Saunier, L’Aménagement de la Basse-Seine de 1940 à 1977, un territoire d’expérience, thèse d’his (...)

5Cette période, comme l’a bien montré Frédéric Saunier dans une thèse d’urbanisme récente1, a permis plusieurs innovations passionnantes : des schémas d’aménagement novateurs (SDAU de Rouen, du Havre, schéma Basse-Seine) ; des expérimentations discutées mais intéressantes (Val-de-Reuil, Hérouville) ; des institutions originales (l’Établissement public Basse-Seine en 1968 ; le parc régional de Brotonne) et, enfin, des tentatives précoces de décentralisation administrative. Tout cela s’est déroulé à l’époque d’un grand préfet, Pierre Chaussade, resté en poste six ans à Rouen. En outre, nous avons participé, sous diverses formes, à des pratiques « d’urbanisme participatif » à Rouen, à Val-de-Reuil, sans doute maladroites ou illusoires parfois, mais aussi bien réelles et qui ont donné des résultats positifs dans certains cas.

  • 2 J.-F. Sirinelli, Les Baby-boomers, la génération 1945-1969, Paris, Fayard, 2003.

6Vue par un témoin engagé à la manière d’une « égo-histoire », cette période fait certes apparaître un effet générationnel bien mis en valeur par l’historien Jean-François Sirinelli dans Les Baby-boomers, la génération 1945-19692. Cela va certainement jouer, en Normandie comme ailleurs, pendant cet « âge d’or » qui fut une époque « charnière » en matière d’aménagement. À Rouen par exemple, beaucoup se sont longtemps référés à « l’époque Chassade » et à son équipe. Elle coïncide avec l’arrivée dans la région, comme aussi à Caen dans une large mesure, de personnalités d’origines diverses, forgées par les épreuves de la guerre, l’expérience algérienne ou celle de l’outre-mer ; jeunes fonctionnaires marqués par « le Plan » ou le passage dans le groupe de la Caisse des dépôts et consignations ; universitaires que le recteur Chevalier à Rouen en poste pendant sept ans incitait à quitter leur tour d’ivoire. Influencés par le passage dans les clubs qui existaient en province, du moins au Havre et à Rouen, à l’instar du Club Jean-Moulin, tous ont été plus ou moins influencés par les idées d’Alfred Sauvy, de Jean Fourastié, de Jean-François Gravier ou des grands commis de l’État (Pierre Massé ou François Bloch-Lainé). Ils ont rencontré les missi dominici de la DATAR ou du Plan. Ils ont affiné leurs idées dans les rencontres annuelles du Conseil national des économies régionales dont Jean Levêque était l’actif militant en Normandie. À Rouen, ce milieu s’exprime dans le Centre d’études d’intérêt public de Rouen et de sa région et sa publication, créée en 1951 : la revue Études normandes.

L’influence du sociologue Michel Crozier

  • 3 M. Crozier, Ma belle époque, Paris, Fayard, 2002.

7C’est le sociologue Michel Crozier qui a le mieux décrit cette atmosphère d’effervescence intellectuelle dans le premier volume de ses Mémoires intitulé Ma belle époque, publié en 20023. M. Crozier a été influencé – comme moi-même à peu près à la même époque – par la « découverte » de l’Amérique très présente dans un port comme Le Havre. Il est en outre significatif que c’est l’équipe Crozier (avec Grémion-Thoenig) qui a le mieux rendu compte des transformations qui ont affecté la Haute-Normandie au temps du préfet Chaussade et des premiers essais de décentralisation administrative.

8Si des sociologues comme Paul-Henry Chombart de Lauwe et Henri Lefebvre nous influençaient dans nos démarches, c’est Michel Crozier qui a le mieux su analyser les tensions entre les structures administratives classiques et les nouvelles « administrations de mission », mettre en évidence les divergences de points de vue entre les « grands corps » (ici surtout les ingénieurs portuaires) et les « jeunes Turcs » formés dans un autre « moule »… L’aménagement en Normandie comme ailleurs ne s’est jamais déroulé comme « un long fleuve tranquille ».

9Une certaine symbiose s’établissait cependant entre ces divers éléments, autour de l’idée de changement. Elle s’appuyait aussi parfois sur des élites locales novatrices, par exemple, au sein de l’université permanente d’architecture et d’urbanisme à Rouen ou au cours de voyages d’études fructueux dans les pays considérés comme des modèles ou des exemples dans le domaine de l’aménagement : la Grande-Bretagne, terre d’élection des villes nouvelles ; les Pays-Bas considérés comme des exemples de planification spatiale ; l’Allemagne Fédérale, qui semblait le mieux maîtriser les problèmes de circulation (Hanovre) ; les pays scandinaves, enfin, pour leurs réussites architecturales et leurs villes satellites.

10Des enseignements en furent aussitôt tirés, par exemple à Rouen (les rues piétonnes) ou à Val-de-Reuil… Les expériences de participation des citoyens à l’urbanisme, si elles étaient issues des idées gaullistes de participation ou des thèses d’un Henri Lefebvre ou d’un Chombart de Lauwe, se nourrissaient aussi des réalisations étrangères. La principale difficulté de leur mise en œuvre – en dépit de longues et animées séances d’information et de discussions dont j’ai gardé le souvenir – était de faire assimiler par un public, même parfois « ciblé » ou spécialisé, la nécessité de dépasser un horizon local familier et d’entrer dans la démarche prospective. À une époque où la « démocratie participative » n’était pas à la mode, la méthode diffusée par Gaston Berger ou Bertrand de Jouvenel avait une audience encore limitée, malgré l’appui d’une presse locale ou régionale très vivante et active dans ce domaine.

11La préoccupation d’aménagement du territoire, malgré le passage trop bref, il est vrai, au ministère correspondant, de deux personnalités normandes, André Bettencourt et Jean Lecanuet, n’était pas aussi diffusée qu’on le pense. Le rôle de ces personnalités et de bien d’autres (d’Ornano à Caen par exemple) était limité à leur fief, laissant la place à ce que Jean Lecanuet appelait les « pesanteurs sociologiques » – la « société bloquée » pour Michel Crozier…

Un bilan nuancé

  • 4 Sur cette appellation d’« âge d’or », voir ma contribution au nª 2-2004 de la revue Études normande (...)

12Au total, le bilan de cette période, que je n’hésite pas à qualifier d’âge d’or4, est évidemment nuancé. Des réalisations positives demeurent : ce sont celles qui ont le plus associé les élus à leur gestion comme, par exemple, l’Établissement public Basse-Seine (EPBS) créé par Pierre Poinsignon et dirigé par des animateurs de valeur comme Pierre Troude après son long passage à la direction de l’Établissement public de la ville nouvelle de Val-de-Reuil. Bel exemple, en passant, de continuité de l’action territoriale régionale ! Certes, les difficultés n’ont pas manqué, en raison de l’affaiblissement du volontarisme territorial. L’EPBS était, avant tout, conçu comme un instrument foncier permettant la réalisation d’un projet partagé par beaucoup : le schéma Basse-Seine. Il a certes dû solder le redimensionnement des ambitions initiales à Val-de-Reuil. Le SABS, pas plus que les autres schémas de structures, n’avait prévu de mécanismes d’ajustement et d’actualisation. L’accent, mis de plus en plus sur la zone de l’estuaire du SABS, supposait un élargissement de l’espace d’intervention. Si ce domaine s’était étendu assez vite vers Caen, l’action de l’EPBS s’émietta faute d’une volonté politique claire, avec une vision parfois plus départementale ou même locale que régionale.

13Toutefois, aujourd’hui, l’EPBS a étendu son ressort à l’ensemble de la Normandie sous la forme de l’Établissement foncier de Normandie (EFN). Il est au service des ambitions des deux régions et il mérite maintenant pleinement son titre de « banquier de la terre normande » que lui décernait le journal Le Monde en 1968. Il peut cibler encore plus son action dans la zone stratégique de l’Estuaire, ce que lui assignait le préfet Proust en 1993.

14Parmi les réalisations durables, il faudrait aussi signaler le parc régional de Brotonne devenu le parc régional des boucles de la Seine normande. En dépit de fortes vicissitudes politiques, il s’inscrit pleinement aujourd’hui encore dans le cadre de la régionalisation et celui du souci du développement durable.

15Il n’en va pas de même de l’Établissement public de la ville nouvelle de Val-de-Reuil (EPN) qui a connu un destin chaotique pour plusieurs raisons :

  • la ville nouvelle a vu ses premiers habitants s’y établir au moment du retournement démographique français (1975) ;

  • il n’a pas connu le rythme de croissance attendu dans la mesure où l’Île-de-France a vu le sien à peine freiné, malgré l’abandon de l’idée de créer une ville nouvelle à Mantes-Sud. On connaît bien aujourd’hui les conséquences d’une croissance urbaine mal maîtrisée… ;

  • l’image du « germe de ville », innovation intéressante à laquelle j’ai personnellement souscrit, a été indûment englobée dans la défaveur à l’égard des « grands ensembles » d’habitation ;

  • enfin et peut-être surtout, on a probablement trop réduit la ville nouvelle au germe de ville et à l’idée de centralité qu’elle véhiculait, alors que pour moi, comme géographe, il s’agissait principalement de l’aménagement global d’un site exceptionnel : le carrefour naturel Seine-Eure-Andelle, espace stratégique et très convoité en raison des opportunités foncières et de la convergence de moyens de communication. Ainsi que Pierre Troude le montre dans sa contribution, cet aménagement soigneux, même conçu trop largement, s’est révélé fécond. La maîtrise foncière obtenue grâce aux acquisitions de l’EPBS a permis des réalisations de grande qualité environnementale. Parmi celles-ci, il faut citer l’aménagement des anciennes sablières et celui de parcs industriels remarquables par leur réussite architecturale et la qualité de leur environnement…

16Certes, le retour au droit commun municipal acquis avant même 1981 comportait un risque : l’abandon de l’aménagement global du site, pourtant nécessaire, et qui fut mon souci constant de géographe au sein du Conseil scientifique de la ville nouvelle. Mais le choix de la forme d’ensemble urbain, retenu pour la gestion de la ville nouvelle, n’avait pas facilité l’établissement de rapports harmonieux avec les communes du site, ni permis de prévenir des rapports conflictuels avec le centre urbain, plus traditionnel, de Louviers.

17Tous ces problèmes d’aménagement cohérent n’ont pu commencer à être résolus, tardivement et timidement, que dans le cadre de l’intercommunalité (communauté de communes Seine-Eure) s’appuyant sur la mise en œuvre d’un SCOT (Schéma de cohérence territoriale). Ce devait être pourtant l’indispensable prolongement d’un aménagement prévu pour la « zone amont » du schéma Basse-Seine dès 1968… Cet aménagement sera peut-être couronné et accéléré par la réalisation d’un « barreau » autoroutier (A29-A13) prévu dans le cadre du contournement est de Rouen et envisagé dès l’époque du SABS. Nous avons certainement sous-estimé la lenteur des processus de décision… et le poids des contraintes financières…

  • 5 F. Gay, M. Bussi, « Géoscopie du Grand Rouen », Études normandes, 1-2, 1999.

18L’expérience, elle aussi très novatrice, de l’agence d’urbanisme de Rouen aura connu également un destin assez éphémère. La société d’Études urbaines de Rouen (SORETUR puis ARETUR), vidée de sa substance dès 1982, sera malheureusement abandonnée, dans l’indifférence générale, en 1985. Elle répondait pourtant à un besoin : faciliter le développement cohérent de l’agglomération la plus émiettée de France (Le Puzzle rouennais ainsi que nous l’avons dénommé dans un numéro spécial d’Études normandes5). Il s’agissait d’aménager la zone centrale du SABS (« Le Grand Rouen ») pour compenser le fait que Rouen n’avait pas été retenue dans la liste des communautés urbaines en 1966 ni comptée comme métropole d’équilibre par la DATAR. On constate, encore aujourd’hui, les effets néfastes de cette absence d’une grande métropole régionale dans le Grand Nord-Ouest de la France entre Lille et Nantes-Rennes.

La nouvelle donne de l’intercommunalité et de la régionalisation

19Ce quadrant nord-ouest de la France n’est traversé, contrairement aux autres, par aucune ligne de TGV. Rouen et Le Havre perdent ainsi un des avantages relatifs de la proximité parisienne, contrairement à Amiens, Reims, Orléans, Le Mans, Tours. Bien entendu, il existe aujourd’hui un minimum de planification spatiale à l’échelle de l’agglomération, mais est-elle à la mesure d’une aire urbaine qui compte maintenant près de 600 000 habitants ? Une véritable agence d’urbanisme à l’échelle convenable – celle qui va du Vaudreuil à Barentin – n’aurait certes pas suffi à créer cette unité d’impulsion, dont bénéficie par exemple Le Havre, mais elle aurait peut-être permis de faciliter les cohérences indispensables et d’assurer la cohésion territoriale nécessaire.

20En conclusion, le développement de l’intercommunalité et surtout le processus de régionalisation ont, bien entendu, changé complètement la donne. Ils ont rendu obsolètes certains des organismes d’origine « technocratique » quelle qu’ait été leur originalité. Le schéma Basse-Seine, non mis à jour, dépourvu de moyens d’application adéquats (et à la bonne échelle), ne servait plus dès 1980 qu’à alimenter la nostalgie d’un grand projet territorial pour la Normandie…

21Un tel objectif qui serait accepté par tous et « mobilisateur » ne peut aujourd’hui résulter que de la recherche de la synergie entre des impératifs nationaux (lesquels, semble-t-il, portent aujourd’hui sur la zone de l’Estuaire et l’idée d’une Charte métropolitaine Caen-Rouen-Le Havre) et des ambitions régionales réalistes. Elles devront être moins volontaristes qu’autrefois pour tenir compte des contraintes financières et de celles du marché, et donc faire davantage confiance à l’initiative privée. Néanmoins, les deux Schémas régionaux de développement du territoire (SRADT) devront être davantage coordonnés. L’unification de la Normandie, souhaitée en particulier par plusieurs géographes, peut être une voie dans ce sens.

22Il dépend donc d’une ambition normande, autour de l’idée d’une Normandie « maritime », de se manifester et ainsi de développer l’espace stratégique de la baie de Seine.

Notes

1 F. Saunier, L’Aménagement de la Basse-Seine de 1940 à 1977, un territoire d’expérience, thèse d’histoire de l’architecture, Université de Paris I, 2003 (dactyl.).

2 J.-F. Sirinelli, Les Baby-boomers, la génération 1945-1969, Paris, Fayard, 2003.

3 M. Crozier, Ma belle époque, Paris, Fayard, 2002.

4 Sur cette appellation d’« âge d’or », voir ma contribution au nª 2-2004 de la revue Études normandes : « Val de Reuil : jeunesse d’une ville nouvelle ».

5 F. Gay, M. Bussi, « Géoscopie du Grand Rouen », Études normandes, 1-2, 1999.

Auteur

Professeur émérite de géographie et d’aménagement du territoire de l’université de Rouen, il a enseigné dans plusieurs universités américaines et canadiennes. Comme consultant ou conseiller scientifique, il a participé à des études relatives à l’aménagement du territoire en Normandie (Basse-Seine, Le Vaudreuil…). Plusieurs de ses travaux ont été publiés dans la revue Études normandes.

© Presses universitaires de Caen, 2008